Vue de l’exposition sur les phares, Ballet des optiques (© musée national de la Marine/S. Dondain)
Des phares aux panneaux solaires à concentration, la lentille de Fresnel a ouvert des perspectives d’évolution à de nombreux systèmes d’optique. Focus sur cette source d’innovations mise en lumière par l’exposition actuelle sur les phares au musée national de la Marine.
A l’origine, Augustin Fresnel et les phares
L’histoire de la lentille de Fresnel trouve ses racines en 1811 avec la mise en place d’une Commission des phares réunissant des inspecteurs du corps des ponts et chaussées et des savants afin de perfectionner le système d’éclairage des phares français. L’un d’entre eux, François Arago entreprend des expériences, assisté par Augustin Fresnel. Ce dernier est considéré comme le fondateur de l’optique moderne. Il a utilisé un nouveau type de lentille, la lentille à échelons (ou lentille de Fresnel)(1). Celle-ci permit d’émettre un faisceau lumineux peu divergent portant à une plus grande distance à partir des lampes à huile alors utilisés dans les phares.
Augustin Fresnel permit ainsi de substituer aux miroirs paraboliques alors utilisés de grandes lentilles de verre, de fine épaisseur pour qu’elles n’absorbent pas trop la lumière. Afin de diminuer le volume de verre nécessaire, ses lentilles sont découpées en anneaux concentriques, collés entre eux par leurs bords les plus minces (alors avec de la colle de poisson). Elle présente l’avantage d’obtenir une courte distance focale pour un large diamètre tout en étant moins lourde qu’une lentille simple.
Les discontinuités entre les différents anneaux nuisent toutefois à la qualité optique, ce qui pousse à utiliser ces lentilles pour des usages pour lesquels la qualité de l’image n’est pas essentielle. L’intuition d’Augustin Fresnel sera néanmoins confirmée par les futures applications de sa lentille : celle-ci « ne sera pas seulement utile à l’éclairage des phares; elle servira à l’avancement de la science », écrivait-il en 1822.
De nouvelles applications : le solaire à concentration
Le principe de la lentille de Fresnel a depuis lors fait l’objet de nombreuses applications : phares de voitures, rétroprojecteurs, lunettes arrières des bus, etc. Dans le secteur énergétique, les centrales solaires à concentration, développées à partir des années 1980, étendent encore le champ de ces applications (dans les centrales thermodynamiques comme photovoltaïques).
Dans certaines centrales solaires thermodynamiques, le principe de concentration de Fresnel est utilisé par des miroirs plans. Plutôt que de courber les miroirs (processus industriel coûteux), les miroirs de Fresnel « miment » la forme cylindro-parabolique avec un ensemble de miroirs très légèrement incurvés et placés à un même niveau horizontal. Les coûts des centrales solaires à miroirs de Fresnel sont donc inférieurs à ceux des centrales à miroirs cylindro-paraboliques tant à l’installation qu’à la maintenance. La focalisation est toutefois également dégradée dans ce système (puisque la parabole n’est pas parfaite). L’enjeu est donc de conjuguer baisse des coûts et moindre performance pour rendre la solution attractive.
Centrale solaire thermodynamique à miroirs de Fresnel (©Alsolen)
Certaines centrales photovoltaïques à concentration (CPV) utilisent quant à elle des lentilles de Fresnel afin de concentrer le rayonnement lumineux sur des cellules solaires à haut rendement. Pour un même flux solaire capté, les rendements énergétiques atteints aujourd’hui (30% à 40% pour l’ensemble lentille et capteur) sont doubles de ceux des panneaux solaires photovoltaïques à insolation directe (autour de 10% et jusqu’à 20%).
La recherche sur les lentilles de Fresnel se poursuit aujourd'hui comme en témoigne la création d'une joint-venture entre la société française Soitec (spécialisée dans les matériaux semi-conducteurs) et la société américaine Reflexite (spécialisée dans les composants optiques) en novembre dernier. Celles-ci cherchent à perfectionner le rendement et la durée de vie de lentilles de Fresnel en silicone sur verre, sans détérioration mécanique ou chimique (jaunissement, craquelage, délaminage). Elles témoignent du vif intérêt que les scientifiques continuent de porter à la lentille de Fresnel, une innovation presque bicentenaire toujours appelée à des applications insoupçonnées.