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"Nous ne pouvons pas passer deux ou trois heures dans des files d'attente quand nous avons des patients à voir" : face aux pénuries de carburants au Royaume-Uni, médecins et autres travailleurs essentiels pressent mardi le gouvernement d'agir pour leur permettre de se ravitailler.
De longues files d'attente se sont formées ces derniers jours devant les stations-service du pays. Les automobilistes, souvent sur les nerfs, s'y sont rués après l'annonce par certains distributeurs de la fermeture de points de vente en raison du manque de chauffeurs routiers disponibles pour acheminer les carburants.
Cette situation exceptionnelle, dernière conséquence en date des pénuries de main d'œuvre causées par la pandémie et le Brexit, a poussé le gouvernement à demander lundi soir à l'armée de se tenir prête à intervenir "si nécessaire pour stabiliser l'approvisionnement en carburant".
David Brown, président de la National Courier and Despatch Association, qui représente des sociétés indépendantes de livraison, a expliqué à l'AFP ne pas constater l'apaisement espéré après plusieurs jours de tensions. "Mes chauffeurs ont des difficultés à trouver du carburant", a-t-il raconté à propos de sa propre société de livraison, qui a dû refuser certaines demandes. "Ma flotte est réduite, il est très difficile de prévoir si nous pouvons effectuer les trajets".
Les organisations de médecins, d'infirmiers ou encore de personnel pénitentiaire souhaitent que les travailleurs essentiels aient un accès prioritaire aux stations-service, dont beaucoup sont à sec. "Si nous n'avons pas assez de carburant, cela affectera nos patients", a plaidé mardi sur SkyNews le vice-président de la British Medical Association, David Wrigley. Il a expliqué que les médecins ne pouvaient perdre "deux ou trois heures" à patienter devant les stations-service alors qu'ils avaient des malades à soigner.
Certaines écoles envisagent de repasser en enseignement à distance si le problème persiste. "Pour de nombreux enseignants, l'utilisation des transports en commun n'est tout simplement pas une option", a expliqué Patrick Roach, secrétaire général du syndicat des enseignants NASUWT, plaidant lui aussi pour que les professeurs aient un accès prioritaire aux réserves d'essence.
Armée prête
Le gouvernement doit "se ressaisir" face à la crise du carburant et utiliser les pouvoirs d'urgence pour réserver l'usage de certaines stations-service aux travailleurs essentiels, a exigé Unison, importante organisation du secteur public du pays.
Face à la crise, le gouvernement a appelé les chauffeurs de l'armée à se préparer à livrer, si nécessaire, du carburant aux stations-services. Ils recevront une formation spécialisée avant d'être déployés.
Toutefois, le ministre des Transports Grant Shapps s'est voulu rassurant, affirmant que les "achats mus par la panique" étaient en train de se "modérer". "Les gens ont répondu à l'appel de ne faire le plein que lorsqu'ils ont réellement besoin de carburant et, de toute façon, leurs voitures sont désormais davantage pleines", a indiqué M. Shapps dans un communiqué lundi soir.
Pour tenter de résoudre les difficultés de recrutement, le gouvernement avait déjà annoncé assouplir temporairement les règles en matière de visas afin d'attirer davantage de chauffeurs routiers étrangers. Le manque de chauffeurs, estimé à 100 000, dure depuis plusieurs mois à cause de la pandémie et du Brexit combinés, le parti travailliste accusant le gouvernement conservateur de Boris Johnson de s'être "endormi au volant" et ne pas être intervenu assez tôt.
Les problèmes de livraison touchent aussi les rayons des supermarchés, les fast-foods, les pubs, entre autres, qui déplorent des retards de livraisons et stocks épuisés sur certains produits. Pour Nick Thomas-Symonds, député du Labour, la crise liée au carburant est due à "l'incompétence totale" du gouvernement et à sa "gestion du Brexit".
Olaf Scholz, le ministre allemand des Finances et potentiel prochain chancelier, a lui aussi pointé la responsabilité du Brexit dans la crise actuelle. "Nous avons travaillé dur pour convaincre les Britanniques de ne pas quitter l'Union européenne", a déclaré M. Scholz lundi, mais "maintenant qu'ils ont décidé de le faire, j'espère qu'ils pourront gérer les problèmes qui en découlent".