En 2016, le solaire photovoltaïque a satisfait près de 7,2% des besoins électriques de la Corse. (©EDF-Bruno Conty)
Ségolène Royal a lancé le 20 mars une nouvelle étape en vue de développer une infrastructure d’alimentation gazière en Corse. L’île de beauté a officialisé dès fin 2015 ses objectifs des prochaines années en matière de politique énergétique. État des lieux.
La Corse a sa propre « PPE »
La Corse est le premier territoire français à s’être doté d’une Programmation Pluriannuelle de l’énergie (PPE). Pour rappel, la loi française de transition énergétique adoptée à l’été 2015 prévoit que le territoire continental de la France soit couvert par une PPE unique (adoptée en octobre 2016) et que les zones « non interconnectées » (ZNI : Guyane et îles françaises comme la Corse) adoptent chacune une PPE spécifique, eu égard à leurs spécificités.
La PPE de la Corse vise entre autres à réduire la dépendance de l’île en matière d’approvisionnement énergétique d’ici à fin 2023(1), sachant que près de 87% de la consommation d’énergie primaire de la Corse était encore satisfaite par des importations en 2014 : carburants pour les transports, GPL pour le chauffage, combustibles pour la production d’électricité, etc.
La consommation d’énergie primaire de la Corse reposait au total à 78,8% sur les produits pétroliers en 2014, d’après les dernières données de l’Observatoire régional de l’énergie et des gaz à effet de serre (OREGES) de la Corse. La PPE de l’île prévoit de réduire cette dépendance et d’ « inscrire l’infrastructure énergétique de la Corse dans la modernité », avec notamment le déploiement dans les transports de 700 bornes de recharge pour véhicules électriques alimentées par des énergies renouvelables et de 7 stations de recharge d’hydrogène d’ici à fin 2023.
L’île entend exploiter davantage son potentiel en matière d’énergies renouvelables, tant pour la production d’électricité (principalement solaire photovoltaïque avec et sans stockage, éolien, petite hydroélectricité et solaire thermodynamique) que de chaleur et de froid (solaire thermique, systèmes aérothermiques, bois-énergie). Au total, la PPE de la Corse envisage de porter à 19% la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie primaire de l’île à fin 2023, contre 13% en 2014.
Carte des principales installations énergétiques en Corse. (©Connaissance des Énergies, d'après OREGES)
Une transition des centrales thermiques de l’île vers le gaz naturel
Depuis 10 ans, la consommation électrique de la Corse a connu une croissance moyenne annuelle de 3,6%. En 2016, les besoins électriques de l’île ont été couverts à plus de 40% par deux centrales thermiques à moteur Diesel(2) : la centrale du Vazzio près d’Ajaccio et la centrale de Lucciana près de Bastia(3). Le reste de la demande d’électricité corse a été satisfait à parts à peu près égales par la production électrique renouvelable (principalement grâce aux grands barrages hydroélectriques comme celui du Rizzanese) et par les importations (via les interconnexions avec la Sardaigne et l’Italie continentale).
Il est prévu de « convertir » au gaz les deux centrales thermiques de Corse d'ici à fin 2023(4). Le 20 mars 2017, Ségolène Royal a lancé « la procédure de dialogue concurrentiel portant sur la sélection d’un opérateur pour la réalisation et l’exploitation d’une infrastructure d’alimentation de la Corse en gaz naturel ». Ladite infrastructure sera composée de 2 grands ensembles :
- un terminal flottant de stockage et de regazéification ancré au large de Lucciana, celui-ci pouvant recevoir des navires méthaniers ;
- un réseau de gazoducs acheminant le gaz du terminal flottant à la centrale électrique de Lucciana et à la future centrale du Vazzio.
En 2016, les énergies renouvelables ont satisfait près de 29,2% des besoins électriques de la Corse. (©Connaissance des Énergies, d'après données d'EDF SEI)
Un impact sur la facture d’électricité de tous les Français
La transition des centrales thermiques de Corse au gaz présente un intérêt environnemental mais aussi économique, y compris pour les consommateurs en métropole continentale. Pour rappel, les tarifs réglementés de l’électricité en France sont en effet les mêmes pour tous les consommateurs français selon le principe de péréquation tarifaire. Or, les coûts de production en Corse sont « nettement supérieurs » à ceux en métropole continentale(5) en raison de contraintes spécifiques, rappelle la PPE.
En 2015, les surcoûts de production d’EDF en Corse (écart entre les coûts et les recettes de production) ont ainsi atteint près de 150 millions d’euros selon la CRE(6). Ces charges sont, au titre de la péréquation tarifaire, incluses dans la CSPE dont d’acquittent tous les consommateurs d’électricité français. La baisse attendue du coût de production en Corse grâce à de nouvelles unités de production renouvelable et des centrales thermiques plus efficaces, devrait ainsi profiter à tous les Français. Signalons que la Corse entend également agir sur sa consommation d’électricité et prévoit d’ « augmenter de 200% les gains d’efficacité énergétique » dans l’île d’ici à fin 2023.