Qu'est-ce qu'une passe à poissons ?

Passe à poissons

Passe à poissons de la centrale hydroélectrique "K" de Kembs. (©Agence REA; Popy Xavier)

Une passe à poissons est un dispositif permettant aux poissons - grands et petits migrateurs - de franchir un obstacle créé par l’Homme sur un cours d’eau. Cet aménagement est aussi communément appelé « échelle à poissons », type le plus fréquent de passe installée.

Où sont installés ces dispositifs ?

Les passes à poissons visent ainsi à ne pas perturber la migration de certains poissons, que ceux-ci remontent un cours d’eau (on parle alors de « montaison ») ou le redescendent (« dévalaison »).

Elles sont installées au niveau d’obstacles divers (barrage hydraulique, écluse, etc.) pour assurer le passage des poissons concernés sans blessure, ni stress(1).

Quels sont les différents types de passes à poissons ?

Il existe de nombreux types de passes à poissons, chacune étant adaptée à des paramètres spécifiques : espèce dont le passage doit être préservé (salmonidés, anguilles, lamproies, etc.), type d’obstacle (barrage hydraulique, écluse), débit du courant et hauteur de chute au niveau de l’ouvrage, etc.

On distingue généralement 5 grandes familles de passes à poissons (selon la classification des agences de l’eau).

  • Les passes à poissons « à bassins successifs » ou « échelles à poissons » (forme la plus courante), composées d’une série de bassins en escalier séparées d’une cloison.
    Ces dispositifs visent à diviser le dénivelé créé par un barrage en une série de plus petites chutes (plus la chute entre bassins est faible, plus le passage des poissons est facile). Ils sont adaptés pour des faibles pentes (de 5 à 10%) et pour la plupart des poissons, avec généralement des hauteurs de chutes entre bassins de 15 à 20 cm (les poissons sautant de bassin en bassin).
     
  • Les passes à écluses ou ascenseurs qui permettent un franchissement « assisté » des poissons soit avec une aide mécanique (ascenseur), soit avec une aide hydraulique (écluse) : les poissons sont attirés vers un compartiment d’où ils sont hissés vers le plan d’eau en amont(2).
     
  • Les passes à ralentisseurs, composées de déflecteurs (dispositifs déviant le courant et donnant naissance à des courants secondaires avec une forte dissipation d’énergie) disposés sur le fond ou sur les parois d’un canal qui réduisent la vitesse de l’eau (pour des pentes plus importantes jusqu’à 20%, principalement pour les salmonidés qui doivent franchir l’obstacle d’une seule traite).
     
  • Les passes naturelles, également dites passes « rustiques » sont des dispositifs reproduisant le fonctionnement des cours d’eau, avec la constitution d’un chenal réduisant la vitesse de l’eau. On parle généralement de rivières de contournement mais il peut également s’agir d’une rampe accolée à une berge.
     
  • Les passes spécifiques pour les anguilles (dont les alevins remontent les rivières), constituées d’une rampe (le long de laquelle remontent les alevins) et d’un bassin amont éloigné du courant (pour éviter que les alevins soient à nouveau entraînés par le courant vers l’aval).

Passe à anguilles

Passe à anguilles sur le barrage de Mallemort. (©Eranian Philippe ; TOMA)

Combien la France compte-t-elle aujourd’hui de passes à poissons ?

EDF Hydro, qui gère l’essentiel du parc hydroélectrique français (plus de 400 centrales hydroélectriques et 600 barrages hydrauliques) indique à Connaissance des Énergies avoir installé sur ses aménagements « plus de 250 dispositifs de franchissement, comme les passes à poissons, notamment pour les poissons migrateurs (saumon, alose, lamproie, anguille, truite, etc.) ».

Depuis quand existent ces dispositifs en France ?

Des passes à poissons ont commencé à être développées dès le début du XXe siècle.

Dans les années 1970, un programme de recherche d’EDF Hydro en hydro-écologie a permis de développer des connaissances uniques des écosystèmes à proximité des ouvrages de production d’électricité. Ces travaux ont conduit dans les années 1980, en étroite collaboration avec le CSP (Conseil Supérieur de la Pêche), devenu depuis l’OFB (Office Français de la Biodiversité), à la mise en place de dispositifs permettant le franchissement des ouvrages par les poissons et le renforcement progressif des actions de protection de la biodiversité sur ses sites de production.

Quelle est la réglementation en vigueur ?

L'article L214-18 du Code de l'Environnement(3) stipule que « tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite ».

La continuité piscicole est abordée plus spécifiquement dans l’article L214-17 à travers la constitution de 2 listes de tronçons de cours d’eau. Ces 2 listes ont été élaborées au niveau des bassins et sont formalisées par des arrêtés préfectoraux :

  • sur les tronçons « classés en liste 1 », la construction de nouveaux ouvrages ne peut être autorisée s’ils constituent un obstacle à la continuité écologique ;
  • sur les tronçons « classés en liste 2 », la continuité écologique doit être assurée.

Au niveau communautaire, la Directive Cadre 2000/60/CE (transposée en France par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006) a fixé pour objectif l’atteinte du « bon état écologique » des cours d’eau pour 2015.

Dans quels cas des passes à poissons doivent-elles être mises en place ?

Nouveaux aménagements

Les nouveaux aménagements hydrauliques font l’objet de demandes d’autorisation avant leur construction : lors de l’instruction de ces demandes, les services de l’État peuvent prendre des prescriptions concernant la mise en place de passes à poissons, en fonction des enjeux (présence de poissons grands migrateurs, etc.). EDF Hydro souligne que des alternatifs à ces passes à poissons existent comme les turbines « ichtyocompatibles ».

Chaque construction de passe à poissons fait l’objet d’une concertation avec les parties prenantes (services de l’État, associations, pêcheurs, etc.), en prenant en compte le contexte de changement climatique qui peut influencer la saisonnalité des migrations ou l’évolution des populations piscicoles.

La validation technique est réalisée par les services instructeurs de l’État, et généralement formalisée par un arrêté préfectoral.

Ouvrages déjà construits

Pour les aménagements existants, la continuité écologique est à réaliser sur les tronçons de cours d’eau « en liste 2 » identifiés par les préfets dans les différents bassins.

Pour l’exploitant EDF Hydro(4), « 150 barrages, centrales ou prises d’eau sont situés sur des tronçons classés en liste 2. Ils sont équipés de plus de 190 ouvrages de franchissement piscicole à la montaison (d’amont en aval) ou à la dévalaison (d’aval en amont). En complément, des dispositifs de franchissement ont également été construits sur des cours d’eau non classés afin de répondre à des enjeux locaux. Chaque franchissement est réalisé en concertation avec les services de l’État qui valident la solution proposée par EDF Hydro ».

Combien coûte une passe à poisson ?

Le coût d’une passe à poissons est très variable et dépend de nombreux paramètres : configuration de l’ouvrage hydraulique concerné, type de passe, dimensions, contraintes du site (place disponible pour le chantier, etc.).

On retient parfois que le prix du dispositif est approximativement proportionnel au produit de la hauteur de chute du barrage à l’étiage et du débit transitant dans la passe à poissons (le coût peut toutefois largement excéder associé à cette formule) : C = K.H.Q

Avec : C le coût de la passe (en € HT), H la chute maximale à l’étiage (m), Q le débit dans la passe à l’étiage (m3/s) et K un coefficient de pondération (en moyenne de 225 000 € par mètre de chute et par m3/s de débit).

La passe à poissons de Gambsheim (une des plus grandes à poisson d’Europe), sur le Rhin, a par exemple un coût de 7,6 millions d’euros.

EDF Hydro indique investir « en moyenne 5 à 10 millions d’euros par an pour la construction de dispositifs en faveur de la continuité piscicole sur ces aménagements ».

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Sources / Notes

  1. Les retenues d’eau artificielles constituées par les barrages peuvent avoir sur les poissons des impacts de plusieurs ordres : directs (blessure ou mortalité lors du transit des poissons migrateurs à travers les turbines ou en raison des turbulences) ou indirects : à l’amont du barrage, la transformation d’un cours d’eau en retenue artificielle modifie le biotope des poissons (dissolution d’éléments du sol comme le mercure) et le type d’espèces présentes. Elle peut entraîner une stratification chimique risquant d’intoxiquer les poissons (teneur en oxygène dissous élevée en surface et quasi nulle en profondeur). Les fluctuations du niveau de l’eau (marnage) peuvent gêner le développement de la végétation fluviale importante pour la nourriture des poissons, ainsi que la reproduction des espèces. Des dispositifs compensatoires existent comme la création d’une végétation riveraine et l’alevinage (réinsertion d’alevins ou canaux de reproduction artificiels). À l’aval, la réduction de la vitesse du courant peut affecter les poissons d’eau vive au profit des espèces d’eau calme.

  2. Notons que les écluses de navigation peuvent, dans certains cas de figure, également être utilisées pour assurer le passage du poisson.
  3. Article L214-18 du Code de l’Environnement Article L214-18 - Code de l'environnement - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  4. EDF Hydro exploite et entretient ses dispositifs de franchissement. Ils font l’objet de suivis, en collaboration avec des associations de poissons migrateurs ou des fédérations de pêche, par exemple via vidéo comptage : une caméra permet de comptabiliser les poissons transitant par le dispositif de franchissement.

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