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Un groupe d'ONG tacle la place financière française, qui s'est engagée en juillet à fournir un calendrier de sortie du financement des activités charbon mais serait encore loin du compte, peu avant la réunion internationale sur le climat (COP25) en Espagne.
"Sortie du charbon : la finance française en ordre de marche?" s'interrogent l'ONG française Les Amis de la Terre, la néerlandaise BankTrack et l'initiative Unfriend Coal visant le secteur de l'assurance, dans un rapport publié jeudi.
La route reste longue, selon ces associations, qui rappellent l'engagement pris le 2 juillet par la place française -alors regroupée sous la bannière de Paris Europlace, leur association de lobbying- de fournir d'ici à mi-2020 un calendrier de désengagement du charbon.
S'il est appliqué, cet engagement pourrait provoquer "un puissant effet d'entraînement" à l'international, estiment les auteurs du rapport. En même temps, ils disent s'attendre à ce que de nombreux plans de sortie formulés au niveau des différentes entreprises ne soient, eux, pas alignés avec l'objectif de limitation du réchauffement climatique à 1,5°C maximum, fixé par l'accord de Paris sur le climat en 2015.
En cause, le caractère "non contraignant" de cet engagement mais aussi, selon les ONG, un "processus d'évaluation truqué" des plans de sortie du charbon de ces mêmes acteurs, qui devront dès l'exercice 2020 les soumettre à leurs régulateurs, l'Autorité des marchés financiers (AMF) ou l'Autorité de contrôle prudentielle et de résolution (ACPR).
Ces deux autorités seront appuyées dans leurs analyses par des commissions montrant "de lourds conflits d'intérêts", estiment-elles, "plus d'un quart de leurs membres (étant) des représentants d'acteurs financiers" comme BNP Paribas, Amundi, Axa ou Natixis.
Or, plusieurs grands groupes français présentent des incohérences dans l'application de leurs engagements, constatent les associations militantes. La raison? "Désinvestir du charbon ne coûte rien voire est rentable alors qu'arrêter de financer ou assurer un client, qui plus est si ses activités sont diversifiées, revient à (le) perdre" ou à renoncer à des parts de marché, affirment-elles.
Incohérence des engagements
À partir de données financières fournies par l'association de recherche néerlandaise Profundo, les ONG désignent le groupe bancaire BNP Paribas comme "le plus gros financeur français des entreprises" développant de nouvelles centrales à charbon, "avec pas moins de 2,2 milliards (d'euros) de financements accordés à ces entreprises rien qu'en 2019".
Dans l'assurance, Axa, malgré une politique de désinvestissement du charbon plus poussée, propose des couvertures d'assurance à des entreprises impliquées dans des projets charbon, déplorent les militants, citant comme exemple Adani Mining, la filiale australienne du conglomérat indien Adani, responsable du très contesté méga-projet de mine Carmichael en Australie.
Les banques Société Générale et Natixis, elles, sont pointées du doigt pour leurs stratégies charbon ne permettant pas de sortir du secteur "dans les temps impartis par la science climatique".
Les ONG évoquent aussi le cas du Crédit Agricole, considéré comme précurseur avec un objectif ambitieux de sortie du charbon : d'ici à 2030 pour les pays de l'UE et de l'OCDE, 2040 pour la Chine et 2050 pour le reste du monde. Elles lui demandent désormais la déclinaison pour chaque branche de métier (financement, gestion d'actifs et assurance).
Enfin, le rapport égratigne des acteurs sans politique charbon n'ayant "aucune image à défendre auprès du grand public" comme Comgest ou Rothschild & co.
En guise de solutions, les ONG incitent les acteurs financiers français à "annoncer l'exclusion immédiate des 417 entreprises qui développent de nouveaux projets charbon et une stratégie permettant au plus tard une sortie du charbon d'ici 2030 dans les pays de l'UE et de l'OCDE et d'ici 2040 ailleurs".
Ces deux demandes font partie de leurs "dix règles pour sortir du charbon".
Parmi celles-ci, le secteur financier est aussi invité à ne plus soutenir directement "des projets, nouveaux ou existants, de mines, centrales et infrastructures charbon", et à prendre des mesures contraignantes, comme la suspension de fourniture de services financiers, envers des clients impliqués dans le charbon afin de les amener à cesser leurs activités dans ce secteur.