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Le mégabarrage sur le Nil bleu en Ethiopie, dont Addis Abeba a annoncé vendredi avoir achevé la 3ème phase de remplissage du réservoir, suscite des tensions régionales, notamment avec l'Egypte.
- Dix pays -
Avec ses 6.695 kilomètres, le Nil est, à égalité avec l'Amazone, le plus long fleuve du monde et une source d'approvisionnement en eau et en énergie hydraulique vitale dans une région d'Afrique largement aride.
Le bassin du Nil couvre plus de trois millions de km2, soit 10% de la superficie du continent africain, traversant dix pays: Burundi, République démocratique du Congo, Egypte, Ethiopie, Kenya, Ouganda, Rwanda, Soudan du Sud, Soudan et Tanzanie.
Son débit annuel est estimé à 84 milliards de m3.
Le Nil Bleu, qui prend sa source en Ethiopie, rejoint le Nil Blanc à Khartoum pour former le Nil qui traverse le Soudan et l'Egypte avant de se jeter en Méditerranée.
- Un des plus grands barrages d'Afrique -
Lancé en 2011 par l'Ethiopie pour un montant de quatre milliards de dollars, le projet vise à construire l'un des plus grands barrages hydroélectriques d'Afrique.
Situé sur le Nil Bleu, à une trentaine de kilomètres du Soudan, le Grand barrage de la Renaissance (Gerd) est long de 1,8 kilomètre et haut de 145 mètres.
La hauteur de l'eau dans le réservoir atteint désormais 600 mètres, tandis que le réservoir contient 22 milliards de m3 d'eau sur les 74 milliards de sa pleine capacité.
Les deux premières turbines, sur treize prévues, ont une capacité de production totale de 750 mégawatts (MW). La puissance annoncée à terme est de plus de 5.000 mégawatts (MW).
- Approvisionnement en eau -
L'Egypte, pays aride de près de 100 millions d'habitants, dépend du Nil pour environ 97% de ses besoins en eau, y compris pour son agriculture.
Le Caire évoque un "droit historique" sur le fleuve, garanti depuis le traité signé en 1929 entre l'Egypte et le Soudan représenté par la Grande-Bretagne, puissance coloniale. L'Egypte avait alors obtenu un droit de veto sur la construction de projets sur le fleuve.
En 1959, après un accord avec Khartoum sur le partage des eaux, l'Egypte s'attribue un quota de 66% du débit annuel du Nil, contre 22% pour le Soudan.
Mais, en 2010, un nouveau traité est signé par les pays du bassin du Nil, malgré l'opposition de l'Egypte et du Soudan, supprimant le droit de veto égyptien et autorisant des projets d'irrigation et de barrages hydroélectriques.
- Enjeux cruciaux -
L'Ethiopie, puissance régionale émergente, pour qui le projet est essentiel à son développement, affirme que le barrage ne perturbera pas le débit de l'eau.
L'Egypte s'inquiète elle du rythme de remplissage du réservoir géant du Gerd. S'il est rempli sur une période courte, l'écoulement de l'eau du Nil à travers l'Égypte pourrait fortement baisser.
L'Egypte voit dans ce projet une menace "existentielle" et le Soudan a mis en garde contre des "grands risques" pour la vie de millions de personnes.
Après neuf années de blocage dans les négociations, les Etats-Unis et la Banque mondiale ont parrainé à partir de novembre 2019 des discussions visant à trouver un accord, qui ont échoué.
En juillet 2020, l'Ethiopie a annoncé avoir atteint un premier objectif de remplissage, à 4,9 milliards de mètres cubes, puis en juillet 2021 le succès d'une seconde phase de remplissage.
En 2021, l'ONU a recommandé aux trois pays de poursuivre les pourparlers sous l'égide de l'UA, qui restent dans l'impasse.
Le 20 février 2022, l'Ethiopie a lancé la production d'électricité du barrage.
- Tensions régionales exacerbées -
Autre source de tension régionale, le conflit depuis novembre 2020 dans la région éthiopienne du Tigré (nord), a entraîné l'afflux au Soudan de dizaines de milliers de personnes fuyant la guerre, dans un pays déjà en crise économique.
Par ailleurs un contentieux frontalier oppose depuis plusieurs décennies le Soudan et l'Ethiopie dans la vaste région d'Al-Fashaga, une fertile bande de terre. Les accrochages parfois meurtriers s'y sont multipliés depuis fin 2020 et un récent incident militaire fait craindre une escalade.