La France à la traîne sur les réseaux de chauffage urbain

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Les raccordements au chauffage urbain en France ont presque doublé en dix ans mais cet essor reste "insuffisant" pour un mode de chauffage pourtant moins émetteur de gaz à effet de serre et 20 à 30% moins cher, selon la dernière enquête annuelle du secteur présentée mardi.

"Entre 2012 et 2022, le nombre de bâtiments connectés aux réseaux de chaleur a enregistré une croissance de 82%", indique l'étude supervisée par le ministère de la Transition énergétique.

Ce sont ainsi 2,7 millions de logements (ou 47.380 bâtiments) qui étaient desservis en 2022 en eau chaude et chauffage par l'un de ces 946 réseaux de chaleur (+48 comparé à 2021). Ils s'étendent sur 7.046 kilomètres (+529 km), principalement dans les régions Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est.

Parent pauvre de la planification énergétique, les réseaux de chaleur se composent d'une usine qui génère la chaleur et d'un réseau de conduites qui amènent cette chaleur jusqu'aux immeubles. Ils sont plus avantageux pour l'usager et plus écologiques.

Historiquement utilisateurs de fioul, ils intègrent désormais un taux croissant d'énergie renouvelables ou de récupération (66,5% en 2022) provenant par exemple de l'incinération des déchets urbains, de la géothermie, de la biomasse, etc, à côté d'une part de gaz décroissante (30,3%) et devenue anecdotique pour le charbon (encore 5 réseaux en 2022) et pour le fioul.

Si leur progression est indéniable, ainsi que celle des trop rares réseaux de froid pour la climatisation (1.563 bâtiments raccordés en 2022, +118 comparé à 2021), "il est impératif d'accélérer", enjoint l'étude, réalisée pour la Fédération des Services Energie Environnement (Fedene) et l'association de collectivités Amorce.

- 30 milliards d'investissements -

"On observe un rythme de créations de réseaux de chaleur insuffisant", constate-t-elle en rappelant que la France émarge dans le bas du tableau européen et est loin de ses propres objectifs, malgré pas moins de 1.600 projets identifiés.

Il faudrait raccorder "300.000 à 360.000 logements en moyenne par an d'ici 2035", a précisé devant la presse Diane Simiu, directrice du climat au ministère, si la France veut accroître la part des énergies renouvelables dans son chauffage et atteindre l'objectif "très ambitieux" fixé par le gouvernement de 90 térawattheures (TWh) livrés par réseau de chaleur en 2035, avec 80% d'énergies renouvelables et de récupération, contre 30 TWh en 2022.

"Il y a beaucoup à faire", a admis pour sa part Yann Rolland, directeur général d'Engie Solutions et président de la branche Réseaux de chaleur et froid de la Fedene.

"Mais on assiste depuis deux ou trois ans à une multiplication du nombre de projets (...) il y a un vent d'optimisme incroyable dans nos métiers, et la question principale est de savoir si on arrivera à trouver les équipes pour monter ces projets", assure-t-il.

Les arguments sont simples: "On n'est pas cher, résilient, on rejette peu de carbone, on est local et c'est une source de chauffage qui ne consommera pas d'électricité dans un temps où il n'y en aura peut-être pas assez pour tout le monde", souligne M. Rolland.

Les freins sont essentiellement financiers: rien que pour atteindre le palier de 68 TWh livrés par réseau de chaleur en 2030, l'enquête rappelle qu'il faudrait réaliser 30 milliards d'euros d'investissements.

Coûteux, les projets de réseau de chaleur sont également longs à mener pour les collectivités (environ 4 ou 5 ans) alors que le soutien de l'Etat --via le Fonds chaleur géré par l'Ademe-- reste en deçà des besoins même s'il n'a jamais été aussi élevé.

En 2024, le gouvernement prévoit une dotation record de 800 millions d'euros du Fonds chaleur (contre 600 M EUR en 2023, 520 M en 2022 et 200 M à sa création en 2009) mais cela ne suffira pas.

"Ce budget permet pour l'instant de répondre à deux tiers des projets qu'on a identifiés pour 2024", a précisé devant la presse Patricia Blanc, directrice générale déléguée de l'Ademe.

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