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L'OPEP et ses alliés, réunis à Vienne, ont fait bloc lundi derrière la proposition russo-saoudienne de prolonger de neuf mois les baisses de production en vigueur pour soutenir les cours, le cartel s'entendant par ailleurs une charte de coopération permanente avec ses dix partenaires --et ce en dépit de l'irritation de l'Iran face à l'influence du duo Moscou-RIyad.
Les 14 pays de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) "sont parvenus à un accord" pour garder le cap des limitations actuelles de production jusqu'à mars 2020, a annoncé lundi soir le ministre vénézuélien Manuel Quevedo, président de la Conférence. Plus tôt, le ministre russe de l'Énergie Alexandre Novak avait affirmé que l'ensemble des pays de l'OPEP et leurs dix alliés, emmenés par la Russie, avait exprimé "un soutien unanime" à l'extension des baisses de production.
Ces 24 pays, regroupés sous l'appellation OPEP+ et qui pompent la moitié du pétrole du globe, avaient décidé en décembre d'abaisser leur offre cumulée de 1,2 million de barils/jour pour soutenir les cours. Un accord qu'ils s'apprêtent à reconduire officiellement mardi après deux jours de réunions dans la capitale autrichienne, à l'heure où le prix du baril reste sous pression entre demande morose et offre abondante, malgré les tensions géopolitiques au Moyen-Orient.
Le suspense était d'emblée limité : le président russe Vladimir Poutine avait annoncé dès vendredi, en marge du G20 d'Osaka, un compromis avec l'Arabie saoudite pour prolonger les baisses de production. Cette perspective a permis au cours du baril de pétrole à New York de dépasser 60 dollars, pour la première fois depuis mai, avant de retomber ensuite, toujours plombé par les craintes d'une surabondance de l'offre mondiale de brut.
"Neuf mois nous donne suffisamment de temps pour rééquilibrer le marché", a insisté le ministre saoudien de l'Énergie, Khaled al-Falih, louant l'effet d'entraînement du compromis d'Osaka qui a permis de "susciter un consensus" à Vienne. Mais tous n'approuvent pas l'ascendance de la Russie, deuxième producteur mondial, et de l'Arabie saoudite, chef de file du cartel, alliées depuis trois ans pour enrayer l'effondrement des cours.
Contre le solo de Riyad
À Vienne, le ministre iranien du Pétrole Bijan Namdar Zanganeh a ainsi dénoncé le caractère selon lui "unilatéral" de l'entente Moscou-Riyad. "L'OPEP va mourir avec un tel processus" de décision piloté en solo par l'Arabie saoudite, grand rival régional de Téhéran, a tancé le ministre.
"L'OPEP est plus vibrante que jamais", a rétorqué le ministre saoudien al-Falih, jugeant que "personne ne dicte la ligne", soumise à "la concertation de tous". Il a également défendu l'alliance élargie : "Regardons la réalité : l'OPEP seule, c'est moins de 30% de la production mondiale. L'influence de la Russie, grand exportateur de brut, est bienvenue", a-t-il plaidé.
De fait, les liens sont en passe de se renforcer encore : au terme de "débats houleux" et prolongés, les membres de l'OPEP se sont mis d'accord lundi sur "une charte de coopération permanente" avec les pays non-OPEP, a annoncé M. al-Falih, saluant "un document historique".
L'Iran s'était pourtant dit lundi matin farouchement opposé à tout accord de coopération à long terme visant à pérenniser le partenariat entre l'OPEP et ses alliés. "Mais certaines modifications ont été faites (...) Nous avons insisté sur le fait que l'OPEP en tant que telle subsistera et que cette charte et ses principes n'auront pas d'impact sur l'OPEP et ses prises de décision", s'est justifié M. Zanganeh à l'issue de la réunion.
Les dix partenaires du cartel, dont la Russie, devront entériner mardi ce document qui intensifiera les mécanismes de coopération au sein de l'"OPEP+". Par ailleurs, Téhéran a lui-même soutenu le renouvellement des plafonds de production, d'autant que le pays en est jusqu'ici exempté, compte tenu des sanctions américaines qui étranglent ses exportations.
Demande morose
Pour les pays producteurs de pétrole, l'équation est complexe : côté offre, l'intensification des tensions dans le Golfe (attaques de tankers, drone américain abattu par l'Iran...) ravive les craintes sur la sécurité des approvisionnements de brut, mais sans provoquer de flambée des prix.
Les risques géopolitiques restent en effet éclipsés par le vif essoufflement de la consommation pétrolière, sur fond de guerre commerciale sino-américaine et de ralentissement de l'économie mondiale. Or, face à cette demande affaiblie, l'offre de brut reste abondante: la production américaine de pétrole de schiste ne cesse de grimper, concurrençant l'OPEP et gonflant des stocks mondiaux déjà élevés.
Inquiète, l'Arabie saoudite a réduit son offre bien au-delà des baisses de production imposées dans l'accord, pompant en mai 9,70 Mb/j, très en dessous des 10,31 Mb/j convenus, et Riyad s'est dit lundi prêt à poursuivre ses efforts. Si la stratégie de l'"OPEP+" a permis au cours de Brent d'engranger quelque 20% depuis janvier, il reste très en-deçà des 85 dollars que nécessiterait le budget saoudien.