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Plus de 500 universitaires et scientifiques de France ont signé un appel visant à "refuser tout nouveau programme nucléaire", mettant en garde contre les dangers de cette énergie et remettant en cause sa pertinence pour limiter le changement climatique. Plus de 500 autres ont rejoint l'appel par la suite.
Cet appel, publié par le média écologiste Reporterre, intervient alors que le gouvernement a décidé de relancer cette industrie et de construire dans les prochaines années six réacteurs EPR2 de nouvelle génération, avec une option pour huit supplémentaires.
"La raréfaction de l'eau douce et la réduction du débit des fleuves (...), tout autant que les risques de submersion des zones côtières dus à l'élévation du niveau des océans et à la multiplication d'événements climatiques extrêmes vont rendre très problématique l'exploitation des installations nucléaires", souligne notamment cet appel.
Le refroidissement des centrales nucléaires est la troisième activité consommatrice d'eau en France (12%), derrière l'agriculture et la consommation d'eau potable, selon des données du ministère de la Transition écologique.
En outre, "miser sur de nouveaux réacteurs dont le premier serait au mieux mis en service en 2037 ne permettra en rien de réduire dès aujourd'hui et drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, comme l'urgence climatique l'exige", souligne le texte, qui reprend un argument souvent brandi par les contempteurs de l'atome.
À l'inverse, les partisans du nucléaire y voient un moyen de préserver la souveraineté énergétique du pays tout en réduisant la consommation d'énergies fossiles et donc également les émissions de CO2 qui réchauffent le climat.
Parmi les signataires, des chercheurs et scientifiques, en activité ou émérites, en physique nucléaire, agronomie, mathématiques ou sciences humaines, du CNRS, de l'Inserm, de l'Inrae, entre autres, comme Jacques Testart, père scientifique du premier bébé-éprouvette français, ou l'économiste Geniève Azam, mais aussi deux anciens leaders de l'écologie politique comme Noël Mamère et Yves Cochet.
Cet appel revendique sa filiation avec "l'appel des 400", une tribune signée par 400 scientifiques en février 1975 dans le journal Le Monde, qui invitaient la population à refuser l'installation des centrales nucléaires, compte tenu des inconnues d'alors sur les risques et conséquences.
Au-delà des accidents qui ont eu lieu depuis dans le monde (Three Mile Island, Tchernobyl, Fukushima), les signataires mettent aussi en garde sur la question des déchets, une problématique que vont "aggraver" le démantèlement et la dépollution des centrales en fin de vie. Enfin, les auteurs soulignent que l'électricité nucléaire est "indissociable d'un modèle économique basé sur le productivisme et le gaspillage, qui doit prioritairement être revu".
« Déni de démocratie »
S'il ne nie pas la nécessité de réduire urgemment les émissions de gaz à effet de serre face au désastre climatique, Bernard Laponche, physicien nucléaire et déjà signataire de l'appel de 1974, s'interroge : par rapport aux énergies renouvelables comme l'éolien ou le photovoltaïque, "pourquoi choisir la solution la plus polluante, la plus dangereuse du point de vue des accidents et la plus chère ?".
Dans les années 70, observe-t-il, la possibilité de réduire la consommation d'énergie et de développer les renouvelables "moins dangereuses, plutôt plus favorables sur la question climatique et beaucoup moins chères" n'avait pas encore gagné les esprits, remarque-t-il.
"Pour respecter l'accord de Paris" de la COP21 conclu en 2015 et réduire de 55% les émissions de CO2 par rapport à 1990 d'ici à 2030, comme s'y est engagée l'UE, Jean-Marie Brom, physicien du nucléaire et directeur de recherche émérite au CNRS, estime que "la construction de six EPR2", qui ne pourront produire de l'électricité "au mieux qu'en 2037-2040, ne sera d'aucun secours".
Pendant une heure, les opposants, pour la plupart des "anti" historiques, qui craignent parfois d'être moqués pour leurs tempes grisonnantes, ont également énuméré les dangers que représentent les déchets nucléaires, les risques d'accident et le coût financier. Ils ont rappelé que l'EPR de Flamanville accuse 12 ans de retard et a vu son budget exploser par rapport à l'enveloppe initiale.
A l'inverse, les partisans du nucléaire, à commencer par le gouvernement, y voient un moyen de préserver la souveraineté énergétique de la France tout en réduisant la consommation d'énergies fossiles et les émissions de CO2.
Au-delà des reproches traditionnels faits au nucléaire, quelques opposants à l'atome ralliés à la cause plus récemment, comme Jeanne Mermet, jeune activiste qui se présente comme "ingénieure déserteuse", pointent un "déni de démocratie flagrant", s'agissant de la politique énergétique du pays.
Le choix de relancer le nucléaire "doit être concerté et débattu, pas seulement sous ses aspects techniques par un petit nombre d'experts, mais dans toutes ses composantes (écologiques, sociales, économiques), avec l'ensemble de la société, en s'appuyant sur les savoirs de la communauté scientifique et dans la prise en compte de la justice sociale et climatique", a-t-elle plaidé.