Jusqu'où ira l'appétit croissant d'électricité des data centers en Irlande ?

« Sphere With Sphere », un des symboles de l'université Trinity de Dublin

L'AIE prévoit que la consommation d'électricité des centres de données dans l'UE sera 30% plus élevée en 2026 qu'en 2023(1). L'Irlande et le Danemark pourraient compter pour 20% de cette hausse de la demande européenne. Ici la sculpture « Sphere With Sphere », l'un des symboles de l'université Trinity de Dublin. (©Pixabay-DaveMeier)

La part des data centers dans la consommation d'électricité en Irlande augmente à un rythme qui inquiète de nombreux observateurs.

Une consommation d'électricité plus importante que les maisons en ville

En 2023, les data centers installés en Irlande ont consommé 6 334 TWh selon l'agence irlandaise en charge des statistiques(2). C'est plus de 20% d'électricité en plus que leur consommation en 2022 (5 270 TWh).

La demande des centres de données irlandais a surtout compté pour 20,7% de l'ensemble de la consommation d'électricité de l'Irlande l'an dernier, contre 17,7% en 2022 et environ 5% en 2015.

Et pour la première fois, cette consommation a dépassé celle des maisons en ville (environ 18% de la demande irlandaise d'électricité en 2023, les maisons à la campagne comptant par ailleurs pour près de 10% de cette consommation nationale).

Près de 85% de la hausse de la consommation électrique depuis 2015

Entre le 1er trimestre 2015 et le 4e trimestre 2023, la consommation d'électricité des data centers implantés en Irlande a quasiment quintuplé tandis que la consommation totale d'électricité dans le pays a augmenté de 24% au cours de cette période(3).

Autrement dit, la hausse de la demande électrique des data centers a équivalu à 85% de la croissance globale de la consommation d'électricité en Irlande entre 2015 et 2023.

L'intelligence artificielle (IA) contribue en outre à faire exploser la consommation d'électricité du secteur numérique et les centres de données pourraient compter pour 31% de la consommation d'électricité en Irlande en 2027 selon le scénario médian du gestionnaire de réseau EirGrid, posant à ce titre des défis croissants pour gérer l'équilibre du système électrique national.

Consulter l'Ireland’s integrated National Energy and Climate Plan 2021-2030 (juillet 2024).

Un doublement de la consommation mondiale envisagé par l'AIE

L'Agence internationale de l'énergie (AIE) estimait quant à elle, dans un rapport début 2024(4), que les centres de données pourraient compter pour 32% de la consommation irlandaise d'électricité dès 2026, si la plupart des projets en cours aboutissent (l'Irlande compte 82 data centers en activité dont certains de Google, Meta, Amazon et TikTok, auxquels s'ajoutent 14 sites en construction et 40 approuvés). L'Agence rappelle que le faible niveau de taxation des entreprises dans ce pays contribue à favoriser l'expansion du secteur.

Au niveau mondial, la consommation d'électricité liée aux centres de données, à l'IA et aux cryptomonnaies pourrait doubler d'ici à 2026 selon l'AIE.

Les data centers (actuellement plus de 8 000 dans le monde, dont 33% aux États-Unis et 16% en Europe) pourraient en particulier consommer jusqu'à plus de 1 000 TWh en 2026(5), soit l'équivalent de la consommation électrique annuelle du Japon (contre une estimation de 460 TWh en 2022, environ 2% de la consommation mondiale d'électricité).

La hausse de consommation envisagée dans les différents scénarios de l'AIE (+ 160 TWh à + 590 TWh entre 2022 et 2026) conduira à « ajouter au moins l'équivalent de la Suède et au plus l'équivalent de l'Allemagne » en matière de consommation électrique, indique l'AIE.

Un mix électrique irlandais toujours très carboné

Outre la nécessité d'assurer la sécurité d'approvisionnement électrique en Irlande, l'impact des data centers sur les émissions de CO2 posent question. Les énergies fossiles comptent en effet pour encore plus de la moitié de la production irlandaise d'électricité (45% en particulier pour les centrales à gaz en 2022, contre 34,6% pour l'éolien et 1,2% pour le solaire).

À cet égard (recherche d'un réseau plus sûr et moins carboné), l'interconnexion électrique « Celtic », développée par les gestionnaires de réseaux EirGrid et RTE pour relier la côte sud de l'Irlande au Finistère en France, pourrait jouer un rôle très positif.

D'une capacité de 700 MW « dans les deux sens », cette interconnexion doit permettre d' « importer et exporter suffisamment d'électricité pour alimenter 450 000 foyers », selon les porteurs du projet. L'achèvement du chantier et la mise sous tension de cette liaison électrique sont prévus d'ici fin 2026(6).

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