L’excédent d’offre sur les marchés pétroliers va perdurer en 2016 pour la 3e année consécutive. (©Anadarko)
Une réunion de grands pays producteurs de pétrole, pour la plupart membres de l’OPEP, a lieu ce dimanche 17 avril à Doha. Elle vise à stabiliser le niveau de l’offre pétrolière afin de soutenir les cours du brut. État des lieux avant cette réunion.
Où en sont les cours du pétrole ?
Au 1er trimestre 2016, le prix du baril de Brent a atteint 33 $ en moyenne avec une tendance haussière (38,4 $ en mars contre 30,7 $ en janvier). Pour rappel, il a baissé des deux tiers par rapport à 2014 (99 $/baril) et reste encore inférieur de 36,5% à la moyenne de 2015 (52 $/baril).
Le faible niveau des prix est toujours dû à un excédent d’offre sur le marché pétrolier par rapport à la demande qui est évalué par IFP Énergies nouvelles à 1,8 million de barils par jour (Mb/j) au 1er trimestre 2016, soit à peine moins que la moyenne de 2015 (excédent de 1,9 Mb/j). Un lent rééquilibrage est en cours, compte tenu des prix « de destruction de l’offre » qui ont notamment provoqué une baisse de la production américaine de 0,6 Mb/j depuis mai 2015.
L’évolution des prix du brut dépend principalement de 4 grands paramètres, rappelle IFP Énergies nouvelles dans une note publiée la semaine dernière(1) : la croissance de la demande de pétrole, l’importance de la baisse de l’offre américaine et des pays ayant réduit leurs investissements en exploration/production, la progression de l’offre iranienne (voire libyenne) et l’accord éventuel autour d’un gel de la production.
Évolution du prix du baril de Brent depuis janvier 2014 (©Connaissance des Énergies)
Quel a été l’impact de l’accord de principe conclu en février 2016 ?
En février 2016, l’Arabie saoudite, la Russie, le Venezuela et le Qatar s’étaient déjà accordés à Doha sur le principe d’un gel de leur production pétrolière au niveau de janvier 2016. Ce gel n’a pas été mis en œuvre mais les déclarations des pays potentiellement concernés (Arabie saoudite et Russie en tête) ont été scrutées depuis lors par les observateurs des marchés.
Lesdits marchés ont d’ailleurs été « assez sensibles » aux différentes annonces des grands producteurs selon Guy Maisonnier, économiste à IFP Énergies nouvelles. Ce fut notamment le cas lorsqu’un officiel saoudien a conditionné le 31 mars tout accord au fait que l’Iran y soit associé : « cela a tout de suite refroidi les marchés et s’est traduit par un recul de 6% du Brent le jour même », précise Guy Maisonnier. A l’inverse, ce prix a augmenté de 3,5% le 12 avril lorsque l’agence de presse russe Interfax a évoqué un accord Russie/Arabie saoudite non conditionné à la participation de l’Iran.
Quels sont les principaux protagonistes de la réunion de Doha ?
A l’invitation du Qatar, quinze pays producteurs de pétrole ont officiellement confirmé leur participation à la réunion de dimanche selon les différentes agences de presse. Parmi les 13 pays membres de l’OPEP, seule la Libye sera absente en raison de la guerre civile dans ce pays. La Russie, le sultanat d’Oman et Bahreïn participeront également aux discussions et le Mexique sera présent avec le statut d’observateur. Il reste par ailleurs « une incertitude pour l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan et la Norvège », précise Guy Maisonnier.
Les États-Unis, premier producteur mondial en 2015, et le Canada seront en revanche absents, « faute de représentants officiels des producteurs nord-américains », indique Guy Maisonnier (à la différence des pays participants qui disposent de grandes compagnies nationales). La Chine sera également absente : elle est un important producteur de pétrole mais surtout le 2e consommateur mondial de brut et il semble dans ces conditions délicat de demander à Pékin de geler le niveau de sa production.
Qui a le plus intérêt à un accord ?
Tous les pays producteurs ont un intérêt à obtenir un accord sur un gel de la production pour améliorer leur situation financière et éviter une nouvelle chute des cours, « scénario moins probable mais qui reste envisageable en cas de conjoncture économique mondiale dégradée », précise Guy Maisonnier. La Russie, 3e producteur mondial, a notamment vu son PIB baissé de 3,7% en 2015 sous l'effet de la chute des cours et des sanctions économiques liées à la crise ukrainienne.
L’Arabie saoudite se montre assez ambiguë sur les conditions d’un gel de sa production. Pour rappel, l’ancien « swing producer » avait décidé de défendre ses parts de marché en 2015 en freinant la croissance des « light tight oil » (LTO) américains. Riyad semble aujourd’hui « prêt à faire un geste minimum mais paraît résigné à l’idée de voir des prix durablement bas » selon Guy Maisonnier.
L’Iran, qui dispose des 4e réserves mondiales de pétrole, a pour sa part répété à de nombreuses reprises qu’elle augmenterait le niveau de sa production aux alentours de 4 Mb/j contre environ 2,9 Mb/j en 2015. Pour rappel, les sanctions occidentales ont été levées contre ce pays mi-janvier 2016 et Téhéran entend fortement développer ses exportations. L’Iran a ainsi salué la décision de certains pays de geler leur production mais n’entend pas pour autant se joindre à l’effort. Toute concession semble donc probable. Le ministre iranien du pétrole ne se rendra d’ailleurs pas à la réunion de dimanche. Le représentant de l’Iran au sein de l’OPEP sera en revanche présent pour expliquer la position de Téhéran.
Quel impact possible selon l’issue de cette réunion ?
Suite aux différentes annonces de la Russie et de l’Arabie saoudite et sous l'effet de la baisse de l'offre américaine, le prix du baril de Brent est aujourd’hui remonté à près de 43 $, soit 16% de plus qu’au début du mois d’avril. Selon Guy Maisonnier, l’impact sera encore plus sensible en cas d’accord à Doha, à condition que celui-ci soit « tenu et que les stocks commencent à se résorber ». Les marchés semblent « miser » sur cette issue.
A l’inverse, « une correction significative n’est pas à exclure si l’accord est jugé peu crédible ou pire, si la réunion n’aboutit à rien », met en garde Guy Maisonnier.