- Connaissance des Énergies avec AFP
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La Cour des comptes a mis en garde mercredi contre le coût pour l'État de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, demandant plus généralement que les charges pour démantèlement soient mieux évaluées et provisionnées. "La fermeture de la centrale de Fessenheim, caractérisée par un processus de décision chaotique, risque d'être coûteuse pour l'État", écrit-elle dans un rapport demandé par la commission des finances du Sénat.
Le réacteur n°1 de la centrale alsacienne a été mis à l'arrêt le 22 février et le second doit l'être le 30 juin, dans le cadre de la politique de réduction de la part du nucléaire dans la production électrique française. EDF recevra 370 millions d'euros de l'Etat pour la fermeture anticipée de la centrale, auxquels s'ajoutent des sommes variables représentant son manque à gagner, dans le cadre du protocole d'indemnisation signé l'an dernier.
"Ce protocole présente sur de nombreux points des risques de divergence d'appréciation et donc un risque financier pour l'État", et ses dispositions sont "favorables à l'entreprise", critiquent les magistrats. Ils recommandent la signature d'un avenant pour limiter les risques pour les finances publiques ainsi qu'un paiement dès cette année de l'indemnité initiale, plutôt qu'en différé, ce qui pourrait permettre d'économiser plusieurs dizaines de millions d'euros.
"Nous n'avons pas le souhait ni l'intention de revenir sur l'économie générale du protocole, par contre comme il a été proposé par la Cour des comptes un certain nombre de modalités d'application peuvent nécessiter encore (...) des précisions. Un avenant peut tout à fait y pourvoir", a réagi Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat, lors d'une audition au Sénat.
Le haut fonctionnaire s'est aussi dit ouvert à la possibilité d'un versement pour solder une fois pour toute l'indemnité initiale prévue pour EDF. "L'annualité budgétaire nécessitera que l'on trouve une solution, si on veut le faire en 2020 ou 2021, différente de celle qui est aujourd'hui inscrite dans les trajectoires", a-t-il toutefois observé.
La Cour prône par ailleurs une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), la feuille de route énergétique de la France, sur 15 ans et non 10 ans, afin de mieux anticiper les évolutions futures. Le rapport étudie plus généralement le coût du démantèlement des 56 autres réacteurs nucléaires d'EDF ou encore des installations d'Orano et du CEA.
Les entreprises ont aujourd'hui l'obligation de provisionner les charges futures correspondant aux démantèlements. "L'évaluation des charges de démantèlement produite par les exploitants peut encore gagner en exhaustivité et en prudence", écrit la Cour des comptes. Elle réclame "une meilleure prise en compte des incertitudes et des aléas attachés aux estimations de coûts prévisionnels".
Le montant total des charges futures de démantèlement s'élevait à 46,4 milliards d'euros fin 2018, selon la Cour des comptes. Mais certaines dépenses pourtant jugées "inéluctables" ne sont pas prises en compte dans les dépenses d'EDF et Orano : en les intégrant, ces deux entreprises augmenteraient leurs provisions respectivement de 7 et 1 milliards d'euros, indiquent les magistrats. En outre, le provisionnement "ne repose pas toujours sur les calendriers de démantèlement les plus réalistes".