- Source : Ifri
Crise sanitaire, rebond majeur des émissions de gaz à effet de serre, hausse des prix de l'énergie (liée entre autres à des facteurs météorologiques(1)) et des produits agricoles, tensions géopolitiques, etc. : « l’année 2021 est loin d’être une année rose et verte », les différentes crises actuelles faisant office de « sonnette d’alarme pour les décideurs européens », résument Marc-Antoine Eyl-Mazzega et Carole Mathieu(2) dans le « briefing » ci-après mis en ligne le 10 novembre par le Centre Énergie & Climat de l'Ifri.
Face aux hausses des prix de l'énergie, « la vulnérabilité de l’Europe éclate au grand jour, une fois encore » : l'UE, très dépendante des approvisionnements extérieurs en combustibles fossiles (« à hauteur de 97% pour le pétrole, de 44% pour le charbon et de 90% pour le gaz »), est actuellement condamnée « à limiter la casse ». Pour les deux auteurs, cette dépendance(3) va « rester un élément clé du système énergétique européen pour au moins une décennie » ; ainsi, « la première vérité à formuler est que l’énergie ne sera pas abordable, bas carbone et abondante dans un avenir proche, et que la pression sur les consommateurs vulnérables et la compétitivité industrielle va s’intensifier ».
Dans ces conditions, Marc-Antoine Eyl-Mazzega et Carole Mathieu appellent l'UE à faire des économies d’énergie une priorité, « en facilitant l’effacement, en déployant la vague de rénovation énergétique et en adoptant des réformes ambitieuses de la directive sur l’efficacité énergétique et de la directive sur la performance énergétique des bâtiments ».
Pour assurer la sécurité d'approvisionnement électrique(4), ils soulignent par ailleurs que « le nucléaire doit être inclus dans la taxonomie verte de l’UE et que les débats idéologiques sur le choix des technologies doivent prendre fin » (ils jugent qu'un « nouvel élan » en faveur du nucléaire est « permis par la clause de neutralité technologique du traité de Lisbonne et par le traité Euratom »).
Le briefing décrypte également la crise gazière que traverse actuellement l'Europe et le rôle joué par la Russie(5), ainsi que l'impact des prix élevés du carbone sur le système européen d’échange de quotas (ETS). Ces prix élevés « grèvent le pouvoir d’achat des ménages(6) et dégradent la compétitivité industrielle avec un gain climatique limité puisque l’option moins émettrice (le gaz) n’est pas disponible à court terme », ce qui nécessite des évolutions du marché carbone européen(7) (sans réduction de son ambition).
Sources / Notes
- « Un hiver plus froid et plus long que la normale en Europe, en Amérique du Nord et en Asie a encouragé la consommation de gaz et de charbon, alors qu’un second semestre historiquement sec affecte la production hydroélectrique en Amérique du Sud et au Moyen-Orient, avec un effet à la hausse sur la demande de gaz. »
- Marc-Antoine Eyl-Mazzega est directeur du Centre Énergie & Climat de l’Ifri. Carole Mathieu est chercheuse et responsable des politiques européennes au Centre Énergie & Climat de l’Ifri.
- La dépendance nette de l'Europe aux importations a atteint « 60,9% en 2019, le plus haut niveau de ces trente dernières années ».
- « Les Européens ne peuvent pas se permettre de découvrir qu’ils ont un problème de sécurité d’approvisionnement électrique à l’occasion d’un black-out, comme il pourrait s’en produire si les prochains hivers sont longs et rigoureux, ou bien si les vents sont faibles à l’hiver 2022-2023 ou 2023-2024 lorsque l’Allemagne aura fermé ses dernières centrales nucléaires. »
- Il est rappelé que « c’est la quatrième guerre du gaz avec l’Europe en vingt ans (avec 2006, 2009, les différends autour de la libéralisation du marché européen – contrats de long terme et TurkStream, enquête sur les pratiques anticoncurrentielles) ».
- Ces prix élevés pèsent pour un cinquième de la hausse des prix de gros de l'électricité selon les auteurs.
- « Plutôt que de réduire le niveau d’ambition de l’ETS, les décideurs publics devraient renforcer les outils de gestion des prix pour faire face aux situations comme celle d’aujourd’hui où la demande de quotas s’avère inélastique. Un moyen de les rassurer serait d’introduire des clauses fondées sur les prix permettant de déclencher la réserve de stabilité ; leurs concitoyens seraient protégés en cas de nouvelle hausse insoutenable des prix. Inversement, un prix plancher augmentant progressivement renforcerait la confiance des investisseurs et faciliterait le déploiement commercial des solutions bas carbone. »