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"C'est impossible. On ne passera jamais au zéro fioul" : en Bourgogne-Franche-Comté, région qui se chauffe le plus au fioul, on met les bouchées doubles pour installer des pompes à chaleur électriques, mais le "bon vieux mazout" a la vie dure.
« Du noir partout »
"Le fioul a une odeur et ça laisse du noir partout. La pompe à chaleur, c'est une énergie renouvelable, c'est important pour moi": Geoffroy Blondin, 27 ans, avait déjà une conscience écologiste quand il a acheté une maison dans le village de Pont-de-Pany (Côte d'Or).
Le jeune père a été d'autant plus convaincu quand il a fait ses calculs. "On consomme à peu près 2 000 litres de fioul par an. On l'avait avant à moins d'un euro le litre. C'est monté jusqu'à près de deux euros !", souligne-t-il.
L'air, même quand il est froid, contient des calories. Une pompe à chaleur (PAC) les récupère et s'en sert pour chauffer de l'eau envoyée vers des radiateurs. Le système divise par 8 les émissions de CO2 par rapport au fioul, selon le ministère de la Transition écologique.
« Environ 50% d'économies » par rapport au fioul
La PAC, qui fonctionne à l'électricité, permet "environ 50% d'économies" par rapport au fioul, évalue José Mendez, de la société Conseil confort énergie, en sectionnant les tuyaux de l'ancienne chaudière à mazout.
"En cinq ans, on amortit le coût de l'installation d'une PAC", assure-t-il, soit entre 15 000 et 20 000 euros. Mais des aides sont disponibles : "On a eu 8 000 euros. Il nous reste 9 500 à payer", souligne M. Blondin.
De toute façon, l'ancienne chaudière, très vieille, aurait bientôt dû être changée. Une loi de juillet 2022 interdit toute nouvelle installation au fioul afin de tenir l'objectif de réduction des gaz à effet de serre (GES) de la France, qui prévoit une baisse de 50% d'ici 2030 par rapport à 1990.
En France, le chauffage génère 18% des GES, selon l'Ademe, agence de la transition énergétique. Les PAC sont largement subventionnées. Le nombre de pompes installées a bondi de "30% en 10 ans", selon François Deroche, président de l'AFFPAC, association de la filière. Aujourd'hui, 2,5 millions de foyers en sont équipés.
« Irréductibles »
Mais plus de quatre millions de Français se chauffent encore au fioul. Le défi est d'autant plus grand en milieu rural où sont surreprésentés les agriculteurs et les retraités, souvent plus attachés à leur chaudière ronronnant dans la cave.
Selon une étude réalisée par la plateforme de commande fioulreduc, plus de 95% des utilisateurs veulent conserver le mazout. "Ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient en changer", assure Maëlle Ricard, directrice des opérations.
Preuve en est, selon elle, que la baisse de la consommation de fioul s'est stabilisée depuis janvier après une chute de plus de 15% en 2023, due à l'envolée des prix. "Les gens veulent garder le fioul", croit également Frédéric Plan, président de la Fédération des vendeurs de fioul. Des trois millions de chaudières à mazout encore installées, il en restera deux millions en 2030, prévoit-il, et non un million comme l'espère le gouvernement.
10,5% des foyers en France
Les réticences au passage à la PAC sont d'autant plus fortes en Bourgogne-Franche-Comté, région la plus rurale de France, et donc aussi celle où on se chauffe le plus au fioul : 15,5% des foyers, contre 10,5% pour la moyenne nationale.
"C'est impossible. On ne passera jamais au zéro fioul", assure Benoît Evrard, installateur de chauffages dans le Morvan très rural. "Il y a des irréductibles du fioul qui aiment la facilité" d'une chaleur très rapide, alors que la PAC a besoin de temps pour réchauffer les vieux os lors des hivers bourguignons rigoureux. "Et l'électricité est de plus en chère", souligne Francis Voelin, président régional de la Capeb, syndicat de l'artisanat du bâtiment, alors que celui du fioul, lui, a largement baissé pour se situer à environ 1,15 euro le litre actuellement.
Couplée à la baisse du pouvoir d'achat, c'est une des raisons qui a provoqué une chute des ventes de PAC "de 40% depuis janvier", reconnaît François Deroche. De quoi faire douter du plan "pompes à chaleur" du gouvernement, qui vise à produire en France un million de PAC par an à partir de 2027, contre 600 000 actuellement. "C'est très clairement compromis", lâche M. Deroche.