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Les actionnaires d'ExxonMobil et de Chevron ont voté mercredi pour forcer les géants pétroliers américains à lutter plus énergiquement contre le changement climatique, signe d'une pression croissante sur les producteurs d'or noir pour répondre aux préoccupations environnementales.
Dans une affaire retentissante lancée par un collectif d'ONG environnementales, un tribunal néerlandais a ainsi décidé mercredi que Shell devait réduire ses émissions de CO2 de 45% d'ici fin 2030.
Chez ExxonMobil, au moins deux des quatre candidats au conseil d'administration proposés par la société d'investissement Engine N°1, qui avait lancé fin 2020 une campagne appelant l'entreprise à miser moins sur le pétrole et le gaz et plus sur les énergies renouvelables, ont été retenus. Le scrutin étant très serré, les résultats définitifs sur un troisième candidat d'Engine N°1 seront rendus publics plus tard.
Les actionnaires de l'entreprise ont aussi voté en faveur d'une résolution, présentée par BNP Paribas, obligeant ExxonMobil à faire un rapport expliquant si ses activités de lobbying sont bien en ligne avec les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat. L'assemblée générale du groupe était surveillée de près. Signe que le suspense a duré jusqu'au bout, la réunion a été suspendue pendant une heure et la séance de questions-réponses s'est prolongée pendant près d'une heure supplémentaire.
Chez Chevron, qui tenait également mercredi son assemblée générale annuelle, une proposition demandant à ce que l'entreprise réduise les émissions de gaz à effet de serre de ses produits a recueilli 61% des votes malgré l'opposition du conseil d'administration. "Ces votes reflètent une prise de conscience croissante de l'importance des voix des actionnaires pour accélérer la transition des énergies fossiles vers les énergies renouvelables", a souligné Mark van Baal de l'organisation néerlandaise Follow This.
Ce qui s'est passé chez Exxon "envoie le signal indéniable que l'action climatique est un impératif financier", a aussi réagi le président de l'ONG américaine Environmental Defense Fund, Fred Krupp. "Il s'agit d'un moment décisif pour l'industrie pétrolière et gazière", a-t-il affirmé. Les géants du secteur "ne peuvent plus ignorer les appels à aligner leur stratégie avec une économie qui s'éloigne du carbone."
Désir de changement
Engine N°1 veut pousser ExxonMobil à dépenser moins pour de nouveaux projets d'hydrocarbures et à envisager plus sérieusement les énergies alternatives, sans quoi sa rentabilité en souffrira. "Quel que soit le résultat du vote, le changement arrive", s'est félicité l'un de ses responsables, Charlie Penner, avant la proclamation des résultats.
Engine N°1 était appuyé dans sa démarche par les trois plus grands fonds de pension américains CalSTRS, CalPERS et New York State Common ainsi que par les influents cabinets ISS et Glass Lewis, qui donnent des recommandations de vote aux actionnaires. Darren Woods, le PDG du géant pétrolier, a reconnu le "désir des actionnaires d'impulser un changement" et a assuré que l'entreprise était "bien positionnée pour y répondre".
ExxonMobil était encore en 2013 le groupe privé valant le plus cher en Bourse au monde. Mais son étoile a depuis pâli et il a été sorti à l'été 2020 de l'indice vedette Dow Jones. La direction a promis dès fin 2020 d'accentuer ses efforts pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre au cours des cinq prochaines années et a annoncé en février la création d'une filiale consacrée aux énergies moins polluantes.
Mais le groupe ne prévoit pour l'instant d'y consacrer que 3 milliards de dollars d'ici 2025, ce qui est peu par rapport à ses dépenses annuelles d'exploration pétrolière et gazière. Et il met surtout l'accent sur les techniques de capture et stockage du carbone, contestées par certains activistes.
L'Agence internationale de l'énergie a affirmé la semaine dernière que pour tenter de garder le réchauffement climatique sous contrôle, il fallait oublier dès "maintenant" tout nouveau projet d'exploration pétrolière ou gazière. Sous la pression d'une opinion publique et de certains investisseurs, tous les grands groupes du secteur ont été amenés ces derniers mois à revoir leur stratégie climatique.
Shell a ainsi soumis la semaine dernière au vote de ses actionnaires sa stratégie visant à réduire ses émissions de CO2. Total devra convaincre vendredi les investisseurs qu'il en fait assez pour le climat. Le groupe français a proposé de se renommer TotalEnergies pour symboliser sa diversification dans les énergies plus propres.