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Alors que les infrastructures énergétiques ukrainiennes sont la cible d'attaques répétées de Moscou, les quelques mines de charbon encore aux mains des Ukrainiens tournent autant que possible à plein régime, grâce à de nouvelles recrues qui ont fui l'est du pays occupé par les Russes.
"Beaucoup, beaucoup de ceux qui ont été contraints de quitter la zone occupée voulaient travailler pour nous", assure Oleg Bilousov, ingénieur en chef d'un groupement de mines dans la région centrale de Dnipropetrovsk. Selon lui, le tiers des 2 780 mineurs de son entreprise sont originaires du Donbass, région industrielle de l'est de l'Ukraine en partie occupée par les Russes.
Sur un site d'extraction de charbon en Ukraine, dont la société propriétaire a demandé à l'AFP de taire la localisation précise, un ascenseur en acier rouillé arrimé à un treuil massif plonge les mineurs à 180 mètres sous terre. Les ouvriers grimpent ensuite dans des wagons clos de métal qu'une locomotive électrique descend, à travers plus d'un kilomètre de galeries, à 370 mètres de profondeur où le charbon est extrait.
« Impossible de survivre »
Là des mineurs comme Artyom, 37 ans qui a fait ses études à Donetsk, aujourd'hui occupée par les Russes, évoque ce mélange de pression politique et économique qui a poussé nombre d'entre eux vers l'ouest.
Pour lui, la volonté de Vladimir Poutine de s'ériger en protecteur du Donbass est une plaisanterie. L'invasion de l'Ukraine le 24 février 2022 a été justifiée par Moscou notamment par une volonté défendre les "républiques" autoproclamées par les séparatistes prorusses à Lougansk et Donetsk dans le Donbass. "Tout ça n'est que mensonge", estime Artyom le visage marqué par la sueur et la poussière de charbon, alors qu'il travaille pour l'équipe de maintenance du matin.
Certains de ses amis ont fui en Russie, d'autres au contraire ont comme lui choisi la partie non occupée de l'Ukraine. Mais aucun ne travaille plus dans les mines de l'est du pays. "C'est impossible de survivre là-bas. Il n'y a littéralement aucun travail là-bas. Les conditions de vie sont vraiment très mauvaises. Ils ne sont pas payés du tout, ou ne perçoivent que très peu", raconte-t-il à l'AFP.
Malgré l'afflux de main d'œuvre venue de l'est, la mine manque encore de bras. "Beaucoup sont en train de se battre", poursuit Artyom. La mine bénéficie toutefois de l'arrivée d'une main œuvre féminine à des postes qui auraient auparavant été occupés uniquement par des hommes.
Avec ses deux enfants, sa mère et son mari, Vika, 36 ans, a fui Lysychansk dans la partie occupée par les Russes de la région de Lugansk. "Pouvez-vous imaginez nos souffrances, pour nous les gens qui viennent de là-bas, après la fermeture des mines. Où pouvons-nous travailler ? Après avoir perdu nos maisons, nous avons perdu nos emplois", confie cette ex-employée d'une épicerie aujourd'hui opératrice sur ascenseur, et responsable du transport.
Les employés comme Vika apprécient la constance du salaire, l'assurance santé qui vont de pair avec ce travail. "Ici je me sens bien, même si je ne parle pas ukrainien couramment. Ce n'est pas du tout un problème", assure la jeune femme en salopette de travail, casque sur la tête. "Bien sûr j'adorerais rentrer à la maison. Mais je n'ai plus de chez-moi. Il est détruit. J'espère que l'Ukraine va me permettre de rentrer chez moi et peut-être m'aider à reconstruire ma maison".
Depuis le début de la guerre, de nombreux civils ont quitté les zones occupées par la Russie à l'est de l'Ukraine, pour se réfugier dans des villes toujours contrôlées par Kiev. Des mines des zones occupées ou proches de la ligne de front ont fermé. Certaines ont été inondées lors des coupures d'électricité qui ont empêché leurs pompes à eau de fonctionner.
Travailler deux fois plus
Dans le centre de l'Ukraine, quand la guerre a pris de l'ampleur, "beaucoup de mineurs de cette région se sont enrôlés volontairement", explique M. Bilousov. Les mineurs qui sont restés en poste ont dû travailler deux fois plus. "Cela a été une période difficile pour l'entreprise et pour le pays", explique M. Bilousov. A quatre reprises l'an passé des ouvriers au fond de la mine lors de coupures de courant ont dû être évacués, raconte-t-il.
Des 89 mines de charbon que comptait l'Ukraine au moment de son indépendance à la chute de l'Union soviétique, 71 se trouvent dans le Donbass. Les mines contrôlées par Kiev alimentent 30% du réseau ukrainien. Elles sont gérées par DTEK, la plus important acteur privé du secteur de l'énergie en Ukraine.
Selon Kiev, depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, 50% des infrastructures énergétiques ukrainiennes ont subi des attaques. À partir d'octobre Moscou a attaqué ces sites, plongeant à de multiples reprises la population dans le froid et le noir.