Baromètre du Citepa : vers quelles émissions nationales de gaz à effet de serre en 2022 ?

Christian de Perthuis

Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine - PSL

Fondateur de la Chaire Économie du Climat

Le Citepa vient de rendre publiques, dans son baromètre mensuel des émissions françaises de gaz à effet de serre, ses dernières données sur le second trimestre 2022 : tous secteurs et gaz confondus, les émissions brutes de gaz à effet de serre (hors changements d’usage des terres) de la France sont en recul de 1,1% au second trimestre 2022 par rapport au second trimestre 2021, après une quasi-stabilité au premier trimestre. Sur les six premiers mois de l’année, le recul est de 0,6% (par rapport au 1er semestre 2021).

Ces moyennes recouvrent des évolutions très contrastées entre les secteurs qu’il convient d’analyser.

Évolution des émissions de gaz à effet de serre en France au 1er semestre 2022

Les secteurs où les émissions reculent : bâtiments et industrie

Usage des bâtiments résidentiels et tertiaires (17% des émissions nationales en 2021). Les conditions climatiques - hiver et printemps particulièrement cléments - sont pour beaucoup dans le recul de 22% des émissions de ce secteur au second trimestre 2022 (par rapport au second trimestre 2021), après une baisse de 7 % au premier semestre. Tant pour les bâtiments résidentiels que tertiaires, c’est toujours le poste chauffage qui tire les émissions à la baisse.

La deuxième partie de l’année verra sans doute un rebond estival des émissions liées à la climatisation du fait des vagues de chaleur. Sur la fin de l’année, l’impact des efforts d’économie d’énergie sera tributaire des conditions climatiques.

Industrie manufacturière (19% des émissions en 2021). La baisse des émissions de ce secteur s’accélère au second trimestre avec un recul de 8% sur 2021 (- 3% au premier trimestre). La hausse du coût des énergies fossiles et le retournement de la conjoncture sont à l’origine de ce mouvement.

La baisse pourrait s’amplifier au second semestre 2022 avec l’envolée des prix des énergies fossiles, la montée des tensions internationales et la perspective d’une récession économique en Europe et dans le monde.

Dégradation de la conjoncture et envolée des prix de l’énergie à l’origine de l’accélération de la baisse

Le transport et l’énergie en forte hausse

Transports domestiques (31% des émissions nationales en 2021). Les émissions liées au transport domestique poursuivent et accentuent leur rebond au second trimestre 2022 (avec une augmentation de 8% par rapport au second trimestre 2021, après + 6% en début d’année). L’accélération touche les véhicules particuliers comme les véhicules utilitaires et les poids-lourds.

Sur la fin de l’année, les effets conjugués de la hausse des prix de l’énergie et de la dégradation de la conjoncture devraient freiner voire inverser cette tendance. Surtout si le plan sobriété du gouvernement est appliqué au transport.

Le transport international (non intégré dans l’inventaire transmis aux Nations unies) connaît une très forte reprise (+ 17% au premier trimestre et + 54% au second trimestre 2022) du fait du transport aérien (les trafics au premier semestre 2021 étaient encore largement bloqués par les mesures sanitaires liées au Covid).

Secteur de l’énergie (11% des émissions nationales en 2021). À rebours des tendances de moyen terme, ce secteur connaît une forte reprise des émissions au premier semestre 2022 : + 5% au premier trimestre et + 12% au second (par rapport à la même période en 2021). Cela résulte de la mise à l’arrêt de pratiquement la moitié des réacteurs nucléaires au second trimestre, dans un contexte où le déploiement des renouvelables a pris un retard considérable.

Les perspectives de la fin d’année sont à la poursuite de cette reprise des émissions du secteur électrique, avec l’utilisation à plein régime des centrales à gaz et la possible utilisation de celles à charbon (centrales de Cordemais et de Saint-Avold).

Forte reprise des émissions du secteur électrique privé de moyens décarbonés

Les perspectives pour l’année 2022

Le baromètre du Citepa fournit un outil sans pareil pour suivre les évolutions de gaz à effet de serre en cours d’année. Faute d’un outil de modélisation qui permettrait des projections, nous sommes limités à quelques commentaires qualitatifs.

Du côté des hausses, le plus probable est que les émissions liées au transports vont ralentir mais celles liées à la production d’électricité risquent de maintenir, voire d’accentuer leur remontée.

Du côté des baisses, on peut anticiper la poursuite, voire l’accélération du recul des émissions industrielles, mais celles liées aux bâtiments risquent de ne plus avoir d’effet bénéfique de la météo comme en début d’année.

Au total, ces évolutions contrastées pourraient donner sur l’année 2022 des émissions voisines de celles de 2021. La tendance baissière reste insuffisante pour nous diriger vers l’objectif d'une réduction d’émissions de 55% à l’horizon 2030.

 Évolution des émissions de gaz à effet de serre en France

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Commentaire

Guérin
Les bons prévisionistes sont ceux qui se trompent et vous expliquent pourquoi, les mauvais se trompent aussi et ne savent pas pourquoi. Jamais une prévision sur la croissance, l'inflation, la production ne se réalise. Elles n'ont d'intérêt que pour ceux qui malgré celà, les font et réussissent à se faire payer pour cela.
HERRENSCHMIDT
@Guerin. On peut aussi penser que les acteurs/décideurs on tenu compte des prévisions et ont modifié leurs choix.

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