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Le géant pétrolier français TotalEnergies n'a pas encore démarré la production dans son projet contesté d'oléoduc en Afrique de l'Est mais les fragiles écosystèmes en Ouganda en souffrent déjà, avec des effets "dévastateurs" sur l'environnement, dénonce vendredi une activiste d'une ONG ougandaise.
Des effets « dévastateurs » selon Afiego
La région du lac Albert abrite des ressources pétrolières estimées à plus d'un milliard de barils que le géant pétrolier veut exploiter en partenariat notamment avec le groupe pétrolier chinois CNOOC à travers les projets Tilenga et EACOP (East African Crude Oil Pipeline).
Ce mégaprojet annoncé en 2022, d'un montant de 10 milliards de dollars d'investissements, prévoit 419 puits dans l'Ouest de l'Ouganda, dont un tiers dans le parc naturel des Murchison Falls, une importante réserve de biodiversité. Un oléoduc de 1 443 kilomètres est prévu pour transporter le pétrole depuis les gisements du lac Albert jusqu'au port de Tanga en Tanzanie.
TotalEnergies dit vouloir agir en toute "transparence sur les enjeux sociétaux et environnementaux". Mais un an après les premiers forages, avec une mise en production visée pour 2025, des défenseurs de l'environnement accusent le projet d'infliger des dégâts à l'écosystème fragile du parc.
Dans un rapport publié vendredi, l'organisation ougandaise Afiego (Africa Institute for Energy Governance) répertorie des dégâts déjà graves dans le parc des Murchison Falls. "Les effets sont dévastateurs", a expliqué à l'AFP à Genève la semaine dernière Diana Nabiruma, une représentante de l'Afiego.
Obtenir « justice »
Afiego - qui a reçu en 2022 le prix suédois Right Livelihood, souvent décrit comme un "prix Nobel alternatif" - fait partie des ONG qui ont lancé en juin 2023 une action civile devant le tribunal de Paris, demandant réparation pour divers préjudices dont des expropriations abusives, compensations insuffisantes ou harcèlement.
Selon le rapport, les vibrations des forages font fuir les éléphants vers les zones d'habitations à proximité du parc où ils endommagent les cultures et ont tué cinq personnes entre 2023 et avril 2024.
Les lampes installées sur les plateformes de forage, visibles à près de 14 kilomètres, perturbent des espèces nocturnes et menacées dont lions et léopards, avertit l'Afiego.
En Ouganda et en Tanzanie, quelque 120.00 personnes se trouvent déplacées et beaucoup "n'ont pas pu remplacer tout ou partie de leurs terres", a déclaré Mme Nabiruma à l'AFP. Elle espère "obtenir justice" avec cette plainte, toujours en cours.
"Tilenga et EACOP n'impliquent certainement pas de déplacer des centaines de milliers de personnes", réfute le géant pétrolier dans un courriel à l'AFP. Il évoque "775 ménages", soit "environ 5.000 personnes", qui seront "relogées à proximité et dans de meilleures conditions".
Ce chiffre "de 100 000" se rapporte à toutes les personnes propriétaires d'actifs sur le tracé de l'oléoduc, comme des champs et pâturages, qui en retrouveront l'usage après les travaux "dans la majorité des cas", explique TotalEnergies. Si les répercussions se sont vite fait ressentir au niveau des déplacements de population, les dégâts environnementaux ont mis plus de temps à apparaître, d'après Mme Nabiruma.
Canaliser les investissements vers les énergies renouvelables
Le rapport d'Afiego s'appuie sur des observations par satellite et des entretiens avec les communautés locales et experts de la biodiversité et observe notamment que la construction de routes pavées dans le parc augmente la circulation, et avec elle le risque de braconnage, accidents et pollution affectant des espèces menacées.
TotalEnergies assure avoir examiné attentivement l'impact sur l'environnement et mis en place des mesures d'atténuation. Des données ont été collectées dès 2013, entre autres sur les éléphants, en partenariat avec une organisation reconnue. "Aucun changement significatif" n'a été observé dans leurs mouvements, selon ces données, affirme le groupe.
Ce mégaprojet va apporter des "opportunités économiques à la population locale", avec "un gain net pour la biodiversité et les communautés", considère TotalEnergies.
Mme Nabiruma estime au contraire que "ces activités pétrolières endettent la population ougandaise pour toujours" et exhorte la France et les investisseurs à cesser de soutenir ce projet. "Les Ougandais ne devraient pas être affligés par une perte de biodiversité, avec de graves violations des droits humains et risques environnementaux, juste pour que d'autres pays puissent bénéficier de ce pétrole", défend-elle.
Elle appelle plutôt à canaliser les investissements vers les énergies renouvelables, mettant en avant l'énorme potentiel de l'Ouganda dans l'énergie solaire.