Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine - PSL
Fondateur de la Chaire Économie du Climat
Le CITEPA a récemment publié, à partir de son baromètre mensuel, la première estimation des émissions de gaz à effet de serre de la France pour 2022. Grâce à la baisse de 8,5% au quatrième trimestre, ces émissions pourraient baisser de 2,5% sur l’année. La chute du quatrième trimestre reflète pour l’essentiel le retournement de la conjoncture dans l’industrie, la baisse de la consommation d’électricité et un vif repli des émissions liées à l’usage des bâtiments facilité par la clémence des températures automnales.
On peut avoir une lecture lénifiante de cette information provisoire : pour la troisième année consécutive, les émissions du pays sont en dessous du budget carbone de la période 2019-2023. Sauf rebond improbable en 2023, ce budget sera respecté. Cela va épargner une nouvelle condamnation de l’État par le juge administratif comme cela s’était produit après le dépassement du premier budget carbone (2015-2018).
Une feuille de route à revoir
Il y a au moins trois bonnes raisons de ne pas se satisfaire de ce résultat. Primo, à la suite du dépassement du premier budget carbone, le gouvernement a relevé le plafond de la période actuelle en reportant les efforts à conduire sur les budgets suivants. Utiliser une ficelle aussi grosse frise l’irresponsabilité. Le résultat est que le pays va respecter un budget carbone non contraignant qui ne nous dirige pas réellement vers la cible fixée.
Deuxio, la feuille de route gouvernementale, baptisée « Stratégie Nationale Bas Carbone » (SNBC) à laquelle on se réfère n’est plus calée sur la bonne cible. Elle vise un réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Depuis le Conseil européen de décembre 2021, l’objectif a été porté à 55%. Il va falloir corriger d’autant la feuille de route. Si l’estimation du CITEPA pour 2022 se confirme, il faudra réduire nos émissions de 20 Mt chaque année pour atteindre le - 55% en 2030, alors que 10 Mt, soit la baisse observée en 2022, auraient suffit pour - 40%. Nous sommes face à une énorme marche d’escalier à franchir en très peu de temps.
Attention : puits de carbone !
Tertio, le baromètre mensuel du CITEPA ne couvre pas les émissions de l’agriculture et celles liées à l’usage des terres, en particulier les forêts. Or, l’aggravation des conditions climatiques réduit dangereusement la capacité de stockage du CO2 par les forêts. Si la superficie du massif forestier continue d’augmenter, sa capacité d’absorption du CO2 a été divisé par deux en moins de dix ans. Les chiffres pour 2022 ne sont pas encore connus, mais les sécheresses à répétition, les incendies, les ravageurs et les maladies ont encore durement frappé les forêts l’an passé. Un regain de leur capacité d’absorption du CO2 atmosphérique est peu vraisemblable.
Loin d’une lecture lénifiante, l’analyse des résultats provisoires du CITEPA conduit à tirer la sonnette d’alarme. Qu’il s’agisse des retraites ou du climat, notre société semble incapable de faire face aux enjeux du long terme.
Sources / Notes
Cet article a été publié dans Les Échos et sur le site de Christian de Perthuis que vous pouvez consulter ici.
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