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Ce sera une "renaissance du nucléaire français", a promis Emmanuel Macron, mais la construction d'au moins six nouveaux EPR représente un véritable défi pour une filière fragilisée, qui reste sur l'échec cuisant de Flamanville.
Le président a annoncé jeudi à Belfort six réacteurs de nouvelle génération EPR2, avec une première mise en service à l'horizon 2035. À cela s'ajoute l'étude pour huit exemplaires de plus.
L'investissement sera de "52 milliards d'euros pour 6 nouveaux réacteurs EPR, plus des études sur huit nouveaux réacteurs possibles, plus des recherches sur des réacteurs modulables", a chiffré vendredi le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire. "C'est une intention mais il y a un certain nombre d'étapes importantes qui vont prendre cinq ans", a souligné Valérie Faudon, la déléguée générale de la Société française d'énergie nucléaire (SFEN).
Avant même d'entamer les travaux pour un EPR, il faut en effet organiser une enquête publique sur le premier site envisagé, celui de Penly (Seine-Maritime) et obtenir un certain nombre d'autorisations administratives. Emmanuel Macron envisage ainsi un début de chantier en 2028. "L'échéance de 2028 qu'il a dessinée n'est pas impossible à tenir mais est déjà en soi optimiste vis-à-vis des différentes étapes à franchir", juge Yves Marignac, expert nucléaire de l'association NégaWatt.
« Folie des grandeurs ? »
Ce qui n'empêchera pas les industriels de se préparer en forgeant par exemple un certain nombre de grosses pièces essentielles. "Il faut faire redémarrer une filière qui tourne à petite vitesse", estime un haut responsable du secteur.
Les industriels français s'occupent aujourd'hui essentiellement de fournir des pièces pour les deux EPR en construction en Angleterre (Hinkley Point C) et de terminer le chantier maudit de Flamanville (Manche). Ce dernier, marqué par plus de dix ans de retards et d'importants surcoûts, est de mauvais augure quant à la capacité à construire des réacteurs à l'heure et dans les limites financières fixées, selon les détracteurs de l'atome.
Les EPR promis par Emmanuel Macron, "c'est au mieux 2040-2045", a dénoncé Yannick Jadot, le candidat écologiste à la présidentielle. Le prix annoncé "va au moins doubler à 100 milliards pour ne pas produire d'énergie avant 2040-2050", estime Paul Dorfman, de l'université du Sussex, s'interrogeant sur "la folie des grandeurs" dont témoigneraient le nouveau projet.
Un démarrage en 2035 est "extrêmement optimiste au vu du retour d'expérience en Europe" sur les autres EPR, estime aussi Yves Marignac. "On peut s'interroger sur le réalisme d'une planification de ce type qui fleure bon le retour aux années 70", sachant que "les temps ont changé" pour l'industrie française par rapport à cette période de forte croissance, souligne-t-il.
« On a un futur »
"Nous avons tiré les leçons de la construction d'EPR en Finlande, où il est aujourd'hui achevé, et en France à Flamanville", a assuré pour sa part Emmanuel Macron. L'Élysée reconnaît les déboires rencontrés sur le chantier normand mais les attribue à la "perte de compétence due à une interruption trop longue du flux de construction de réacteurs".
Un constat largement partagé par les industriels, qui regrettent un "trou" dans le programme nucléaire français entre la mise en service du dernier réacteur à Civaux à la fin des années 1990 et la mise en chantier de Flamanville en 2007. Du côté de l'exécutif, on estime qu'on "n'est plus dans cette situation" de pertes de compétences.
Pour tirer les leçons des dérives de Flamanville, EDF a mis en place un plan d'excellence pour l'ensemble de la filière et les industriels vont par exemple ouvrir une école de soudure - une des spécialités qui avait fait défaut à Flamanville. Il faudra pourtant bien passer à la vitesse supérieure pour les nouveaux chantiers. Le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Bernard Doroszczuk, a demandé "un véritable plan Marshall".
Le secteur, qui compte 220 000 salariés, compte sur les annonces du président pour embaucher. "On avait du mal à embaucher parce que les gens nous disaient : quel est votre futur ? Et là on a un futur et je pense que ça va attirer les talents", espère Valérie Faudon. EDF prévoit déjà de recruter près de 3 300 personnes dans le domaine du nucléaire cette année, dont 1 600 ingénieurs.