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La réduction des émissions des gaz à effet de serre ne peut à elle seule sauver le monde des pires ravages du changement climatique, devrait souligner un rapport des experts de l'ONU publié lundi. Il faudra en plus recourir à des techniques d'"élimination" du CO2.
Faute d'effort jusqu'à présent, il faut réduire les émissions mondiales de 5 ou 6% par an pour espérer respecter l'objectif de l'accord de Paris de limiter le réchauffement de la planète "bien en dessous" de 2°C par rapport au niveau préindustriel, encore plus pour 1,5°C.
Pour se faire un ordre d'idée, pendant l'arrêt de l'économie mondiale lié au Covid-19 en 2020, la baisse des émissions de CO2 a atteint "seulement" 5,6%, avant de repartir à la hausse. D'où le besoin de recourir à des techniques d'élimination du dioxyde de carbone (EDC), ou "émissions négatives". "Pour que l'EDC fonctionne, il faut (déjà) réduire les émissions de gaz à effet de serre de 80 ou 90%", estime Glen Peters, du Centre international de recherche sur le climat d'Oslo.
Même si l'humanité y parvenait, il restera plusieurs milliards de tonnes de CO2 à extraire de l'atmosphère chaque année d'ici 2050. L'EDC sera en outre indispensable pour des secteurs vraisemblablement pas en mesure de se décarboner d'ici 2050, comme l'aviation, le transport maritime ou les cimentiers, et sera nécessaire pour refroidir l'atmosphère si le réchauffement dépasse les objectifs de l'accord de Paris.
Actuellement, les techniques d'EDC sont très loin de l'efficacité requise. La plus grande installation de captage direct dans l'air au monde élimine ainsi en un an ce que l'humanité émet en trois ou quatre secondes. Il existe au moins une douzaine de techniques, aux potentiels et coûts variés, selon des études de référence susceptibles d'être citées dans le rapport du Giec de lundi, qui sera consacré aux solutions au changement climatique.
Bioénergie avec captage
La bioénergie avec captage et stockage du dioxyde de carbone consiste à faire pousser des arbres qui absorbent du CO2 pendant leur croissance, puis de les brûler afin de produire de l'énergie (biomasse) et d'enterrer le CO2 issu de cette combustion, dans des mines abandonnées par exemple. La technique, si elle fonctionne en théorie, doit encore se matérialiser.
Un des quelques projets développés à l'échelle commerciale dans le monde, au Royaume-Uni, a été retiré de l'indice boursier S&P Énergie Propre après avoir échoué aux critères de durabilité.
Planter des arbres
Autre solution : restaurer des forêts et planter des arbres pour absorber et stocker le CO2, par la photosynthèse.
De nombreuses entreprises, y compris productrices d'énergie fossile, s'appuient largement sur ces plantations pour "compenser" leurs émissions.
Mais la superficie nécessaire pour réduire significativement les niveaux de CO2 par la plantation d'arbres - jusqu'à deux fois la taille de l'Inde - entre en concurrence avec d'autres priorités, comme la culture à destination de l'alimentation. La biodiversité pourrait également en pâtir.
Les nouvelles forêts peuvent également être victimes des incendies qui se multiplient avec le réchauffement, entraînant la libération de tout le CO2 stocké.
Captage direct
L'une des technologies les plus récentes est aussi une de celles qui attire le plus l'attention: le captage direct du CO2 dans l'air et son stockage.
Des procédés chimiques extraient le carbone pour le convertir en forme solide ou l'enterrer. Parce que le CO2 dans l'air est très diffus, c'est un procédé intensif en énergie et onéreux.
Même si ces technologies innovantes bénéficient de l'attention et de l'argent de grands patrons comme Elon Musk, elles restent très chères, et des incertitudes persistent sur la rapidité de développement.
Roches broyées, océans
La "météorisation augmentée" consiste à extraire et à broyer des roches riches en minéraux qui absorbent naturellement le CO2, puis à les répandre sur terre ou en mer. L'objectif est d'accélérer un processus qui se déroule normalement sur des échelles de temps géologiques de plusieurs dizaines de milliers d'années.
La grande question est de savoir si cela peut être mis en œuvre à une échelle suffisante, et à quel prix.
Les océans, eux, absorbent déjà plus de 30% des émissions de carbone de l'humanité, et les scientifiques expérimentent des moyens d'accroître cette capacité, par exemple en renforçant artificiellement l'alcalinité marine ou en "fertilisant" les océans, c'est-à-dire en augmentant la densité du phytoplancton qui produit et séquestre le carbone organique par photosynthèse.
Les principales préoccupations concernent les conséquences involontaires sur les écosystèmes, ainsi que la possibilité de transposer cette méthode à plus grande échelle.