Gaz à effet de serre : l'industrie française est-elle vraiment plus émettrice que l'industrie allemande ?

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Les données d’Eurostat indiquent que l’industrie française a émis 31% de gaz à effet de serre de plus que l’industrie allemande en 2021 (380 g éq. CO2 par euro de valeur ajoutée en 2021 contre 290 g éq. CO2/€ VA outre-Rhin).

L'industrie allemande émet proportionnellement moins de gaz à effet de serre que sa concurrente française, mais la France affiche une nette avance en matière d'électrification des procédés, indique jeudi une étude qui jauge les performances environnementales des deux puissances industrielles.

Des secteurs plus émetteurs en France

Les émissions directes de l'industrie française (dites de "scope 1", en jargon climatique) s'élevaient en 2021 à 380 grammes de CO2 ou équivalent par euro de valeur ajoutée, soit un secteur plus carboné que l'industrie allemande, qui a émis 290 grammes de CO2 sur les mêmes bases, souligne l'étude publiée par le groupe de réflexion La Fabrique de l'Industrie et le cabinet conseil McKinsey.

Explication de la différence : l'industrie française est plus représentée dans les secteurs de base comme la métallurgie, la chimie, la fabrication de produits minéraux non métalliques, le papier-carton ou la cokéfaction-raffinage - qui sont aussi les plus émetteurs - que l'industrie allemande, plus axée sur des secteurs moins émetteurs, comme l'automobile.

Par ailleurs, "en considérant le mix électrique des deux pays, l'écart entre la France et l'Allemagne s'annule, voire même s'inverse dans certains secteurs" en raison de l'approvisionnement en électricité majoritairement nucléaire et bas carbone, souligne David Mollo, économiste à la Fabrique de l'Industrie, auteur de l'étude.

En prenant uniquement en compte les émissions de l'énergie utilisée dans l'industrie ("scope 2"), la comparaison ressort "systématiquement à l'avantage de la France", l'électricité en France issue du nucléaire émettant "six fois moins de CO2" que l'énergie en Allemagne qui dépend encore du charbon fossile, relève l'étude.

« L'industrie est-elle plus verte ailleurs ? La France face à l'Allemagne », David Lolo (Fabrique de l'Industrie, septembre 2024, 122 pages)

Pas d'analyse des émissions indirectes du scope 3

La France et l'Allemagne se retrouvent ainsi "en position inversée": "la France est proportionnellement plus émettrice en scope 1 que sa voisine, là où l'Allemagne est moins vertueuse en scope 2", résume McKinsey.

En cumulant les deux scopes, les émissions de l'industrie française s'élèvent à 371 grammes de CO2 par euro de valeur ajoutée, et celles de l'Allemagne à 359 grammes, soit une intensité très comparable, calcule M. Mollo.

L'Allemagne affiche une avance sur les "combustibles alternatifs" et "probablement aussi sur l'économie circulaire et la réutilisation de certains intrants industriels", précise-t-il. L'étude n'analyse pas les émissions indirectes de l'industrie, dites de "scope 3", issues des clients, car elles sont trop "complexes à chiffrer" pour l'instant, selon l'étude.

Pour Matthieu Dussud, directeur-associé de McKinsey, la décarbonation industrielle aussi bien en France qu'en Allemagne doit être pensée à l'échelle de "grands bassins" en mutualisant notamment les investissements en matière d'infrastructures de transport ou de génération électrique. Il cite notamment le projet d'"autoroute de la chaleur" près de Lille, et le projet d'infrastructures "D'artagnan" à Dunkerque pour capter, rassembler, stocker ou exporter le CO2 industriel.

« On n'a pas les cerveaux »

Mais "les industriels ont besoin d'assurance sur la rentabilité de leurs investissements avant de les engager" avertit Vincent Charlet, délégué général de la Fabrique de l'Industrie.

Constat partagé par le président de France Industrie Alexandre Saubot, interrogé par l'AFP : "il y a des secteurs qui ont été fragilisés par l'explosion des prix de l'énergie et par l'intensification de la concurrence chinoise et qui n'ont plus les moyens qu'ils imaginaient il y a quelques années pour assumer leur part de financement d'une transition lourde", dit-il.

Aujourd'hui, le secteur automobile "est fragilisé par les incertitudes sur la concurrence chinoise, et des craintes sur la vitesse de déploiement et de la demande sur les véhicules électriques. La chimie est bien impactée par la remontée des prix de l'énergie par rapport à ce qui se peut se faire Amérique et en Chine" ajoute-t-il.

Faisant appel à l'État, M. Dussud souligne le besoin de former "beaucoup plus d'ingénieurs": "On n'a pas les cerveaux, c'est un sujet majeur".

Coût de l'électricité en France

Autre frein d'importance pour la décarbonation, selon l'étude, le coût de l'électricité en France.

"L'électrification de l'industrie va buter contre l'hypothèse d'un mégawattheure à 70 euros", le prix proposé par EDF à ses clients industriels pour leurs contrats long terme, souligne M. Charlet.

Tant que le mégawattheure issu du gaz sera beaucoup moins cher, "il n'est pas possible d'attendre que les industriels s'électrifient massivement", ajoute M. Dussud.

Commentaires

Olivier Riu
L'industrie du papier carton en France (plus décarbonée qu'en Allemagne) ne contribue pas au différentiel d'intensité carbone entre les deux pays. A contrario, cette industrie tend à améliorer la performance de l'industrie francaise, que l'on considère uniquement les émissions directes (scope1) et/ou les émissions indirects. En conséquence, le papier carton doit être retiré de la liste des secteurs expliquant le différentiel d'intensité carbone.
Serge Rochain
En France on passe son temps à se gargariser avec un KWh nucléaire valorisé à 6g de CO2 par KWH selon la décision du ministre de la transition énergétique de l'époque, de Rugy, qui a fait inscrire ce 6 dans le marbre avec la complicité du sénateur Gerard Longuet puisqu'en France ce sont les politiciens qui décident ce qu'il faut mettre dans les bases de données dont on inonde le monde. Avec de telles bases de calcul, on se demande ce que valent ces articles comparatifs entre les pays.

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