Avec sa tour de blocs de béton, Energy Vault envisage de pallier l’intermittence de la production électrique de parcs renouvelables. (©Energy Vault)
La start-up suisse Energy Vault a conçu un système de stockage d’électricité exploitant l’énergie cinétique d’énormes blocs de béton. Une initiative saluée par Bill Gates l’été dernier(1). Explications.
Une « batterie mécanique » de 120 m de hauteur
À l’heure actuelle, il existe principalement une solution de stockage d’électricité à très grande échelle sur des périodes longues : les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Or, ces installations hydroélectriques nécessitent des différences de dénivelés importantes, ce qui limite les lieux potentiels d’implantation.
La start-up Energy Vault s’est inspirée du principe des STEP en remplaçant la chute d’eau par des blocs de béton déplacés par une grue à six branches de 120 mètres de hauteur : ces blocs de béton de 8m3 pesant près de 35 tonnes sont hissés par la grue à son sommet (les blocs sont empilés les uns sur les autres) lorsque de l’électricité – excédentaire sur le réseau – doit être stockée et sont redescendus pour restituer de l’électricité lors des périodes de forte demande.
Le rendement des tours de béton (part d’électricité restituée après stockage) avoisinerait « 85% à 90% », soit légèrement plus que les STEP selon Energy Vault. L’énergie cinétique des blocs de béton est exploitée pour faire tourner un alternateur et « aucun composant ou convertisseur supplémentaire n'est nécessaire, ce qui explique la grande efficacité de ce système », précise la start-up suisse.
Les manœuvres des blocs de béton permettraient un stockage d’énergie de longue durée, en restituant de l’électricité « en moins de 3 secondes » selon les concepteurs de ce système présenté comme une « batterie, non pas chimique mais mécanique ». Un logiciel développé par la start-up calcule l’emplacement exact où doivent être positionnés les blocs de béton en fonction des évolutions de la demande sur le réseau, des prix de marché de l’électricité ainsi que des prévisions météorologiques qui conditionnent la production des installations éoliennes et solaires photovoltaïques.
Lorsque de l’électricité doit être injectée sur le réseau, la grue redescend des blocs de béton à une vitesse d’environ 2,9 m/s. (©Energy Vault)
Des tours pouvant stocker jusqu’à 35 MWh
Les tours envisagées par Energy Vault auraient une capacité de stockage pouvant atteindre 35 MWh (dans le cas d’une grue de 120 m de hauteur). Lors des périodes de forte demande sur le réseau, elles seraient capables de délivrer, selon la start-up, une puissance crête de 4 MW, soit approximativement l’équivalent de la capacité d’une éolienne de grande puissance (durant une durée d’environ 8h30).
Cette capacité n’est pas flatteuse en comparaison avec les STEP dont la puissance se compte en centaines de mégawatts. Ces installations présentent toutefois l’avantage de pouvoir être déployées sans contrainte de relief, au plus près de parcs à production intermittente, souligne Energy Vault. Sous réserve toutefois de disposer d’un espace circulaire de 100 m de diamètre aux alentours de la tour de béton.
Moins imposantes que les barrages hydroélectriques, les tours de béton devraient dans les faits souvent se cantonner à des espaces isolés pour éviter des oppositions de type « Nimby » (Not in my garden).
Un coût du stockage réduit de moitié selon Energy Vault
Selon Energy Vault, le principal intérêt de leur système de stockage résiderait dans son coût par rapport aux solutions de stockage existantes (STEP mais aussi batteries géantes comme celle développée en Australie par Tesla) : le LCOS (Levelized Cost of Storage) incluant les coûts d’exploitation et de maintenance est évalué par la start-up « à près de 0,05 $/kWh contre 0,17 $/kWh pour les STEP ».
Les blocs de béton seront en outre conçus à partir de matériaux recyclés, Energy Vault considérant ainsi sa solution de stockage comme plus respectueuse de l’environnement que des batteries nécessitant des matériaux et minerais dits « critiques ».
Un prototype de 20 m de hauteur a confirmé les attentes d’Energy Vault qui a signé un premier contrat avec l’électricien Tata Power pour l’installation en 2019 d’une tour en Inde. Les caractéristiques de l’installation ne sont pas communiquées à ce stade mais d’autres projets seraient également à l’étude dans d’autres régions du monde.
Energy Vault a signé un contrat avec le cimentier Cemex pour mettre au point des types de béton à empreinte carbone réduite. (©Energy Vault)