L'ambition de la PPE serait entre autres rendue possible grâce à une forte réduction de nos consommations d'énergie : - 30% en 2030 et - 50% en 2050 par rapport au niveau de 2012.
Les nouvelles PPE (Programmation pluriannuelle de l’Énergie) et SNBC (Stratégie nationale bas-carbone), deux textes attendus de longue date, ont été présentées ce 4 novembre et sont désormais ouvertes à la concertation du public pour une période de 6 semaines.
Une division par 2 des émissions d'ici 2030
La 3e PPE et la 3e SNBC présentées constituent, avec le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), la Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC). Elles visent à préciser la trajectoire pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, avec des objectifs intermédiaires en 2030 (pour la SNBC et la PPE) et 2035 (pour la PPE).
En matière d'émissions de gaz à effet de serre (GES), un nouveau « jalon important » est posé à l'horizon 2030 : l'ambition est désormais de réduire de 50% les émissions brutes de GES d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990 (l'objectif était de - 40% dans la précédente SNBC) « en cohérence avec le Pacte vert » européen, a souligné la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher.
Ce qui implique une accélération du rythme de réduction des émissions : - 5% par an entre 2022 et 2030, contre une baisse moyenne de 2% par an entre 2017 et 2022. Notons que la France a, dans un contexte de réduction des consommations énergétiques, déjà réduit ses émissions de GES de 5,8% en 2023 et de 4,8% entre juillet 2023 et fin juin 2024, selon les premières estimations du Citepa.
Les plus grosses réductions d'émissions sectorielles d'ici à 2030 par rapport au niveau de 1990 sont attendues dans l'industrie (- 68%) et dans l'énergie (- 65%) mais l'action dans les transports constitue le plus grand défi : comptant pour 32% des émissions françaises de GES, c'est le seul secteur dont les émissions ont augmenté entre 1990 et 2022 (+ 6,5%) et il représente une « complexité absolue » selon les termes d'Agnès Pannier-Runacher, touchant entre autres à la « liberté personnelle » de 67 millions d'acteurs utilisant de nombreux modes de transport, avec une sensibilité accrue sur le sujet (comme en témoigne la crise des « gilets jaunes ») .
Pour rappel, la SNBC fixe des plafonds d'émissions à ne pas dépasser par périodes de 5 ans (« budgets carbone »), pour 2024-2028, 2029-2033 et 2034-2038.
Une électrification décarbonée
La PPE s'appuie pour sa part sur 4 principaux leviers : l'efficacité énergétique (avec l'électrification des usages et la rénovation des logements), la sobriété énergétique, le développement des filières renouvelables (productrices d'électricité et de chaleur/froid) et la relance du nucléaire.
Concrètement, l'ambition est de sortir des énergies fossiles à l'horizon 2050 en s'appuyant sur une production électricité bas carbone : la part de l'électricité dans la consommation finale d'énergie de la France passerait de 27% en 2022 à 34% en 2030, 39% en 2035 et 54% en 2050 (le restant étant fourni par les filières renouvelables hors électricité, l'hydrogène et les carburants synthétiques).
La part des énergies fossiles passerait quant à elle de 59% à 42% « en seulement 5 ans », souligne Nicolas Goldberg, associé énergie chez Colombus Consulting. Une trajectoire « très ambitieuse » qui constituerait « une excellente nouvelle mais il ne faut pas croire que cela se fera sans les investissements qui vont avec. À cet égard, les arbitrages gouvernementaux sur la performance énergétique (baisse de MaPrimeRénov’), la mobilité électrique (baisse du leasing social électrique) ou le fonds chaleur renouvelable sont très inquiétants et donnent le sentiment d’un décalage entre les intentions et les actions », constate Nicolas Goldberg.
Les capacités éoliennes terrestres et photovoltaïques pourraient être respectivement doublées et multipliées par 6 d'ici à 2035 par rapport au niveau de 2022.
« La grande contradiction du moment »
La production d'électricité décarbonée, qui avoisinait 390 TWh en 2022, pourrait être portée à « au moins 560 TWh » en 2030 et « au moins 640 TWh » en 2035 selon la PPE. La hausse de production proviendrait principalement des filières renouvelables (avec une hausse entre 2022 et 2035 d'environ 111 TWh provenant de l'éolien - terrestre et offshore confondus - et de 64 TWh du solaire photovoltaïque), même si le nucléaire restera de loin la source de production dominante à l'horizon 2035.
« La grande contradiction du moment est que nous accélérons sur le déploiement de l’électricité décarbonée mais que nous stagnons sur la consommation d’électricité », note Nicolas Goldberg. « Lorsque la Stratégie Française sur l’Energie et le Climat (SFEC) a été lancée en 2021, il était impensable d’évoquer un « surplus de production d’électricité ». Or, nous y sommes désormais et c’est donc sur l’électrification qu’il faut accélérer, ce qui manque dans les textes sur les moyens », ajoute-t-il.
Agnès Pannier-Runacher a reconnu, lors de la présentation de la PPE, que le « mur électrique de 2030 » craint dans le passé ne suscite plus la même inquiétude et qu'il est à ce titre nécessaire d'adapter les prévisions en conséquence.
EN DIRECT | Les ministres @AgnesRunacher@durovray@OlgaGivernet lancent la consultation publique sur la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). https://t.co/DXDBFmr3Rm
— Ministères Territoires Écologie Logement (@Ecologie_Gouv) November 4, 2024
Mais, « à cet égard, la balle est également dans le camp du budget qui a jusqu’ici montré peu d’intérêt pour la trajectoire de décarbonation », souligne Nicolas Goldberg. La ministre a pour sa part réaffirmé que « l'urgence budgétaire ne rend pas l'urgence écologique moins présente », un écho aux débats récents mouvementés.