Quelques idées de lectures et de cadeaux avant Noël

  • Source : Jean-Louis Caffier

Jean-Louis Caffier partage avec vous cinq conseils de lectures, et autant d'idées de cadeaux à deux semaines de Noël.

La littérature d'inspiration scientifique ou journalistique sur le sujet de l'énergie est de plus en plus présente. Une tendance clairement partagée se résume par une affirmation d'un sujet de plus en plus compliqué et de réponses qui ne sont pas à la hauteur pour assurer à la fois la transition et la lutte contre le réchauffement. Illustration avec cinq publications complémentaires et dans des styles très différents.

Hydrogène mania - Enquête sur le totem de la croissance verte (Aline Nippert) 

Hydrogène Mania

C’est un réquisitoire sévère contre un tout petit élément chimique qui voudrait se faire passer pour le prince de la transition verte. Pour l’auteur, l’hydrogène en fait beaucoup trop sur ses capacités à prendre carrément toute la place du pétrole et des autres fossiles tant qu’on y est. Et c’est bien le premier problème : en devenant le successeur désigné des énergies qui ont à la fois permis des progrès considérables et provoqué une crise climatique sans précédent, l’hydrogène ne remettrait pas du tout en cause le système dominant. Autrement dit, c’est la porte ouverte à la poursuite d’une croissance sans limite incapable de se remettre en cause et de gérer la crise environnementale. 

Aline Nippert ne cache pas sa préférence à la décroissance mais au-delà de ce débat entre le plus et le moins, cet ouvrage décortique tous les aspects du dossier et ramène sur terre notre hydrogène en lévitation. Que ce soit sur la production, les coûts, les rendements, la sécurité, les infrastructures, les risques, les financements, tout est passé à la moulinette et à l’arrivée c’est bien la désillusion qui domine après « le rêve techno-solutionniste ». Cette enquête journalistique est un travail de fond qui s’appuie sur des observations de terrain et une documentation très solide. 

Éditeur : le passager clandestin (320 pages, 22 €)

Ressources - Une défi pour l’humanité (Philippe Bihouix, Vincent Perriot)

Ressources BD


La bande dessinée permet de montrer ce que l’on ne voit pas. De plus en plus d’auteurs utilisent le neuvième art pour raconter l’actualité, les conflits notamment. Dans cette BD de haut vol, Philippe Bihouix (textes) et Vincent Perriot (dessins) se mettent en scène pour un périple extraordinaire dans le temps et l’espace. L’histoire commence en « l’an de grâce 3019 » mais comme l’homme est désormais capable de voyager dans le temps, nos deux auteurs-héros remontent toute l’histoire de notre planète. 

À travers des visites et des rencontres avec des scientifiques et des acteurs majeurs de l’évolution du monde, le secteur des ressources s’impose peu à peu comme l’élément moteur des mutations en tous genres. Or, les réserves s’épuisent et les problèmes se posent pour le climat, la biodiversité, les métaux ou l’énergie. On pourrait présenter ce récit comme une illustration du rapport sur les limites à la croissance dirigé par Dennis Meadows et publié par la club de Rome en 1972. Étant donné que les nouvelles ressources ne sont pas garanties dans le système solaire et que les distances nous empêcheront de changer de galaxie, la seule solution pour protéger cette merveille qu’est notre planète, c’est bien d’économiser, d’arrêter de gaspiller de penser que tout est inépuisable. Les solutions passent par une sobriété (heureuse?) de tous les instants et par le tri des déchets, le recyclage, la réutilisation. Les solutions sont là plus terre à terre que les progrès apportés par la techno, mais tellement plus humaines !

Éditeur : Casterman (176 pages, format 24,3 X 31,9, 28 €)

Énergie - Retrouver une ambition européenne (Patrick Criqui, Michel Derdevet, Carine Sebi)

Energie Carine Sebi

C’est un petit livre (80 pages) mais il traite d’un sujet énorme qu’on a tendance à balayer sous le tapis tant il est compliqué. Il est loin le temps de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, marquant en 1951 le vrai départ de l’Europe unie au lendemain de deux guerres mondiales dévastatrices. En mutualisant la production, l’idée était de carrément rendre impossible un nouveau conflit en associant notamment la France et l’Allemagne. Ces deux pays se battent aujourd’hui férocement en défendant le nucléaire pour le premier et les renouvelables pour le second. Quand on ajoute à ce conflit les pays privilégiant encore le charbon (Pologne), sans oublier l’hydraulique pour ceux qui le peuvent (Suède, France, Italie, Autriche...), on mesure l’étendue des difficultés à créer une nouvelle communauté de l’énergie. 

« Comment faire l’Union avec tant d’intérêts industriels divergents, d’opinions stratégiques antinomiques et de visions dissymétriques ? » insistent les trois auteurs, tous experts reconnus. Et on en revient aux traités des années 60 (CECA et Euratom) : « Dans l’esprit de ces traités, il faut impérativement développer de vrais projets communs, au plan politique mais aussi industriel pour décarboner nos économies et avancer ensemble vers des systèmes énergétiques résilients ».

Éditeur : Descartes et Cie (81 pages, 12 €)

Les sociétés face aux défis climatiques (sous la direction de Sandrine Maljean-dubois, Stéphanie Vermeersch et Agnès Deboulet)

https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/les-societes-face-aux-defis-climatiques/

On savait que le climat était un sujet transversal, il devient dans cet ouvrage l’objet d’une étude en profondeur, interdisciplinaire et passionnante. La question climat a été traitée depuis le début à juste raison (création du GIEC en 1988) par les sciences dures. Les sciences molles viennent opportunément à la rescousse pour proposer la vision d’ensemble indispensable à l’élaboration de solutions équilibrées, acceptables, respectueuses de tous les acteurs, du citoyen aux dirigeants du monde. Il est ainsi fait appel à des juristes, économistes, anthropologues, archéologues, géographes, historiens, philosophes, politistes, sociologues, spécialistes de littérature et d’art en général. 

Pour les coordinateurs de ces travaux, « les sciences humaines et sociales ont un apport majeur à la compréhension des enjeux posés par le changement climatique ». Car n’oublions pas l’essentiel : « la question climatique ouvre une ère angoissante d’incertitudes, face à des perspectives de conflits, de tensions et de souffrances ». Conclusion : « la continuité des pratiques actuelles est impossible. Le travail de définition de nouvelles manières d’être, vivre, produire,consommer en continuant à faire société devra s’imposer ». Pas simple, mais juste.

Éditeur : CNRS Editions (248 pages, 23 €)

Faire face à la canicule - Adapter les villes aux enjeux climatiques (Maud Lelièvre)

Faire face à la canicule

Il reste de nombreuses incertitudes sur les conséquences exactes du réchauffement climatique mais on connaît quand même quelques évolutions certaines. Les phénomènes de météo extrême vont devenir probablement plus fréquents et à coup sûr plus intenses. C’est la cas des canicules déjà responsables de centaines de milliers de décès à travers le monde. En attendant les mesures internationales qui permettraient de contenir la hausse des températures (peu probable), il faut assurément travailler l’adaptation à l’inéluctable réchauffement. C’est particulièrement vrai dans les villes qui forcément n’ont pas anticipé ce problème au moment de leur construction. Des sols bétonnés aux toit radiateurs, des améliorations sont du coup possibles dans de très nombreux endroits. 

C’est ce que démontre Maud Lelièvre qui est particulièrement bien placée pour prendre le recul nécessaire et nous conseiller : Docteur en droit de l’environnement, proche de la LPO ou de l’UICN, elle est déléguée générale de l’association nationale des maires et des élus pour l’environnement et le développement durable et élue de Paris. Elle nous propose un voyage documenté dans le monde des solutions possibles à adapter avec un retour très intéressant des initiatives prises partout dans le monde. On n’est pas encore cuit ! Une autre fraîcheur est possible.

Éditeur : Desclée de Brouwer (219 pages, 17,90 €)