Primes vertes trop coûteuses: les déficits de l'Italie dérapent

  • Connaissance des Énergies avec AFP
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Un dispositif d'incitations fiscales très généreux, censé rendre les habitations moins énergivores, a fait déraper les déficits publics de l'Italie, deuxième pays le plus endetté de la zone euro derrière la Grèce.

Les déficits des trois dernières années ont été nettement revus à la hausse, pour tenir compte des crédits d'impôt coûteux accordés dans le cadre des aides à la rénovation énergétique, a annoncé mercredi l'Institut national des statistiques (Istat).

Le déficit public est passé ainsi à 8% du produit intérieur brut (PIB) en 2022, alors que le gouvernement de Giorgia Meloni comptait le ramener à 5,6%. Le déficit de 2021 a été corrigé à 9%, contre 7,2% auparavant.

Le déficit de 2020 a été, lui, relevé dans une moindre mesure, passant de 9,5% à 9,7%.

Le gouvernement italien a dû se plier à une nouvelle réglementation d'Eurostat sur les crédits d'impôt publiée à la mi-février.

Ces crédits d'impôt doivent désormais être comptabilisés dans les budgets des Etats au moment où ils sont accordés et non plus quand ils auront un impact réel sur les recettes fiscales.

- Succès du "superbonus" -

Un dispositif baptisé "superbonus", destiné aux travaux allant de l'isolation thermique aux panneaux solaires en passant par le remplacement des fenêtres, a été lancé en mai 2020 pour stimuler l'économie italienne après la récession engendrée par la pandémie de coronavirus.

Les ménages italiens se sont rués sur ce mécanisme à travers lequel l'Etat prenait en charge 110% du coût des interventions par le biais de crédits d'impôt ou d'allègements fiscaux.

Victime de son succès, le "superbonus" a coûté jusqu'ici 61,2 milliards d'euros aux caisses de l'Etat. Si l'on y ajoute d'autres primes à la construction, ce montant atteint même 110 milliards d'euros, soit environ 6% du PIB.

Or, les estimations budgétaires avaient tablé sur un coût total de 72,3 milliards d'euros, d'où un trou de 37,7 milliards d'euros qui est à l'origine du dérapage des déficits.

Dans le budget 2023, le gouvernement Meloni avait déjà limité les subventions, en réduisant le superbonus de 110% à 90% et en le soumettant à des conditions de ressources.

Et à la mi-février, il a mis soudainement un terme à la cession des crédits d'impôt, qui ne seront donc plus négociables et ne pourront plus être encaissés.

Auparavant, les propriétaires pouvaient céder ces crédits d'impôt à leurs entreprises de construction, qui les revendaient à une banque, laquelle récupérait ensuite l'argent auprès de l'Etat.

"Nous assainissons une situation hors de contrôle, sinon nous n'aurions pas eu de fonds pour le budget", a fait valoir récemment la Première ministre Giorgia Meloni.

- Effet limité en 2023 -

Son ministre de l'Economie, Giancarlo Giorgetti, est allé encore plus loin en qualifiant de "vicieux" le programme du "superbonus", introduit par l'ancien gouvernement de Giuseppe Conte du Mouvement Cinq étoiles, un parti "anti-système".

Pour 2023, les effets sur le déficit, prévu à 4,5% du PIB, devraient être "limités", dans la mesure où le "superbonus" a été revu à la baisse, ont indiqué à l'AFP des sources gouvernementales.

Le déficit devrait aussi profiter d'une croissance économique meilleure que prévu, qui pourrait atteindre 1% cette année, un taux supérieur à l'objectif de 0,6% fixé par le gouvernement.

La croissance de l'Italie s'est élevée à 3,7% en 2022, après avoir atteint 7% en 2021, un taux inédit depuis plus de 40 ans.

La révision des déficits n'aggravera cependant pas l'énorme dette de la péninsule. Le ratio de la dette publique devrait sensiblement baisser en 2023, à 144,6% du PIB, contre 150,3% en 2021, prévoit le gouvernement.

- "Finances publiques vulnérables" -

Pour Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien, ce dérapage budgétaire "rappelle aux investisseurs la vulnérabilité des finances publiques italiennes". Il juge cependant que son "effet devrait être globalement neutre à moyen terme".

Le gouvernement Conte qui a lancé le "superbonus" a été "très imprudent du point de vue budgétaire", a commenté à l'AFP Nicola Nobile du cabinet Oxford Economics.

Le gouvernement Meloni a raboté le dispositif pour "éviter que les déficits explosent en 2023", a-t-il poursuivi.

Cependant, cette dérive budgétaire "ne devrait pas avoir un grand impact sur les marchés financiers" et "ne devrait pas provoquer des problèmes de liquidités de l'Italie", estime cet économiste.

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