L'EPR Olkiluoto 3 est le troisième réacteur de cette technologie a voir été mis en service dans le monde, après ceux de Taishan en Chine. (©TVO)
En Finlande, l'EPR Olkiluoto 3 a débuté sa production commerciale le 16 avril 2023. Il s'agit du premier réacteur EPR mis en service en Europe. La mise en service du réacteur du consortium Areva-Siemens est toutefois intervenue avec près de 13 ans de retard sur le calendrier initial. Le coût de cet EPR est passé de 3,37 milliards d'euros prévus initialement à environ 11 milliards d'euros, selon le rapport 2019 sur l'énergie nucléaire mondiale.
Présentation
Avec 1 600 MW de capacité, Olkiluoto 3 est le plus puissant réacteur nucléaire implanté en Europe. L'EPR est censé pouvoir satisfaire 20 % de la demande d'électricité de la Finlande. La centrale d'Olkiluoto dans son ensemble (en incluant les 2 autres réacteurs déjà existants sur le site OL1 et OL2) permet même produire environ 40 % de l'électricité finlandaise, selon l'exploitant Teollisuuden Voima Oyj (TVO).
C'est le premier réacteur nucléaire à avoir été commandé en Europe après la catastrophe de Tchernobyl en 1986.
Construction et retards
Le chantier, démarré en 2005 et devant initialement être achevé en 2009, a traîné en longueur et a connu d'importants surcoûts, qui se sont traduits notamment par de lourdes pénalités de retard pour Areva SA.
Si cet EPR finlandais a cumulé des retards, il a pourtant été le tout premier chantier à être lancé pour concrétiser cette technologie présentée comme le fleuron de la filière nucléaire française.
En juin 2017, les essais fonctionnels à froid ont démarré, afin d'exécuter les essais hydrauliques du circuit primaire à une pression test progressive.
En février 2019, l'Autorité de sûreté nucléaire finlandaise, la Stuk, a fait savoir qu'elle donnait son feu vert à la mise en service du réacteur, sous réserve que soit résolu un problème de vibrations dans une partie du circuit primaire (la tuyauterie de sortie du pressuriseur).
En mars 2019, le gouvernement finlandais a annoncé avoir accordé à l'opérateur TVO la licence d'exploitation du réacteur. La licence est valable jusqu'à la fin 2038.
Fin 2019, l'électricien TVO espérait un chargement du combustible en juin 2020. Mais cet objectif avait été abandonné début avril en raison de la pandémie de Covid-19.
En juin 2020, l'Autorité de sûreté nucléaire finlandaise (STUK) a ouvert une enquête après avoir détecté un problème de fuite sur les soupapes d'un pressuriseur sur l'EPR. L'Autorité de sûreté nucléaire finlandaise (STUK) a ouvert une enquête après avoir détecté un problème de fuite sur les soupapes d'un pressuriseur sur l'EPR.
En mars 2021, l'autorité finlandaise de sûreté nucléaire a annoncé vendredi avoir donné son feu vert au chargement du combustible. TVO a ensuite mené une phase de mise en service de "plusieurs mois" durant laquelle il va continuer à tester la centrale.
En décembre 2021, l'autorité finlandaise de sûreté a donné son autorisation pour démarrer le réacteur.
Le début de la production d'électricité a été reporté à plusieurs reprises devant la nécessité de faire des modifications a été observée pendant la phase de production test, et notamment pour réparer le système de refroidissement du générateur et l'automatisation de l'unité de production, en particulier aux fonctions de contrôle liées à l'îlot turbine.
En mars 2022, il a été mis en service pour la première fois. "Aujourd'hui samedi 12 mars 2022 à 10h00 GMT, le réacteur a été connecté au réseau national à un niveau de 103 MW", a annoncé l'exploitant TVO dans un communiqué.
La production normale devait avoir lieu en juillet. Elle a été reportée après l'observation en mai 2022 de "corps étrangers" le réchauffeur de vapeur de la turbine.
En septembre 2022, il a commencé à produire de l'électricité à pleine puissance. Mais en octobre, des dommages ont été décelés dans les éléments internes des pompes d'alimentation à eau situées dans l'îlot de la turbine. Puis en février, une des trois valves de sécurité du réacteur s'est avérée défectueuse.
Après un long retard, la Finlande met en service son réacteur nucléaire EPR Olkiluoto 3 le 16 avril 2023. "Les essais sont terminés et la production d'électricité régulière a commencé aujourd'hui", a précisé TVO dans un communiqué.
Le timing s'avère crucial alors que la Finlande doit faire face à l'arrêt des livraisons d'électricité depuis la Russie, soit une capacité d'importation d'environ 1 000 MW. Malgré ce fiasco à Olkiluoto, le soutien au nucléaire civil a progressé ces dernières années en Finlande, stimulé par les préoccupations climatiques et les tensions énergétiques mondiales. Selon un sondage paru en mai, 60% des Finlandais y sont désormais favorables, un record. Coïncidence de calendrier, l'entrée en service commercial de l'EPR finlandais intervient au moment même où l'Allemagne a mis à l'arrêt ses trois derniers réacteurs.
Différends entre Areva et TVO
TVO et Areva-Siemens se rejettent la responsabilité des retards. Areva accuse son client finlandais d'avoir ralenti le chantier à cause de procédures excessivement contraignantes et de contrôles trop lents. Ces difficultés en Finlande ont contribué à précipiter Areva au bord d'une quasi-faillite : face aux retards du projet, le groupe a provisionné 5,5 milliards d'euros, soit plus que le prix de vente du réacteur fixé à 3 milliards.
Ils ont porté leur différend devant le tribunal arbitral de la Chambre de commerce internationale à Paris, une instance qui doit trancher l'affaire à une date non encore déterminée.
Areva-Siemens réclame 3,4 milliards d'euros à TVO, qui de son côté réclame 2,6 milliard d'euros au consortium.
TVO avait aussi formé un appel auprès de la justice de l'Union européenne contre la décision de la Commission d'autoriser la restructuration entre EDF et Areva SA et recapitalisation, craignant qu'elle se fasse aux dépens du chantier de l'EPR. L'agence de notation financière SP Global Ratings a abaissé fin septembre la note d'Areva à "B-", jugeant que le groupe nucléaire français faisait face à un "risque accru" dans la procédure d'arbitrage l'opposant à TVO.
TVO avait déjà revendiqué à plusieurs reprises : novembre 2016, juillet 2017 et novembre 2017.
En mars 2018, Areva a versé 450 millions d'euros à l'électricien finlandais TVO pour régler leur litige "en compensation de sa responsabilité dans les retards subis par TVO dans la réalisation du projet". Ce montant équivaut à un retard de trois ans, alors que le chantier avait déjà dix ans de retard. Mais il prévoyait aussi un système de bonus-malus : Areva et ses partenaires pouvaient recevoir jusqu'à 150 millions d'euros si le projet était achevé avant fin 2019, mais ils peuvent payer jusqu'à 400 millions d'euros supplémentaires en cas de nouveau retard au-delà de cette échéance. Ce système des bonus/malus devrait donc s'enclencher fin 2019. Areva avait précédemment évoqué un malus de 20 millions d'euros par mois de retard.