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"Mon principal congélateur est endommagé, mes produits se gâtent tous les jours et mes pertes sont énormes depuis les coupures de courant", se lamente Afiwa Nadou, responsable d'une boutique de produits surgelés au marché du quartier de Bè, à Lomé, la capitale togolaise.
« Personne ne nous dit clairement ce qui se passe »
Les Togolais font face depuis plusieurs semaines à des coupures intempestives de courant et la situation s'est empirée début mai avec certains quartiers de la capitale parfois privés d'électricité toute la journée.
"Personne ne nous dit clairement ce qui se passe. On nous coupe l'électricité pendant des heures", se plaint Nadège Ediyo, revendeuse de produits cosmétiques assise à l'entrée de son commerce plongé dans le noir. "Je suis en colère, car la situation devient de plus en plus insupportable", renchérit-elle.
"C'est un véritable calvaire. Mes recettes journalières ont considérablement baissé. J'encaisse entre 3 000 et 5 000 francs CFA (4,57 et 7,62 euros), la situation nous étouffe", se plaint Jean Digla, responsable d'un salon de coiffure à Lomé qui assure gagner trois fois moins qu'avant la crise électrique.
Kofidjin Amouzou, grossiste de produits surgelés dans le centre-ville de Lomé, a dû jeter une quantité de poissons avariés, estimée à environ 300 000 francs CFA (457,35 euros) parce que le moteur de son congélateur s'est arrêté "suite aux coupures de courant".
Des difficultés d'approvisionnement en gaz naturel
Face à la grogne montante de la population, la société électrique nationale, la Compagnie énergie électrique du Togo (CEET), a rompu le silence le 17 mai à travers un communiqué abondamment relayé par les médias d'Etat.
Le "déficit en approvisionnement s'est accentué depuis le début du mois de mai, suite aux difficultés en approvisionnement en gaz naturel au plan national ayant entraîné des restrictions de nos fournisseurs externes", explique la CEET.
En fait, le Nigeria, qui souffre de délestages fréquents, a réduit ses approvisionnement au Togo, au Niger et au Bénin depuis le 1er mai pour une durée de 6 mois.
Les conséquences se sont immédiatement faites sentir au Togo, qui importe une grande partie de son électricité depuis le Nigeria et qui cumule plusieurs millions de dollars de dettes envers l'opérateur électrique nigérian, selon les comptes publiés par ce-dernier.
La ministre de l'énergie, Mila Aziablé, a affirmé samedi lors d'une conférence de presse que ces dettes n'étaient pas la cause de la diminution de l'approvisionnement électrique: "si l'endettement était la cause de cette situation, les importations d'électricité ne serait pas réduites, mais totalement interrompues".
Selon elle, les "maintenances" de centrales au Ghana ainsi que des "travaux d'envergure sur les infrastructures de transports du gaz au Nigeria" sont à blâmer pour le "manque de gaz et d'électricité" au Togo mais aussi au Bénin, au Ghana et au Nigeria.
Système D
Face à cette situation, certains commerçants ont opté pour les groupes électrogènes.
A Tokoin Ramco, où se tient un petit marché dédié à ce type d'appareils, l'activité est "florissante ces derniers jours", se réjouit Ahmed Abou.
"Nos chiffres d'affaires ont grimpé, l'affluence est forte", ajoute-t-il.
Selon lui, le prix d'un groupe électrogène varie entre 40.000 et 800.000 francs CFA (60,98 et 1.219,60 euros).
Les tenants des magasins spécialisés dans la location et la réparation de ces groupes électrogènes se frottent aussi les mains.
"Cette situation désastreuse n'est que la conséquence directe d'une gestion calamiteuse et hasardeuse des ressources de l'État", critique Pasteur Edoh Komi, président du Mouvement Martin Luther King (MMLK), une organisation de la société civile très active au Togo.
"L'Etat doit prendre des mesures idoines pour éviter que cette crise ne perdure", avertit Emmanuel Sogadji, président de la Ligue des consommateurs du Togo (LCT).
Cette crise électrique intervient alors que le pays connaît une vive agitation politique depuis l'adoption contestée d'une nouvelle Constitution en avril qui donne la possibilité au président Faure Gnassingbé de se prolonger à la tête de l'Etat.