Pour les terres agricoles et le climat, le biochar est la nouvelle star des investisseurs

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Il régénère les sols épuisés par l'agriculture intensive, retient l'eau et piège le CO2 tel un "puits de carbone": le biochar, charbon produit à partir de résidus végétaux de haute qualité, suscite l'intérêt des scientifiques et l'appétit grandissant des industriels.

Depuis quinze ans, Roger Chabot, vigneron dans la région de Cognac, enfouit au pied de ses arbres ces granulés noirâtres, issus de la transformation à très haute température de feuilles de maïs ou de troncs d'arbres.

Sur ses parcelles, la vigne est devenue plus vigoureuse, avec "un meilleur taux de chlorophylle et une résistance accrue à l'esca", un champignon à l'origine d'une maladie du bois, explique-t-il.

Utilisé dans les vignes, les forêts et les grandes cultures, le biochar ("bio" pour végétal, "char" pour charbon) possède de nombreuses vertus agronomiques: avec sa structure poreuse et ses micro-cavités, il absorbe l'eau et les nutriments comme une éponge.

Son efficacité varie selon les sols, mais il peut redonner de la vie aux plus abîmés, en les aérant et développant la vie microbienne, ce qui améliore la fertilité et permet d'épandre moins d'engrais.

Mais outre ces avantages agricoles, le biochar est une "technologie à émissions négatives" ou "puits de carbone", citée par les experts climat de l'ONU (Giec): il permet de séquestrer le carbone et le stocker pendant des centaines d'années.

500 degrés

En se décomposant, les végétaux rejettent sous forme de CO2 le carbone emmagasiné lors de la photosynthèse. Sauf s'il est transformé en biochar : ce dernier est piégé dans la matière organique au lieu d'être relâché dans l'atmosphère, détaille Carine Coat, ingénieure chez Sylva Fertilis.

Cette société française a inauguré en 2018 une usine dédiée à sa production à Argentan, en Normandie, avec une capacité qui atteindra 800 tonnes cette année. Dans son imposant four à pyrolyse, quatre tonnes de résidus forestiers et agricoles deviennent une tonne de biochar. Cette combustion à environ 500 degrés et sans oxygène carbonise la biomasse sans la brûler, et délivre du charbon sous forme de petits grains ou paillettes.

"Une tonne de biochar permet de séquestrer 2,5 à 3 tonnes équivalent CO2", explique Claire Chastrusse, fondatrice de Carbonloop, autre start-up du biochar.

De la forêt de Minta, au Cameroun à celle de Fontainebleau en France, projets et sites de production se multiplient. Mais reste un obstacle majeur à son développement: son coût de production.

"C'est une solution merveilleuse en théorie, mais qui a du mal à se déployer depuis 15 ans", souligne l'un des fondateurs de la start-up française NetZero, Axel Reinaud.

Le biochar "n'a pas encore tout à fait trouvé son modèle économique", abonde Cyril Girardin, doctorant en sciences du sol à l'institut de recherche Inrae.

Crédits carbone

Selon les industriels, le biochar se vend près de 800 euros la tonne en Europe. Un investissement lourd pour les agriculteurs, qui doivent utiliser quelques centaines de kilos à l'hectare pour bénéficier de ses effets.

Pour y remédier, NetZero parie sur une production à grande échelle en zones tropicales, comme au Brésil, où elle inaugure jeudi une usine. Sur ces terres, la biomasse est abondante, bon marché, peu valorisée, et le biochar est bénéfique pour des sols stériles, dégradés par la déforestation.

Par ailleurs, son développement n'aurait pas pu s'accélérer sans la vente des crédits carbone à des entreprises qui veulent "compenser" leurs émissions, un marché en croissance exponentielle mais critiqué pour des méthodologies non standardisées.

Fin 2022, le groupement des producteurs et industriels européens (European Biochar Industry) recensait 130 projets, principalement en Allemagne et dans les pays nordiques, avec une capacité de 53 000 tonnes - encore une goutte d'eau comparé au marché nord-américain.

Pour faire baisser les coûts, Carbonloop veut adosser la production de biochar à la production d'énergie pour des sites industriels. Car la transformation de la biomasse par la pyrolyse permet aussi d'obtenir du biogaz.

Renouvelable et neutre en carbone, il peut être transformé en électricité et en chaleur, et chauffer les fours d'une verrerie, d'une usine... ou auto-alimenter le pyrolyseur.

"Ca peut paraître un peu idéaliste, le côté circulaire... mais la force du modèle, c'est qu'on peut améliorer l'agriculture de manière significative, tout en la décarbonant massivement", défend Axel Reinaud.

Commentaires

Claude Mandil
Quelqu'un peut il me dire quelle est la quantité de CO2 émise pendant l'opération de pyrolyse, par exemple au gaz? Cette question n'a rien d'ironique, je voudrais juste comprendre.
Grégoire Couplet
Combien de puits de carbone vont être renvoyés à l'atmosphère pour faire ça? Je veux parler des forêts. Il faut arrêter de croire ou de faire croire que bruler les forêt est bon pour le bilan carbone alors qu'il faudra au moins un siècle pour retrouver la même quantité de carbone séquestré sur un terrain qui aura été déboisé.
Benoist Allard
Il ne s'agit pas de couper des forêts pour produire du biochar, car il est évident que le bilan carbone serait alors désastreux. Il s'agit de récupérer les résidus de bois aujourd'hui non valorisés ou valorisés en combustion (énergie + CO2 relâché dans l'atmosphère) pour en faire du biochar via pyrolyse (énergie + stockage du C02).
Grégoire Couplet
Cela fait un bon moment qu'il n'existe plus de déchets de bois à valoriser. Le bois énergie est de plus en plus consommé en Europe sous prétexte d'une étiquette verte. Tout est en train d'être coupé en prétextant souvent que ce sont des déchets. Bientôt, on coupera un arbre pour en extraire une allumette en expliquant que tout le reste est du déchet pour justifier une pseudo valorisation. De plus il faut laisser une partie du bois au sol et dans le sol pour produire et préserver son humus qui est aussi un réservoir à carbone. Au lieu de ca, on récupère absolument tout, jusqu'à la moindre racine. Ensuite, il ne reste plus qu'un sol complètement nu, déstructuré et presque stérile.
Pierre 29
Bon, c'est du charbon de bois, quoi ! Les Incas connaissaient déjà la technique pour améliorer leurs terres...Mais avec un nom anglais c'est nouveau et ça marche mieux.
Karel HUBERT
La production de biochar co-produit du syngaz et non pas du biogaz! Le syngaz est composé de monoxyde de carbone (CO) et d'hydrogène (H2) alors que le biogaz est un mélange de biométhane (CH4) et de CO2 biogénique issus de la méthanisation notamment.
charly
Juste une question : combien de KWh pour le four à pyrolyse ? Renouvelables ou non, ça change tout...
M
J'appuie tous les commentaires précédents. La balance carbone de ce procédé est éminemment questionnable, sinon suspecte. Connaissance des Energies se doit d'expliciter correctement le procédé, ou ne pas publier. Ici, on sent bien que c'est un "copier-coller" des infos de lobbyistes...
jmfischer
Avec un peu de bonne volonté vous pouvez aussi vous renseigner par vous-même. Mais voila je vous ais mâché le travail. Je suis allé sur le site de www.terrafertilis.com mais n’y aillant pas trouvé beaucoup d’informations sur le procédé, je leur ais laissé un message et ils mon promptement répondus. Voici la réponse : Nous vous remercions pour votre mail et vos observations. Vous avez dû trouver effectivement peu de renseignement sur notre process et notre entreprise car nous présentons actuellement, uniquement le site marchand et marketing. Nous travaillons à la construction d’une interface qui présentera qui nous sommes, ce que nous faisons, ainsi que notre process vertueux. En attendant, je vous invite à consulter cet article / podcast qui présente plus en détail notre process et notre biochar. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/demain-l-eco/terra-fertilis-le-biochar-pour-lutter-contre-l-epuisement-des-sols-et-la-secheresse-4750470
M
Après revue des infos fournies et disponibles sur internet: - On parle bien de charbon de bois. Le nom biochar risque (volontairement ?) de le faire oublier - Les infos de Connaissance des Energies proviennent donc bien des producteurs-lobbyistes et non de sources indépendantes - La valeur d'engrais du charbon de bois est incontestable et n'est plus à démontrer. Elle est connue depuis des temps immémoriaux... - Mais la balance carbone est éminemment questionnable, sinon contestable, sinon très mauvaise par rapport à d'autres utilisations de la matière organique considérée. Donc l'intérêt de cette voie reste totalement à démontrer...
M
Ceux qui émettent ou diffusent des infos vantant le biochar, bien sûr... Mais apparemment ce n'est pas leur/votre intention ?

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