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La Pologne a annoncé vendredi qu'elle ne prolongerait pas au-delà de 2022 son grand contrat gazier avec Gazprom, ayant réussi à diversifier ses approvisionnements, une décision qui devrait mettre fin à la domination énergétique russe dans ce pays et dans la région.
La non-reconduction de l'accord de Yamal, signé en 1996, a une portée symbolique forte pour ce pays qui est resté longtemps dépendant de la Russie mais a mis en place, il y a quelques années, une large stratégie de diversification. "Un des succès évidents de cette politique est la baisse des livraisons de gaz en provenance de l'est. Actuellement, ces livraisons constituent environ 50% de la consommation totale de ce combustible en Pologne", a déclaré vendredi le ministre polonais de l'Energie Krzysztof Tchorzewski.
Après 2022, "la Pologne ne manquera pas du tout de gaz", a assuré quant à lui Piotr Wozniak, président du groupe gazier polonais PGNiG, responsable du contrat avec Gazprom. Les besoins en gaz seront satisfaits notamment grâce à un terminal GNL construit sur la Baltique, des livraisons de gaz norvégien via un gazoduc sous-marin reliant la Pologne au Danemark, ainsi que grâce à la production locale, a-t-il déclaré.
"Nous voulons mettre de l'ordre sur notre marché, et cela n'est pas une demande exagérée", a-t-il déclaré vendredi à la presse, ajoutant ne pas s'attendre à une réaction nerveuse de Moscou. Pour M. Wozniak, la fin du contrat Yamal permettra d'améliorer la sécurité énergétique de la Pologne, en éliminant le facteur politique. "Au cours des 15 dernières années, les livraisons de gaz en provenance de la Russie ont été interrompues à sept reprises, sans aucun problème causé par nous", a-t-il déclaré vendredi à la presse.
« Risques de rupture de livraisons »
Avec l'expiration du contrat Yamal "ces risques de rupture de livraisons disparaîtront, car leur cause disparaîtra et les conditions des livraisons, dont principalement le prix, vont s'améliorer", a-t-il souligné. Selon le ministre Tchorzewski "le contrat Yamal ne correspondait pas depuis un certain temps aux conditions du marché et mettait les destinataires polonais de gaz dans une position moins favorable que celle des autres pays européens".
Le contrat Yamal prévoit les livraisons de 10 milliards de mètres cubes par an, la Pologne étant obligée d'en prendre au moins 8,7 milliards de mètres cubes. Il y a trois ans, la Pologne a engagé une procédure d'arbitrage contre Gazprom concernant le prix du gaz fourni dans le cadre de cet accord, et qui est indexé sur celui du pétrole, et reste plus élevé actuellement que celui du marché.
Pour s'affranchir de l'emprise russe dans le domaine de l'énergie, la Pologne a entrepris il y a plusieurs années une série d'investissements importants en construisant notamment pour 720 millions d'euros un terminal sur la Baltique d'une capacité annuelle de cinq milliards de m3, qui sera portée d'ici 2021 à 7,5 milliards de m3.
Baltic Pipe
Plusieurs contrats GNL à long terme ont été signés notamment avec des sociétés américaines ou venant du Qatar. Le PGNiG dispose également d'une vingtaine de concessions gazières en mer du Nord.
Pour livrer ce gaz à la Pologne, Varsovie a signé l'an dernier un accord avec le Danemark concernant la construction d'ici octobre 2022 de Baltic Pipe, un gazoduc sous-marin d'une capacité de transport annuel de 10 milliards de mètres cubes de gaz.
La Pologne, qui produit elle-même environ quatre milliards de mètres cubes de gaz par an, a construit plusieurs interconnexions avec les pays voisins ce qui lui permettra de devenir un acteur important en Europe centrale et réexporter du gaz vers d'autres pays.
Dans cette même optique, Varsovie s'oppose fermement au projet du gazoduc Nord Stream 2 acheminant du gaz russe vers l'Europe via la mer Baltique et contournant l'Ukraine et la Pologne. Elle le considère comme un moyen potentiel de "chantage politique" de la part de Moscou.