- AFP
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"Bon pour le climat et la biodiversité", "mauvais pour l'économie du pays, qui va rester pauvre": le retrait de TotalEnergies de deux projets d'exploitation de champs gaziers en Afrique du Sud, annoncé lundi, suscite des réactions opposées chez les défenseurs de l'environnement et les analystes du secteur pétrolier.
Mais tous s'accordent sur le fait que la décision du géant français des hydrocarbures de tirer un trait sur des champs gaziers prometteurs en haute mer est hautement symbolique pour l'avenir de l'ensemble du secteur pétrogazier et la transition énergétique en cours.
TotalEnergies se retire du bloc d'exploration 11B/12B situé au large de la côte sud de l'Afrique du Sud, où deux découvertes importantes de gaz avaient été faites, une à Brulpadda et une à Luiperd, à 175 kilomètres des côtes.
"TotalEnergies a également décidé de se retirer du bloc d'exploration offshore 5/6/7", dans lequel sa filiale TotalEnergies EP South Africa "détient une participation de 40%", a ajouté lundi le groupe dans un communiqué.
La major française a invoqué les "difficultés rencontrées pour développer et valoriser" deux découvertes de gaz qui y ont été faites "sur le marché sud-africain" pour justifier ses renoncements.
Ces décisions sont "un coup pour l'Afrique du Sud, qui prévoyait d'utiliser ce gaz pour produire plus d'électricité" et réduire sa dépendance au charbon, écrit le site spécialisé Moneyweb.
- Migration de baleines -
"L'Afrique du Sud a perdu sa capacité de monétiser son gaz, et restera un pays pauvre", estime de son côté Thierry Bros, analyste indépendant pétrole et gaz. Selon lui, TotalEnergies risquait de ne pas valoriser son lourd investissement au vu des difficultés techniques et financières qu'il a rencontrées.
Les analystes citent en particulier l'impossibilité de se mettre d'accord sur un prix du gaz entre TotalEnergies et la compagnie nationale de pétrole et gaz PetroSA.
En Bourse, la décision n'a pas eu d'impact. Le titre a terminé en recul de 0,63% lundi, à 61,74 euros, une baisse moins forte que celle du marché (-0,98%).
De fait, depuis Magellan, au large de l'Afrique du Sud, tous les marins décrivent les violents courants marins et les conditions météorologiques difficiles. Une exploitation pétrolière ou gazières nécessiterait des investissements exceptionnels.
Le bloc 11B/12B couvre une superficie de 19.000 km2, avec des profondeurs d'eau comprises entre 200 et 1.800 mètres. TotalEnergies y détient via sa filiale TotalEnergies EP South Africa une participation de 45%, aux côtés de Qatar Petroleum (25%), CNR International (20%) et du consortium sud-africain Main Street 1549 (10%).
Le projet d'exploiter le champs gazier de Brulpadda avait déclenché en octobre 2022 l'ire d'ONG environnementales. L'association Bloom et l'ONG sud-africaine The Green Connection avaient notamment dénoncé des "opérations de forage en eaux profondes sud-africaines" susceptibles de menacer les "petits pêcheurs et une biodiversité spectaculaire".
Cette zone est un lieu très important pour la migration et la reproduction des mammifères marins comme les baleines et autres cétacés.
- Entrée de Gazprom -
CNR International (20%) a annoncé début juillet se retirer du champ 11B/12B. Outre TotalEnergies, Qatar Petroleum (25%) a aussi annoncé lundi son retrait.
En vertu de l'accord qui liait les quatre partenaires, "les parties qui se retirent cèdent gratuitement leur participation à chacun des partenaires qui ne se retirent pas", a précisé la pétrolière canadienne Africa Energy corp, qui elle n'a "pas l'intention de se retirer" et devrait donc à terme "détenir une participation de 100% dans le bloc 11B/12B".
Pour l'ONG Bloom, le retrait de TotalEnergies est "bon pour le climat et la biodiversité".
Il s'agit d'une "victoire", aussi bien de la mobilisation citoyenne en France et en Afrique du Sud, "qui a dénoncé ce projet très en amont", que pour des raisons "purement économiques et géopolitiques", fait valoir Swann Bommier de Bloom.
"Le gisement 11B/12B représentait sur la durée de son exploitation des émissions de 336 millions de tonnes de CO2, soit autant que tout ce que l'Afrique du Sud émet en une année", précise-t-il.
"TotalEnergies était un pionnier pour l'exploitation pétrolière au large de l'Afrique du Sud, et toute l'industrie occidentale attendait de voir ce qu'ils allaient faire. Leur renoncement est un tournant fort", ajoute-t-il.
Autre élément important selon lui, l'entrée de Gazprom dans le jeu lors de l'annonce en décembre 2023 par le ministre de l'Energie sud-africain de l'attribution au groupe russe du chantier de remise en service de la principale centrale au gaz du pays.
"En raison des sanctions internationales contre la Russie, TotalEnergies ne pouvait pas prendre le risque en tant que fournisseur de gaz d'entrer en affaires avec Gazprom", a estimé M. Bommier.
Mais le groupe français dispose de quatre autres permis d'exploration en offshore profond dans le pays, dont un acquis "depuis peu" dans le bloc 3B/4B, avertit-il.
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