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L'ascenseur s'enfonce à un kilomètre de profondeur sous la ville de Salzgitter, dans l'ouest de l'Allemagne, jusqu'à un cimetière nucléaire, immense mais encore insuffisant pour abriter tous les déchets radioactifs du pays.
2074 pour approuver un endroit adapté
Après une descente en cinq minutes chrono, les visiteurs, casque vissé sur la tête, explorent en voiture le vaste complexe de tunnels jusqu'à une salle bétonnée haute de quinze mètres. C'est dans cette ancienne mine de fer que des déchets seront entreposés pour l'éternité, "afin d'éviter que les substances radioactives s'échappent à l'air libre", explique à l'AFP Ben Samwer, responsable du projet.
La première économie d'Europe a choisi de tourner la page du nucléaire en 2011, après la catastrophe de Fukushima au Japon, et a fermé sa dernière centrale en 2023. Mais le stockage des déchets radioactifs va encore occuper l'Allemagne pendant des décennies, à la fois défi technique et sujet de discorde persistant dans le pays.
L'entrepôt "Konrad" de Salzgitter est le seul à avoir été approuvé, en 2002, en vue d'une mise en service au début des années 2030. Il devrait à terme accueillir plus de 300 000 m3 de matériaux faiblement et moyennement contaminés.
Ce n'est pas encore assez : les autorités allemandes doivent trouver deux autres sites pour accueillir davantage de déchets.
C'est sans compter le stockage des matériaux les plus fortement irradiés : le gouvernement estime qu'il faudra attendre 2074 pour approuver un endroit adapté, sur lequel des consultations sont en cours. En attentant le stockage définitif, un réseau de centres provisoires accueille les déchets nucléaires du pays, notamment ceux des centrales déjà démantelées.
Un chantier plus complexe que prévu
Illustration des frictions que le sujet engendre : de multiples recours juridiques ont jalonné la mise en place du site de Salzgitter, le dernier déposé en octobre. Pour l'ONG environnementale Nabu, le projet Konrad est une "relique" qui "ne répond pas aux exigences de sécurité" et doit être abandonné.
Sous terre, les ingénieurs poursuivent le chantier - dont le coût est chiffré à plusieurs milliards d'euros - et gardent confiance malgré les contestations. "On ne peut pas laisser les déchets nucléaires pendant des décennies, des siècles à la surface", souligne Christian Gosberg, responsable de la construction qui juge que l'Allemagne a un "problème" avec la question des déchets nucléaires.
Construire cet entrepôt s'avère "beaucoup plus complexe" qu'à son arrivée dans le projet, il y a six ans, estime-t-il. À commencer par l'agrandissement de l'ancienne mine, qui avance pas à pas et réserve son lot de "défis". Pour l'excavation des tunnels, il faut des machines qui doivent être démontées à la surface et réassemblées sous terre.
Dans certains cas, les pièces doivent être "vissée une à une" par les ouvriers, un procédé "extrêmement compliqué et qui prend beaucoup du temps", précise M. Gosberg. Les retards du chantier ont repoussé l'ouverture du lieu et fait passer le montant de la facture à 5,5 milliards d'euros.
Le problème des déchets « toujours là »
Dans les années 1980 et 1990, d'importantes manifestations avaient réussi à entraver d'autres projets de stockage, comme dans la mine d'Asse, voisine de Salzgitter, et dans une installation proche de la ville de Gorleben (nord).
Pour le mouvement anti-nucléaire, profondément ancré en Allemagne, la fermeture du dernier réacteur en avril 2023 a été "un énorme succès", raconte l'activiste Ursula Schönberger. "Mais en même temps, le problème des déchets est toujours là et on doit s'en occuper", reconnait celle qui milite contre l'atome depuis une quarantaine d'années.
C'est un combat qui lui tient à cœur, tout comme son mari Ludwig Wasmus, avec qui elle vit dans une ferme du 19e siècle à proximité de la tour de la mine de Konrad. Ludwig Wasmus craint que l'entrepôt ne pose un "risque radioactif" à l'avenir et juge "très conversé" le processus d'approbation du projet Konrad. Le couple soutient le dernier recours en justice pour annuler l'autorisation d'aménagement de la mine.
Le mouvement antinucléaire s'est certes essoufflé avec les années, aujourd'hui porté à bout de bras "par les locaux" selon Mme Schönberger, mais elle ne se laisse pas décourager. "Tant que nous vivrons, nous resterons là et nous continuerons à nous battre".