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Les tarifs réglementés de gaz paraissent menacés, le rapporteur public du Conseil d'État ayant estimé vendredi que ces tarifs, appliqués par Engie (ex-GDF Suez) à plus de 5 millions de foyers, sont contraires au droit européen.
Dans la longue liste des procédures engagées par les fournisseurs concurrents des anciens monopoles, Engie et EDF, contre les tarifs régulés de l'énergie, celle qui était étudiée vendredi par le Conseil d'Etat pourrait bien être la plus importante. A l'issue d'une audition publique, le rapporteur public de la plus haute juridiction administrative a recommandé d'annuler un décret datant de mai 2013 qui encadrait la fixation des tarifs réglementés du gaz.
Ce décret est attaqué par l'Anode, association regroupant des fournisseurs alternatifs (Direct Energie, Eni, Lampiris...), qui juge que les tarifs réglementés portent atteinte à la libre concurrence. Ces tarifs sont essentiellement proposés par Engie, mais aussi, à la marge, par des distributeurs historiques locaux de gaz (ELD).
La décision du Conseil d'État est attendue d'ici la fin juillet. S'il décide d'annuler le décret, ce ne sera qu'une première étape vers la fin des tarifs réglementés de gaz. Car fin 2015, les dispositions contenues dans le décret de 2013 ont été intégrées au Code de l'énergie, et elles resteront donc en vigueur, au moins dans un premier temps, mais le Code de l'Energie pourra être à son tour attaqué par les fournisseurs alternatifs.
Nouveau recours ?
"Le rapporteur public a ouvert un certain nombre de voies", a simplement commenté à l'AFP Fabien Choné, président de l'Anode, notant avec prudence qu'à ce stade "les conclusions vont dans le sens de la requête que nous avions déposée". L'État peut aussi décider d'abroger rapidement ces dispositions pour se conformer au droit européen. Une telle mesure, touchant les consommations énergétiques des Français, serait politiquement sensible, même si in fine il a l'obligation d'abroger des textes nationaux contraires au droit européen.
Pour fonder sa décision, le rapporteur public a étudié l'avis de la Cour de justice de l'UE sur cette affaire. En septembre 2016, celle-ci avait jugé que les tarifs réglementés français pouvaient être discriminatoires et demandé à la justice française de vérifier s'ils étaient conformes aux dérogations possibles. L'étude de ces dérogations "n'incite pas à l'optimisme quant au pronostic vital" des tarifs réglementés, a estimé le rapporteur.
Ces tarifs ne peuvent notamment pas garantir un niveau du prix du gaz "raisonnable", car ils sont en partie calculés par rapport aux prix sur le marché de gros, par définition volatiles, et qu'ils sont plus élevés que certains prix en offre de marché. Par ailleurs, ils ne garantissent pas une "cohésion territoriale", car il n'y a aucune obligation de raccordement au gaz, qui n'est pas reconnu par la loi comme un bien de première nécessité, contrairement à l'électricité. Enfin, il n'y a aucun "lien juridique" entre ces tarifs et la sécurité d'approvisionnement en gaz du pays, a noté le rapporteur public.
Quid de l'électricité ?
Ces conclusions ne concernent toutefois par les tarifs sociaux, appliqués aux consommateurs en situation de précarité. Le rapporteur juge également que le gouvernement doit pouvoir conserver son droit d'agir "ponctuellement" sur les tarifs en cas de hausse exceptionnelle du prix. Dans sa décision, le Conseil d'État aura aussi à se prononcer sur l'effet rétroactif d'une annulation du décret, qui était valable entre mai 2013 et décembre 2015.
Le rapporteur public estime qu'il ne faut pas interdire la possibilité pour les consommateurs de contester devant la justice les tarifs appliqués durant cette période, sans préciser si cela pourrait conduire à un remboursement des sommes payées, ni qui - de l'État ou d'Engie et des distributeurs locaux - serait responsable d'éventuellement compensations.
La décision du Conseil d'État sera aussi très attendue, car s'il confirme que les tarifs réglementés du gaz sont contraires au droit européen, cela ouvrira la porte à un jugement similaire sur les tarifs régulés de l'électricité, appliqués cette fois à plus de 27 millions de consommateurs. Contacté, Engie n'a pas souhaité faire de commentaire à ce stade. Le ministère de la Transition écologique, n'était pas en mesure de réagir dans l'immédiat.