Exemple d'un générateur de hautes puissances pulsées : technologie « Linear Transformer Driver » (©ITHPP)
Théorie de la compression d'énergie
La puissance est, par définition, une énergie divisée par un temps. Par exemple, la puissance d'une ampoule électrique peut se calculer en divisant l'énergie consommée par l'ampoule par le temps de fonctionnement.
Sur cette base, on peut imaginer d'augmenter la puissance, sans consommer ni créer d'énergie, en comprimant cette énergie dans le temps. Une énergie d'un joule (1J) peut ainsi permettre de faire fonctionner une ampoule de dix watts (10W) pendant un dixième de seconde, mais si on comprime cette même énergie en un milliardième de seconde, la puissance produite est maintenant d'un milliard de watts (1GW). Cette puissance est de l'ordre de grandeur de celle d'une tranche de centrale nucléaire. Tout cela avec un joule, mais pendant un milliardième de seconde.
La réalisation de cette compression d'énergie est l'objet des hautes puissances pulsées.
Principes physiques
Les besoins à satisfaire peuvent être extrêmement variés : on peut rechercher de forts courants et/ou de fortes tensions, des temps de montée et des durées d’impulsion plus ou moins longues, une impulsion unique ou une rafale d’impulsions successives, l’impédance de la charge peut être plus ou moins élevée. Il n’existe donc pas de principe technique universel permettant de répondre à l’intégralité des besoins.
Cependant, tous les systèmes de hautes puissances pulsées sont basés sur une accumulation d'énergie stockée sous différentes formes (généralement électrostatique ou magnétique) qui est ensuite libérée en un bref instant. Le point clé technique est donc le composant permettant la libération rapide de l'énergie et donc l’amplification de puissance: le commutateur.
Il n’entre pas dans l’objet de cette fiche de décrire l’ensemble des types de commutateurs susceptibles d’être utilisés dans des systèmes de hautes puissances pulsées. On se limitera donc à évoquer deux critères clés qui peuvent servir à catégoriser les commutateurs.
Tout d’abord, il existe des commutateurs dits à ouverture et des commutateurs dits à fermeture. Les commutateurs à ouverture sont naturellement fermés, c’est-à-dire qu’ils laissent normalement passer le courant. Il est possible de déclencher leur ouverture et donc de bloquer le passage du courant. Ils sont généralement utilisés dans les systèmes utilisant un stockage magnétique. L’ouverture du commutateur empêche le courant de continuer à circuler dans une branche du circuit et le force à aller vers la charge.
Les commutateurs à fermeture sont, quant à eux, souvent associés au système utilisant un stockage capacitif. Naturellement ouvert, leur fermeture permet le passage du courant en déchargeant un condensateur dans la charge.
Au-delà de cette distinction fonctionnelle, on peut aussi avancer un deuxième critère de classement basé sur le milieu physique permettant la commutation. On trouve ainsi des commutateurs utilisant les milieux :
- Solide : les commutateurs à semi-conducteurs sont en développement rapide (électronique de puissance) et leur usage va probablement se généraliser au fur et à mesure de l’accroissement de leurs performances;
- Gazeux : les « éclateurs » à gaz utilisant de l’air, de l’azote, du SF6 ou de l’hélium à différentes pressions permettent de faire passer énormément de courant dans l’arc électrique qui s’établi dans le gaz mais peuvent parfois poser des problèmes en terme de durée de vie;
- Liquide : ce type de commutateurs est beaucoup moins utilisé que les précédents;
- Vide : ces commutateurs ont l’avantage d’une grande plage de fonctionnement et d’une longue durée de vie mais sont relativement complexes à concevoir et à mettre en œuvre;
- Plasma : ces commutateurs particulièrement rapides sont mécaniquement simples mais complexes à concevoir et à mettre au point.
Applications possibles
L’exploitation de très fortes puissances sans mobiliser des quantités considérables d’énergie peut être un moyen de provoquer certains phénomènes physiques intéressants. On peut donc voir les hautes puissances pulsées comme une manière extrêmement efficace d’utiliser l’énergie.
Historiquement, les premières applications furent militaires et tirèrent le développement de ces technologies.
Les premiers générateurs de hautes puissances pulsées ont été conçus et réalisés par Erwin Marx en Allemagne en 1923 : il a imaginé de charger une série de N condensateurs en parallèle à une tension U. Puis, grâce à un jeu de commutateurs judicieusement disposés, il les déchargeait en parallèle générant ainsi une tension de N x U.
Après la seconde guerre mondiale, une autre famille de générateurs de hautes puissances pulsées a commencé à se développer : il s’agit de générateurs utilisant un stockage inductif, par opposition au stockage capacitif utilisé dans les générateurs de Marx. Les générateurs de ce type les plus connus sont les IVA (Inductive Voltage Adder) dans lesquels l’addition de tension est obtenue dynamiquement en forçant le courant à circuler dans les branches les moins inductives du circuit électrique.
Les études se sont ensuite poursuivies essentiellement en Union soviétique, aux Etats-Unis, au Royaume Uni et en France. Les systèmes les plus récents peuvent générer jusqu’à, par exemple, 25MA pendant environ 100 milliardièmes de seconde.
Actuellement, de nombreux développements sont en cours pour les utiliser dans un contexte civil.
Sans nécessairement distinguer les applications civiles des applications militaires, on peut citer :
- simulation de la foudre ;
- production de champs magnétiques intenses ;
- formage des métaux ;
- fracturation de matériaux ;
- production de rayonnements électromagnétiques intenses ;
- étude des équations d'état des matériaux à haute pression ;
- étude des plasmas chauds.
Les recherches menées actuellement dans le domaine des hautes puissances pulsées visent bien sûr un accroissement des performances :
- puissances croissantes (tension et/ou courant de plus en plus élevés) ;
- durées d'impulsion et temps de montée de plus en plus rapides ;
- fréquences de répétition des impulsions de plus en plus grandes ;
- compacité accrue ;
- fiabilité et durée de vie des systèmes.
Par ailleurs, les technologies de commutation solide à semi-conducteurs ont encore des performances qui limitent leur usage pour ces applications. L’amélioration rapide de leurs performances conduira cependant nécessairement à généraliser leur usage en se rapprochant donc du domaine de l’électronique de puissance bénéficiant ainsi de la durée de vie et de la fiabilité de ces composants.