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Le Parlement européen a voté mardi pour accélérer les chantiers de rénovation énergétique et viser un parc immobilier "zéro émission" d'ici 2050 dans l'UE, mais calendrier et modalités seront âprement négociés avec les Etats membres.
"Cet hiver, les ménages ont reçu des factures exorbitantes (...) et des dizaines de millions d'Européens souffrent de précarité énergétique. Cette loi veut résoudre cela", en "avançant vers nos objectifs climatiques", a réagi l'élu irlandais Ciaran Cuffe (Verts), rapporteur du texte.
Les eurodéputés ont adopté par 343 voix (216 contre, 78 abstentions) leur position sur le projet de la Commission européenne visant à améliorer la performance énergétique des bâtiments, avant des négociations avec les Etats pour finaliser la loi.
Alors que l'immobilier représente 36% des émissions européennes de gaz à effet de serre, le texte soutenu par les groupes PPE (droite), S&D (socialistes), Renew (libéraux) et Verts propose d'accélérer drastiquement le calendrier.
Il prévoit qu'à partir de 2028 (la Commission proposait 2030), tous les bâtiments neufs soient neutres en carbone, grâce à une consommation modérée et le recours aux énergies vertes.
Surtout, il entend s'attaquer au bâti existant à coup de rénovations, pour que tous les logements atteignent au moins la classe E dès 2030 puis D en 2033 sur l'échelle de performance énergétique -- objectifs respectivement fixés à 2027 et 2030 pour les bâtiments non résidentiels (sur cette échelle, A désigne les bâtiments les plus performants, G les pires passoires thermiques).
C'est plus ambitieux que ce que proposait la Commission (au moins la classe F pour les logements en 2030, puis E en 2033), et beaucoup plus contraignant que la position adoptée en octobre par les Etats.
Les Vingt-Sept avaient repris l'objectif de bâtiments neufs "zéro émission" en 2030, mais sans approuver les exigences de classes énergétiques pour les bâtiments existants, jugeant ce critère trop variable d'un pays à l'autre.
Même si six pays, dont la France et l'Allemagne, avaient appelé à relever "substantiellement" les exigences, les pourparlers entre Etats et eurodéputés pourraient s'avérer compliqués.
- "Juste et réaliste" -
Pour remédier à l'absence d'harmonisation européenne, les eurodéputés proposent que la lettre G corresponde de facto aux 15% des bâtiments les moins performants du parc de chaque Etat.
Ils prévoient l'interdiction des systèmes de chauffage à combustibles fossiles d'ici 2035, et l'obligation d'ici 2028 pour tout nouveau bâtiment d'être équipé de panneaux solaires si "techniquement et économiquement réalisable".
En prévoyant des objectifs d'installations de bornes de recharge, le texte va aussi "accélérer la transition vers la mobilité électrique", ajoute Pascal Canfin (Renew).
Chaque Etat décidera des incitations, restrictions et sanctions pour atteindre les objectifs, mais "les plans nationaux devront (...) prévoir une prime substantielle pour les rénovations importantes, et des subventions ciblées pour les ménages vulnérables".
"La rénovation des bâtiments résidentiels bénéficiera d'un financement prioritaire par fonds européens", souligne Tsvetelina Penkova (S&D).
"C'est un projet juste et réaliste. Il réduira les factures, crééra des emplois, garantira les financements, offre des flexibilités aux Etats", abonde M. Cuffe.
- Chaudières "hybrides" -
Les Etats pourront "ajuster les objectifs pour un nombre limité de bâtiments, en fonction de la faisabilité économique et technique des rénovations et de la disponibilité de la main-d'oeuvre qualifiée", selon le communiqué du Parlement.
Les logements sociaux publics pourront être exemptés "si les rénovations entraînent des augmentations de loyer non compensées par la baisse des factures énergétiques".
Monuments, sites religieux ou historiques, bâtiments inférieurs à 50 m2, seront épargnés.
"L'amélioration de la performance énergétique (travaux d'isolation, chauffage...) sera réalisée lors de la vente d'un bâtiment, d'une rénovation majeure ou d'une signature de contrat de location", précise l'institution.
"Pour être clair, personne ne sera viré de sa maison s'il ne peut la rénover", insiste Sean Kelly (PPE), s'agaçant des "désinformations" sur le sujet.
Pour autant, des voix dissonnantes se sont faites entendre dans son groupe: le Français François-Xavier Bellamy a ainsi dénoncé le coût pour les "gens ordinaires", la non-prise en compte du nucléaire dans le "zéro émission", et l'"explosion de l'usage des matériaux nécessaires".
L'organisation environnementale CAN a salué "un signal fort", mais dénonce une disposition autorisant l'installation de "chaudières hybrides" alimentées partiellement en combustibles "verts" (hydrogène, biocarburants...) --un "cheval de Troie" pour le maintien des carburants fossiles selon elle.