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Instaurer un prix mondial unique du carbone et arrêter de croire à "l'utopie d'une transition énergétique heureuse" : voilà ce que préconise Christian Gollier, directeur général la Toulouse school of economics et spécialiste de l'économie de l'environnement, pour faire face au changement climatique.
Q: Pourquoi est-ce si difficile pour les États de mettre en place des politiques climatiques ambitieuses et un prix du carbone efficace ?
Aujourd'hui il y a des difficultés pour les politiciens à soutenir un tel projet parce qu'il y a un malentendu considérable avec l'opinion publique. Il y a un volontarisme ambitieux sur le climat, mais les gens pensent que ça sera peu coûteux, voire même favorable en terme d'emplois et de pouvoir d'achat, ce qui n'est pas vrai. C'est une utopie de la transition énergétique heureuse.
Il s'agit quand même d'abandonner l'utilisation d'énergies fossiles qui ont fait la prospérité de l'Occident pour la remplacer par les énergies renouvelables, qui sont aujourd'hui plus chères. Cela va nécessairement être attentatoire au pouvoir d'achat. Les politiciens sont coincés entre une opinion publique qui est volontariste dans l'ambition et en même temps réticente à sacrifier son pouvoir d'achat.
Par ailleurs, le prix du carbone pose un problème, c'est que les ménages les plus modestes consacrent une plus grande part de leurs revenus pour consommer de l'énergie. C'est très important de le prendre en compte et qu'on utilise une part des revenus de la taxe carbone pour compenser, voire surcompenser, les ménages les plus modestes pour les faire adhérer au projet politique.
Q: Vous plaidez pour la mise en place d'un prix universel, autour de 50 euros.
Si vous offrez des exemptions, il y a un problème de légitimation vis à vis des gens non exemptés. Et cela sape la politique. Et c'est aussi une question d'efficacité. S'il y a des gens qui sont exemptés, ces gens là ont peut être la capacité de réduire leurs émissions mais ils ne le font pas.
Aujourd'hui on est dans un système inefficace : on fait des efforts qui coûtent très cher par tonne de CO2 évitée, comme le système français de bonus/malus automobile, alors qu'on ne fait pas la chose la plus évidente à faire en Europe qui est l'élimination du charbon du mix énergétique, en faisant remonter le prix du carbone sur le marché des quotas européen.
Q: La communauté internationale peut-elle parvenir à s'entendre sur un tel sujet, dans un contexte de crise du multilatéralisme ?
La question, plus large, doit être : comment coordonner les acteurs nationaux qui se partagent la planète pour atteindre cet objectif ? La difficulté à mettre en place un prix universel n'est qu'une facette de ce problème. Chaque pays a intérêt à ce que les autres fassent plus et à ne rien faire lui-même.
Les économistes ont une proposition pour éviter le sujet des fuites de carbone et du dumping environnemental et c'est une nouveauté, en particulier chez les Américains : c'est de mettre une taxe carbone aux frontières d'une coalition dans laquelle existerait un prix du carbone unique.
L'objectif n'est pas simplement de rassurer les industriels américains sur leur compétitivité internationale, mais c'est aussi de raccrocher des pays récalcitrants au wagon. Selon le prix nobel William Nordhaus, il suffirait d'une taxe de 2 à 3% pour que l'ensemble des pays du monde aient un intérêt individuel à rejoindre une coalition qui rassemblerait les États-Unis et l'Union européenne.
Q: Pourquoi l'instauration d'un prix du carbone est le meilleur moyen de réduire les émissions de CO2 au niveau mondial ?
Réduire les émissions de CO2, ça ne sera possible qu'en mettant en oeuvre une myriade d'actions de grande taille et de petite taille -- que chacun achète une voiture un peu moins puissante, qu'on éteigne la lumière en sortant du bureau, qu'on bascule du charbon au gaz dans la production d'électricité, la reforestation, etc.
Il est difficile d'imaginer que les Etats puissent organiser à ce point les comportements et les efforts. Ils ne peuvent le faire qu'en incitant les uns et les autres à faire tous ces gestes. La solution c'est d'envoyer un signal prix à l'ensemble des acteurs économiques qui émettent du CO2. Quand on fait cela, on incite les acteurs économiques à faire des efforts de réduction des émissions de CO2.