Réforme des heures creuses : ce qu'il vous faut savoir

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Heures creuses

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La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a engagé mi-mai avec Enedis un vaste chantier : réfléchir à l'évolution du système de tarification « heures creuses/heures pleines » afin que celui-ci reflète mieux l'évolution du système électrique français.

Ce projet a depuis suscité de nombreuses interrogations, auxquelles vous trouverez ici des éléments de compréhension.

À quoi sert le système d'heures creuses et d'heures pleines ?

Les fournisseurs d’électricité proposent des offres en « tarif de base » avec un prix du kWh constant au cours de la journée mais aussi en « double tarif » avec un prix différent à des heures dites « pleines » et à des heures dites « creuses » (généralement de l'ordre de 25 à 30% moins chères). Les heures pleines (HP) correspondent aux heures de forte et moyenne demande sur le réseau électrique et les heures creuses (HC) à celles de faible consommation, principalement la nuit.

Ce système a ainsi « pour but de renvoyer un signal tarifaire incitant les consommateurs à flexibiliser leur demande, c'est-à-dire à décaler les usages qui peuvent l'être des heures auxquelles l'approvisionnement est le plus tendu vers celles auxquelles il ne l'est pas », indique Maxence Cordiez, membre du comité des Experts de Connaissance des Énergies.

L'économie réalisée par les consommateurs (on estime que cette économie intervient globalement pour un client dès qu'il arrive à répartir 30% de sa consommation en heures creuses) est « une forme de paiement pour le service qu'ils rendent au réseau, en évitant le démarrage de centrales fossiles dont la production est coûteuse à certains moments et en en évitant l'écrêtement de production bas carbone à d'autres moments ».

Qui fixe les heures creuses ?

Les offres HP/HC comportent 8 heures creuses et 16 heures pleines par jour qui peuvent être réparties différemment.

C'est le gestionnaire de réseau qui fixe les heures creuses, c'est-à-dire principalement Enedis et RTE pour les très gros consommateurs professionnels directement raccordés à son réseau de transport. Enedis attribue aléatoirement les plages horaires des 8 heures creuses aux nouveaux clients (qui varient donc légèrement d'un client à un autre pour que tous les consommateurs ne soient pas répartis sur une période trop concentrée).

Précisons que le fournisseur d'énergie est libre de suivre de suivre les plages horaires indiquées par le gestionnaire de réseau pour ses clients ou de répartir différemment ces heures creuses (mais il a intérêt à suivre cette indication car le tarif d'utilisation des réseaux « TURPE » est plus faible durant les heures choisies par Enedis).

Combien de ménages disposent d'une tarification HC/HP ?

Le système des heures creuses/heures pleines concernent près de 14 millions de compteurs électriques(1), soit environ la moitié des foyers français.

Pourquoi une réforme des heures creuses est-elle envisagée ?

« L'évolution des usages et surtout de la production électrique modifie l'état de sollicitation du réseau. Il est donc naturel que les tarifs heures pleines/heures creuses s'adaptent à cette évolution, vu qu'ils ont pour rôle de refléter l'état de ce réseau », souligne Maxence Cordiez.

« Si celui-ci reste tendu le matin et aux alentours de 19 heures en hiver, il l'est traditionnellement peu la nuit du fait de la faiblesse de la demande, et l'est de moins en moins l'après-midi du fait de la production solaire photovoltaïque croissante. C'est d'autant plus le cas en été quand la production solaire PV est maximale. »

Consommation sur le reseau electrique français le 29 mai 2024Puissance disponible sur le réseau électrique français le 29 mai 2024

Le principal objectif de la réforme est ainsi de mieux aligner la demande avec la production photovoltaïque croissante aux heures méridiennes l'été (et éviter des épisodes de prix négatifs sur les marchés de gros).

Qu'est-ce qui devrait concrètement changer ?

La réforme, telle qu'envisagée actuellement, maintiendrait le principe de 8 heures creuses et 16 heures pleines. Elle consiste à différencier les horaires des heures creuses/heures pleines en hiver et en été (en 2023, la production solaire en France a avoisiné 8 TWh des mois de juin à août, contre 3,5 TWh entre janvier et mars selon RTE).

Point important : il n'est pas question de supprimer les heures creuses la nuit en été comme certains observateurs semblaient le dire : il est envisagé de conserver quelques heures creuses la nuit et d'ajouter des heures creuses en journée (sur la plage horaire 10h/16h par exemple).

Cette évolution possible est « un premier pas », estime Maxence Cordiez : « On pourrait aller plus loin et avoir deux bandeaux d'heures pleines et deux bandeaux d'heures creuses pour mieux refléter l'état du réseau. Cela sera d'ailleurs probablement nécessaire à terme ».

Quand cette réforme sera-t-elle mise en œuvre ?

La réforme des heures creuses s'inscrit dans le cadre de la révision du « TURPE 7 » (Tarif d'Utilisation du Réseau Public d'Electricité) qui entrera pour sa part en vigueur le 1er août 2025.

Mais le calendrier de la réforme des HC sera quant à lui « très progressif », indique-t-on du côté de la CRE, avec un changement probablement étalé sur plusieurs années.

Ce calendrier devrait être connu « en fin d'année/tout début 2025 », après un examen des pistes proposées lors d'une consultation publique (d'un mois prévue à partir de fin septembre/début octobre) à l'issue de laquelle la CRE pourra apporter des précisions sur la réforme.

Des consommateurs craignent d'être lésés. Qu'en est-il ?

L'idée n'est « pas de faire payer le consommateur plus cher, au contraire, mais de l'inciter à adapter une partie de sa consommation à la production » (avec une modification des tarifs pour rendre le système HP/HC plus avantageux), souligne Maxence Cordiez.

« Si cette évolution pouvait à première vue être contraignante pour certains usages (charge des voitures électriques) » si les heures creuses avaient été supprimées la nuit en été, cette crainte s'éloigne compte tenu des intentions réelles des porteurs de la réforme. Cette dernière sera en outre « avantageuse pour d'autres usages avec des appareils électroménagers (lessive, lave-vaisselle, etc.) tournant en journée pour éviter le bruit la nuit par exemple », note Maxence Cordiez.

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