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Comptant parmi les plus gros fournisseurs d'électricité d'Europe, la Suède s'irrite de la politique énergétique de l'Allemagne qui finit par se répercuter sur la facture de ses propres consommateurs.
Une politique énergétique « irresponsable »
"Je suis furieuse contre les Allemands", a lancé jeudi dernier la ministre suédoise de l'Énergie et de l'Industrie lors d'une conférence de presse. Mettant les usages diplomatiques de côté, Ebba Busch n'hésite plus à dire tout le mal qu'elle pense de la politique énergétique "irresponsable" de Berlin.
Conformément à une décision prise par Angela Merkel, alors chancelière, dans le sillage de la catastrophe de Fukushima en 2011, l'Allemagne a fermé au printemps 2023 ses dernières centrales nucléaires.
Largement convertie aux énergies renouvelables - éolien et solaire -, la plus grosse économie européenne est, pour pouvoir tourner, désormais tributaire des éléments naturels et des livraisons électriques en provenance de l'étranger.
Notamment de Suède, deuxième plus gros exportateur net d'électricité l'an dernier en Europe - derrière la France -, selon les données du site spécialisé Montel. Mais si les interconnexions transfrontalières permettent de mieux équilibrer l'offre et la demande d'électricité à l'échelle du continent, elles contribuent aussi à un lissage des prix d'un pays à l'autre.
« Il n'est pas juste que les Suédois paient des prix allemands »
La disposition des Allemands à payer cher pour assouvir leurs énormes besoins énergétiques finit donc par se répercuter sur la facture des entreprises et ménages suédois.
En matière d'électricité, la Suède est découpée en quatre zones géographiques aux tarifications différentes. Le prix du kilowattheure a brièvement bondi dans les deux zones les plus au sud - d'où partent les exportations - la semaine dernière, faute de vent en Allemagne.
"Aucune volonté au monde ne peut ignorer les règles fondamentales de la physique, pas même le Dr Robert Habeck", le ministre (écologiste) allemand de l'Économie, a renchéri Ebba Busch lundi en marge d'une réunion à Bruxelles.
"L'Allemagne peut prendre les décisions qu'elle veut, mais elle doit comprendre que celles-ci affectent considérablement ses voisins. Il n'est pas juste que les Suédois paient des prix allemands pour des décisions allemandes", a-t-elle ajouté.
Relance du programme nucléaire suédois
Tous les torts n'incombent pas à l'Allemagne. La production d'électricité dans le sud de la Suède a pâti de la fermeture de réacteurs nucléaires dans la région il y a quelques années. "Le sud de la Suède a un grand besoin d'augmenter sa production d'électricité", a admis Lotta Medelius-Bredhe, la directrice de Svenska Kraftnat, réseau de transport d'électricité suédois, au micro de Sveriges Radio.
Contrairement à Berlin, Stockholm a fait marche arrière et décidé de relancer son programme d'énergie nucléaire. Afin de limiter l'effet de contagion des prix, la Suède voudrait maintenant que l'Allemagne suive son exemple et mette elle aussi en place un système de zonage des prix de l'électricité.
En attendant, elle a dit non à la construction d'une nouvelle interconnexion de 700 MW, Hansa PowerBridge, entre les deux pays. "Pour le dire clairement, nous avons pris en otage un gigantesque câble vers l'Allemagne, parce que l'Allemagne n'a pas mis d'ordre dans son système énergétique", a affirmé Mme Busch.
Berlin exclut de son côté d'instaurer des zones de tarification variable. "Nous sommes dans une situation où nous produisons notre électricité à partir d'énergies renouvelables principalement dans le nord et où notre industrie se trouve souvent dans le sud", a commenté le porte-parole du gouvernement, Stefan Hebestreit.
"Nous sommes actuellement en train de créer les connexions supplémentaires nécessaires, c'est-à-dire de construire les lignes de transport. Lorsque cela sera fait, le problème sera moins important", a-t-il assuré.
Les câbles électriques sous-marins en question
En Norvège, troisième exportateur net d'électricité en Europe l'an dernier, des tentations insulaires émergent aussi. De nombreuses voix préconisent de ne pas renouveler deux câbles électriques sous-marins reliant le pays au Danemark, qui arriveront en fin de vie en 2026.
"J'ai été clair sur le fait que nous ne prolongerons pas les câbles Skagerrak vers le Danemark si cela s'avère contribuer aux prix élevés que nous observons actuellement, ainsi qu'à un effet renforcé de contagion négative des prix", a indiqué le ministre norvégien de l'Énergie, Terje Aasland, dans un courriel à l'AFP.
Si aucune décision n'a été prise puisqu'aucun dossier n'a encore été présenté, cette annonce a créé de légères frictions entre la Norvège et... la Suède. Les marchés scandinaves de l'électricité étant étroitement liés, la même Ebba Busch a estimé auprès de l'agence norvégienne NTB que le non-renouvellement des câbles Skagerrak 1 et 2 serait une "catastrophe complète".
Ce à quoi M. Aasland a répondu, toujours selon NTB: "Je dois rappeler à Ebba Busch que c'est moi qui suis le ministre de l'Energie en Norvège".