Perspectives technologiques de l’AIE : la grande accélération

Christian de Perthuis

Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine - PSL

Fondateur de la Chaire Économie du Climat

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) publie ce jour son édition 2024 des « perspectives technologiques ». Le premier constat est à nouveau celui de l’accélération de la diffusion des énergies de flux – le solaire et l’éolien à titre principal – via deux canaux principaux : la production d’électricité et l’électrification des usages amorcée dans le secteur des transports et, à un moindre degré, de l’industrie.

Le solaire photovoltaïque et les autres équipements de la transition

Du fait de la baisse des coûts qui rendent ces énergies de flux ultra-compétitives sur l’ensemble du cycle de production relativement à l’énergie fossile ou nucléaire, cette diffusion est bien plus rapide qu’il n’était escompté, voici quelques années. Elle est tirée par l’accroissement massif des capacités industrielles de la Chine qui a investi plus et plus tôt que ses concurrents, d’abord dans l’industrie du photovoltaïque (voir figure ci-dessus) puis dans la plupart des chaînes de valeur des énergies vertes (batteries, électrolyseurs, véhicules,…). D’où l’intérêt de cette synthèse de l’AIE qui met l’accent sur les liens entre l’énergie, l’industrie et le commerce.

En considérant l’ensemble des énergies vertes, la dominante chinoise reste très forte, mais l’Union européenne (UE) et l’Amérique du Nord ont des bases industrielles moins fragiles. La situation varie beaucoup d’un produit à l’autre, parfois le long d’une même chaîne de valeur. Par exemple la dépendance à l’égard des anodes et cathodes chinoises, les deux éléments clefs des batteries, reste très élevée quand on assemble les batteries en Europe ou aux Etats-Unis.

Europe : accélération ou importations accrues ?

Malgré les points forts de l’Europe, l’AIE anticipe que les importations de l'UE en équipements produisant ou utilisant de l’énergie verte vont fortement augmenter. En poursuivant les politiques actuelles, ils atteindraient de l’ordre de 140 Mds de dollars en 2035, contre 40 Mds en 2023. Dans un scénario plus volontariste d’investissement dans les énergies décarbonées, ce montant n’atteindrait que 80 Mds, soit encore deux fois les importations de ces équipements en 2023.

Cette reconfiguration des chaines industrielles permettant la constitution des infrastructures énergétiques de demain a des implications géopolitiques complexes. Pour l’UE, l’accroissement des importations des équipements énergétiques permettra une réduction des importations directes d’énergie fossile, ce qui réduira le taux de dépendance énergétique et la facture des achats afférents.

Enfin, comme le rappelle l’AIE, la dépendance à l’égard des équipements n’a pas les mêmes incidences géopolitiques que celle à l’égard de l’énergie utilisée. 

Un porte-conteneurs chargé de modules photovoltaïques permettra de produire autant d’énergie que 50 méthaniers géants transportant du GNL, ou 100 cargos de grande capacité remplis de charbon !

 

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Commentaire

Goldorak
"Un porte-conteneurs chargé de modules photovoltaïques permettra de produire autant d’énergie que 50 méthaniers géants transportant du GNL, ou 100 cargos de grande capacité remplis de charbon !" Pour etre très honnête, il faudrait inclure les batteries tampons dans la balance, car là on compare énérgie potentielle à la demande et énergie forcée
claude choppin
@goldorak, je voudrais vous poser une question stupide, mais c'est ce type de question qui fait rapidement avancer les débats. D'ou vient le porte-conteneur et où va t-il décharger son précieux chargement ? Par ailleurs vous comparez des choux et des carottes. On ne peut pas comparer des modules photovoltaïques avec du GNL. On peut les comparer par contre à des chaudières, des moteurs ou des turbines, bref toutce qui convertit le GNV en energie utile, de même que les PV convertssent l'energie du soleil en électricité. Bon je chipotte un peu je le reconnais volontiers. Par contre je suis admiratif de votre honnêteté, mais de toute façon je vous l'aurais vertement rappelé, les modules photos-voltaïques devront laisser un peu de place à bord du conteneur pour les batteries de stockage qui font de cette électricité une énergie presque comme celle du réseau, au prix d'un peu plus de déficit de la balance des paiements et aussi de matière rare extraite. En fait c'est presque un monde sans changement de paradigme que vous nous proposez là, et à un moment ou un autre, ça va coincer fortement. Imaginez par exemple que les porte conteneurs ne puissent plus circuler ? Hypothèse stupide n'est ce pas ? Ou plus probable ne plus emprunter le trajet le plus court ? j'ai vaguement entendu parler de la concrétisation de cette hypothèse. Moralité : le rôle d'un décideur avisé c'est de surmonter le pire et dans ce genre là, on est vraiment trés trés loin du compte. Dois je insister ?
Bernard REYNIER
Pas ou très peu besoin de batteries. Le stockage se fera via des electrolyseurs installés à la maille la plus proche des consommations d'hydrogène. A terme, après 2050, l'hydrogène VERT sera devenu le premier vecteur énergétique...
claude choppin
@Bernard Reynier, C'est effectivement une réponse qui me convient parce qu'elle démontre puisque'il semble y en avoir besoin tant les dogmes sont épais en terme d'energie en France, que la production et la consommation sur le même site sont tres pertinents. Toute ma vie ou presque a été consacrée à la reconnaissance de cette idée de la production d'energie décentralisée et dans le cas de l'hydrogene, comme dans le cas du syngas brut et pas cher fabriqué à base de déchet sec et solide qui me concerne , cette idée est incontournable. Si syngas de pyrogazéïfication et H2 peuvent dire même combat, j'en suis tres heureux. Mais les ennemis corporatistes et qui ne pensent qu'à leur problème sont nombreux et puissants. En fait H2 et syngas ont le même problème face au transport longue distance, mais pas de la même nature, problème de faisabilité technique pour le premier, et problème de faisabilité économique pour le second. Les gaziers et leur gaz verts (???) vont se battre pour faire perdurer leur comportement offensif et retrograde. J'entends bien ne pas remettre en cause l'intérêt des grands réseaux de distribution quels que soient les fluides qu'ils transportent, ils existent et c'est tant mieux pour le pays tant qu'ils fonctionnent, mais vouloir les utiliser pour ce qu'ils ne sont pas faits est désespérant et fait perdre du temps à la France, du temps et de l'argent. Face aux évènements climatiques d'une violence totale dont la preuve nous a été déja administrée, les réseaux électriques paraissent particulièrement en danger et les doubler par des petites centrales de production (et de chaleur tant que nous en aurons besoin....combien de temps ???) me parait sur le plan de la sécurité du territoire une tres bonne idée. J'ai eu cette idée, partagée par mes collègues de galère, bien avant Nicolas Hulot qui a néanmoins repris à son compte la m^me idée à l'occasion de cette connerie de passage de la centrale de Cordemais à la biomasse, nous chez edda-energie on la connait bien la biomasse depuis un demi-siècle, pour sauver 400 malheureux emplois alors que l'idée de la décentralisation de la production électrique lorsqu'elle est opportune bien sûr, ça veut dire création d'emplois par milliers, évidemment pas chez EDF qui a vocation à exploiter des gros sites qu'ils soient nucléaires ou pas, l'avenir des ces gros sites est flou. Nicolas Hulot donc, n'était pas un imbécile ce jour là à l'assemblée nationale mais peut être a t-il signé ce même jour la fin de sa carrière de Ministre. Voyez vous mêmes. https://youtu.be/5WuS4Og_tgM
Bernard REYNIER
Ci après, trois documents explicitant ma vision de l'avenir des énergies... SOLAIRE et HYDROGÈNE ÉNERGIE SCÉNARIO 2070 – 2080 https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7190734738767187968?updateEntityUrn=urn%3Ali%3Afs_updateV2%3A%28urn%3Ali%3Aactivity%3A7190734738767187968%2CFEED_DETAIL%2CEMPTY%2CDEFAULT%2Cfalse%29&originTrackingId=Axj1IBtKRAu3%2Fu37Vqp3zg%3D%3D&lipi=urn%3Ali%3Apage%3Ad_flagship3_profile_view_base_recent_activity_content_view%3BZcsmyJJFR6eM%2Fd%2FLePxNwA%3D%3D L'ÉTONNANTE ABSURDITÉ du MANAGEMENT de l'ÉNERGIE en 2024 https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7243670906806448128?updateEntityUrn=urn%3Ali%3Afs_updateV2%3A%28urn%3Ali%3Aactivity%3A7243670906806448128%2CFEED_DETAIL%2CEMPTY%2CDEFAULT%2Cfalse%29&originTrackingId=KI3SgM0qS5SZ7jv2uUb%2BZA%3D%3D&lipi=urn%3Ali%3Apage%3Ad_flagship3_profile_view_base%3BBQj7JKCzTcaq1uhf5q5y%2Bw%3D%3D 200 MILLIARDS INVESTISSEMENTS RÉSEAUX ÉLECTRIQUES? https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:7250533197455761411?updateEntityUrn=urn%3Ali%3Afs_updateV2%3A%28urn%3Ali%3Aactivity%3A7250533197455761411%2CFEED_DETAIL%2CEMPTY%2CDEFAULT%2Cfalse%29&originTrackingId=VSZeSm5pSA6HFwpvE14xUw%3D%3D&lipi=urn%3Ali%3Apage%3Ad_flagship3_profile_view_base%3B2hmrMSkkTzCumjnFIiri4A%3D%3D
claude choppin
"Enfin, comme le rappelle l’AIE, la dépendance à l’égard des équipements n’a pas les mêmes incidences géopolitiques que celle à l’égard de l’énergie utilisée." Quand on regarde l'énome flèche de livraisons de la CHINE vers l'EUROPE, qu'el est l'européen stupide qui aurait l'idée de copier le produit chinois pour le produire moins cher en Europe ? Par contre concernat les produits en faible quantité exportés d'europe vers le CHINE, on peut penser que la prennité de ce transport soit garantie sur le long terme. Donc l'AIE a un grand sens de l'humour (inimitable).
claude choppin
3e commentaire sur le même sujet décidément tres riche, car il symbolise bien le fait qu'on ne voit pas tous les choses de la même façon. L'AIE et les commentaires de Mr De Perthuis, fort honorable par ailleurs passent sous silence qu'on sait parfaitement bien faire de l'energie électrique pilotable en France et par conséquent en Europe. Mais les décideurs français en terme d'energie ont décidé de façon un peu rapide de nous priver des combustibles que nous utilisons, des déchets secs et solides sont de plus en plus convoités en France et parfois même juste pour ne rien en faire (si, si). Les combustibles que nous ambitionnons de convertir en électricité (et en chaleur, s'il vous plait, et simultanément) sont utilisés en France : 1- pour s'en débarrasser et c'est tres rentable évidemment, faut-il commenter ??? 2- pour faire du gaz injectable dans le réseau, pas stupide mais cher (surtout en frais de communication gaz verts obligent) 3- pour faire de la chaleur dont on sait que l'avenir est incertain contrairement à celui de l'électricité.Il semble d'ailleurs que les 2 principaux acteurs des chaudières biomasse en France soient passés entre des mains étrangères il y a quelques jours. Politique tres efficace ! En d'autres pays des têtes sont tombées pour bien moins que ça (à prendre comme une métaphore bien sûr). Donc, quand je dis qu'en France en terme d'energie renouvelable on fait à peu près le contraire de ce que nous devrions faire ( à notre avis bien sûr), on n'est tres proche de la Vérité. Aucune place pour notre procédé de pyro-gazéïfication 100% français...en France. Bof, c'est juste un des 3 meilleurs disponibles au monde, et le meilleur tout court au plan rapport performances sur investissement (car il est plus simple que celui de nos concurrents), mais là aussi, le fric, en France, on le balance par les fenêtres, donc pas plus d'intérêt que ça.
Serge Rochain
C'est toujours une fixation cette idée de stocker l'énergie sous prétecxte qu'elle n'est pas toujours disponible, s'agissant des renouvelables à puissance variable. Cela doit veni de ce que l'on croit mais uniquement en France car c'est une valeur culturelle imposée par le nucléaire depuis 60 ans qui a le défaut de produire toujours la même chose sans tenir compte des périodes de besoin. D'un inconvenient, la culture nucléaire à réussi à faire croire que c'était un avantage, et c'est maintenant tellement ancré dans les esprit que tout contrevenant à cette idée n'apparait que comme un fou dangereux aux yeux des français moyens, très moyens. Pourtant nous sommes essentiellement diurnes et nos besoins sont essentiellement couverts par la phase diurne d'une durée de 6 heures disponibles les 3/4 de l'année sur la durée moyenne de 12 heures d'ensoleillement. Certes le quatrieme quart nécessitera un apport par d'autres moyens que le Soleil direct, mais à ce niveau les ressources multiples. Mais la grande souplesse, c'est le déplacement possibles des activités nécessitant le plus d'énergie sur la période de la journée ou elle est le plus abondante. Cette possibilité a d'ailleurs été mise à profit il y a déjà 60 ans par le nucléaire pour ne pas perdre ses production aux heures où les coutumes et modes de vie des français étaient en basse consommation de façon naturelle. Le repport d'activités industrielles en phase nocturne a largement été imposé par les entreprise en contrepartie d'une électricité de valeur sous évaluée. On pourra sans dommage revenir à des horaires plus conformes aux mode de vie avec le renouvelable d'origine solaire comme c'était autrefois pour d'autres raisons, notamment le besoin de vivre à la lumiere du jour.
claude choppin
Bonjour Serge, comme tres souvent lorque vous n'êtes pas soulevé d'émotion, j'ai le même problème donc j'en connais bien les inconvénients mais c'est le propre d'un homme honnête que de se mettre en colère, nous avons eu un ancêtre commun prestigieux (peut-etre) dont on vantait les saines colères.L'énorme problème, le colossal problème, que nous avons à surmonter, c'est le barrage opposé par ceux qui pensent sincèrement, là n'est pas le problème, qu'en dehors d'un systeme centralisé, il n'y a pas de solutions sérieuses. Ils sont tous formatés pour ça et n'en démordent pas d'autant plus qu'on leur a dit pendant leur long cursus d'études, qu'ils étaient les meilleurs du monde. Je ne peux m'empêcher de penser à mes obligations militaires que j'ai effectué à Pau au 1er régiment de chasseurs parachutistes après avoir refusé une place pépère correspondant mieux à ma formation. Je n'ai jamais obéi aux injonctions des officiers à nous comporter comme des seigneurs nottament vis à vis des appelés dans d'autres armes.Je donnais l'ordre inverse aux appelès sous ma responsabilité. Pourquoi cette volonté: faire une expérience enrichissante de plus et gratuitement que je n'aurais sans doute plus l'occasion de faire pendant tout le reste de ma vie. Presque 60 ans plus tard, je me félicite d'avoir fait ça pour des tas de bonnes raisons dont je n'avais même pas conscience au départ . Moralité : la vie certes notamment en matières de sciences s'apprend sur les bancs des ecoles, des universités, des grandes écoles, certes, mais il faut conserver un potentiel de ciuriosité et d'humilité pour jouir totalement de la vie active qui est de loin la meilleure école. Je travaille tous les jours avec un polytechnicien de 84 ans aux idées bien arrêtées, mais il est souvent sidéré par ma créativité. CQFD. Donc vous et moi croyons aux vertus de la production d'energie decentralisée et je pourrais noircir 10 pages pour expliquer pourquoi. Ce qui ne signifie pas que nous ne croyons pas aux vertus des reseaux centralisateurs, mais si nous ne faisons que ça, nous passons à côté d'opportunités magnifiques. Encore faut-il avoir été formaté pour ça. Il est là le problème, le manque d'esprits libres dans le domaine de la production d'energie. J'ai précieusement conservé un document écrit par un polytechnicien, lesquels n'ont pas le monopole de la courte vue, qui démontre de façon flagrante cette "infirmité"regrettable. Mais , comme il n'est pas totalement idiot, je l'ai contacté il y a tres peu de temps pour lui rappeler cet article péremptoire et sa déclaration définitive sur le peu d'intérêt du biogaz et des petits groupes de cogénération ridicules. Il a reconnu 30 années plus tard et après avoir hésité, que ce jour là il avait dit une belle connerie et je lui conserve toute mon estime.
dupont
L'édition 2024 des "perspectives technologiques" de l'AIE met en lumière l'accélération des énergies renouvelables, principalement le solaire et l’éolien. En particulier, l'essor du solaire photovoltaïque, soutenu par la baisse des coûts de production et l’investissement massif de la Chine dans ces technologies, a permis une diffusion plus rapide que prévue. Cette dynamique s'accompagne d'une électrification croissante dans des secteurs comme le transport et l’industrie. L’Europe, bien que forte dans certains domaines industriels, reste dépendante des importations de certains équipements clés, comme les batteries. L'AIE anticipe une forte hausse des importations de ces équipements, pouvant atteindre jusqu'à 140 milliards de dollars d'ici 2035, réduisant ainsi la dépendance énergétique fossile de l’UE. Cependant, cette dépendance accrue aux équipements technologiques, bien qu’elle réduise la consommation d'énergie fossile, introduit de nouvelles dimensions géopolitiques. Il est frappant de noter qu'un porte-conteneurs transportant des panneaux solaires pourrait produire autant d'énergie que 50 méthaniers chargés de gaz naturel ou 100 cargos de charbon. Ce phénomène soulève des enjeux de souveraineté technologique et de nouvelles chaînes de valeur industrielles cruciales pour l’avenir énergétique mondial. Paul de [url=https://www.pull-cachemire.com/]Pull Cachemire[/url]
dupont
L'étude de l'AIE met en lumière la dépendance croissante de l'Europe aux importations d'équipements pour la transition énergétique, notamment en provenance de Chine. Même si cela réduit la dépendance aux énergies fossiles, cela pose de nouvelles questions géopolitiques. Qu'en pensez-vous ? ________________________________________ dupont de la boutique de balai enfant

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