La vision de…
Pierre Prieux
Coprésident de la Fondation d’entreprise Alcen pour la Connaissance des Énergies
Le mix énergétique mondial ne connaîtra probablement pas de révolution d’ici 2050, tant du fait de la lenteur de mise en œuvre de nouveaux moyens de production, que de la faible probabilité de ruptures technologiques bouleversantes à moyen terme. Les énergies renouvelables et nucléaires verront leur part de marché augmenter, les énergies fossiles resteront majoritaires avec une érosion relative de l’utilisation du charbon et une montée de celle du gaz.
En matière de technologies, les installations solaires photovoltaïques et thermodynamiques ainsi que les éoliennes bénéficieront de progrès graduels. Le stockage d’énergie, essentiel pour rendre possible le fort développement des énergies intermittentes, aura lui aussi bénéficié d’améliorations incrémentales. Les premières centrales nucléaires de génération IV utilisant comme combustible les déchets des générations précédentes commenceront à fonctionner à l’horizon 2050. Quelques nouvelles technologies utilisant la biologie de synthèse devraient être opérationnelles. Cette voie qui est celle de l’avenir devrait prendre le dessus à la fin du siècle sur les technologies de production d’énergie utilisant chimie, électronique, mécanique, optique et thermodynamique. D’ailleurs, le pétrole n’est-il pas lui-même un vecteur d’énergie biologique ?
La raison sous-jacente à cette prédiction est le rôle majeur des motivations économiques dans les décisions énergétiques. Seule une catastrophe pourrait changer ce scénario. Par catastrophe, il est entendu un événement brusque causant pour des raisons énergétiques incontestables de très nombreux morts et susceptible de toucher les principales puissances économiques. Alors un consensus mondial pourrait s’imposer, valorisant la consommation de biens terrestres jusqu’alors considérés comme gratuits et débouchant par exemple sur une taxe carbone élevée et universelle.
En ce qui concerne les valeurs absolues des consommations énergétiques, trois facteurs principaux interviendront : la croissance démographique, l’augmentation moyenne du niveau de vie des populations et les progrès en efficience énergétique. Il semble probable que les deux premiers facteurs poussant à la hausse de la consommation énergétique ne seront pas compensés par les gains en efficience. Cependant, il faut noter que la croissance de la demande poussera à la hausse des prix qui motivera les efforts en efficience énergétique.
L’énergie finale consommée devrait s’orienter vers toujours plus d’électricité. C’est déjà une tendance forte qui est parfois étrange du point de vue environnemental, par exemple lorsque l’électricité utilisée est produite en brûlant du charbon. Le mouvement vers l’électricité est et sera une conséquence directe et indirecte de la digitalisation du monde, de la perception psychologique de ce qu’est la propreté mais aussi de la mise à disposition directe d’électricité par les moyens dits d’énergie renouvelable. L’hydrogène, produit de manière coûteuse, ne verra pas une utilisation massive. Il trouvera cependant des niches applicatives, étant un vecteur de stockage d’énergie efficient et portant une forte densité énergétique.
En conclusion, sans catastrophe telle que définie ci-dessus, la probabilité de respecter les objectifs de la COP21 (visant à limiter à 2°C au maximum la hausse de la température terrestre moyenne d’ici la fin du siècle) apparaît comme malheureusement faible.