La production pétrolière de la Norvège « a décliné de près de 50% depuis son pic en 2001 », rappelle entre autres The Shift Project. (©Equinor)
Le think tank The Shift Project alerte sur un probable « déclin marqué et irréversible » de la production pétrolière des 16 principaux fournisseurs de l’Union européenne durant la décennie 2030, dans une nouvelle étude publiée le 27 mai(1).
La production des 16 principaux fournisseurs de brut divisée par 2 d’ici 2050 ?
Les importations de pétrole brut de l’Union européenne à 27 avoisinent « 500 millions de tonnes par an depuis la fin des années 2000 […] soit à peu près autant que la Chine ». Ce niveau correspond à près d’un dixième de la production mondiale de pétrole. Dans son étude, The Shift Project détaille le profil des 16 principaux pays fournisseurs de pétrole brut de l’UE 27(2) et leurs perspectives de production future (aux horizons 2030 et 2050), sur la base des champs en production ou en cours de développement, de ceux découverts non développés et des ressources prospectives (non découvertes). Il est rappelé que les importations de pétrole brut de l’UE dépendent de plus en plus de ces 16 pays étudiés (95% des importations en 2018, contre 65% en 1990).
Selon cette analyse, la production agrégée de pétrole brut des 16 producteurs considérés « devrait, après un rebond post crise covid-19, stagner entre 18 et 19 milliards de barils par an au cours de la décennie 2020 contre 19,5 en 2019 ». À partir de la décennie 2030, The Shift Project estime que cette production annuelle devrait « rentrer dans une phase de déclin marqué et irréversible, s’établissant entre 13,6 et 15 milliards de barils en 2040 et entre 9,4 et 10,3 milliards de barils en 2050 ».
La production américaine de pétrole de schiste (light tight oil) n’est pas considérée comme un « game changer »(3) : « la raréfaction, d’ores et déjà amorcée, des zones les plus productives (« sweet spots ») est un signe annonciateur du plafonnement puis du déclin de la production de LTO » aux États-Unis, estime The Shift Project qui pointe en outre le modèle économique de leur exploitation (« les cash flows cumulés négatifs se chiffrent à 270 milliards de dollars depuis 2007 »), avec une industrie « très dépendante d’une politique monétaire accommodante et d’un niveau élevé du prix du baril ».
Le principal pays fournisseur de pétrole de l'Union européenne est la Russie (30% des approvisionnements en 2018). Parmi les 16 principaux pays fournisseurs de l’UE27, « la Russie est au deuxième rang des réserves totales, identifiées et potentielles, de pétrole brut conventionnel avec environ 100 milliards de barils, derrière l’Arabie Saoudite et devant l’Irak », indique The Shift Project.
« Planifier la sortie du pétrole »
The Shift Project énumère ainsi les voyants rouges concernant l’approvisionnement futur de pétrole brut de l’UE et de la France : déclin tendanciel des découvertes, taux de déplétion des champs découverts à ce jour dans les 16 pays considérés proche de 70 %, délai croissant entre découverte et mise en production, etc. « L’augmentation de la consommation domestique de bon nombre de pays exportateurs tend en outre à réduire graduellement leur capacité d’exportation, exacerbant ainsi le risque de contraintes s’exerçant sur les pays importateurs nets », indique l'étude.
Il en résulte une mise en garde, résumée par Mathieu Auzanneau, directeur du Shift Project : « la probabilité de contraintes de plus en plus fortes s’exerçant sur les approvisionnements pétroliers de l’Union européenne constitue une raison supplémentaire – outre les engagements climatiques – pour planifier la sortie du pétrole ».
Certes, quelques réserves peuvent être émises aux conclusions émises - à commencer par le fait que « la question du potentiel d’approvisionnement auprès d’un nouveau pays producteur, existant ou en voie d’émergence, n’est pas traitée dans cette étude » - et The Shift Project intègre d'ailleurs au début de sa publication les commentaires, parfois critiques, de relecteurs. Les nombreuses données de cette étude (résultant d'une « analyse critique de la base de données pétrolières de Rystad Energy ») contribuent toutefois à mieux « documenter la menace » liée aux importations pétrolières de l'UE et de la France et à alimenter les réflexions à ce sujet.