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L'épilogue d'un long feuilleton : le gendarme du nucléaire français a donné mardi son feu vert à la mise en service du réacteur de nouvelle génération EPR de Flamanville en Normandie, une étape clé pour le lancement progressif de la production d'électricité prévu au cours de l'été, avec 12 ans de retard sur le calendrier initial.
Autorisation de mise en service de l'ASN
À l'issue de son instruction, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) "vient d'adopter l'autorisation de mise en service de l'EPR de Flamanville", a déclaré à l'AFP Julien Collet, son directeur général adjoint.
"Cette autorisation va permettre à EDF de commencer à charger le combustible dans le coeur du réacteur et ensuite d'engager la phase d'essais qui va se poursuivre" au cours des prochains mois.
A travers sa décision, d'une dizaine de pages, l'ASN considère que "l'installation telle qu'elle est construite est effectivement conforme à son référentiel de sûreté", a résumé M. Collet.
A l'heure où le gouvernement veut construire jusqu'à 14 réacteurs en France, le chargement de l'uranium est une étape décisive pour EDF et toute la filière, qui entendent tourner la page d'un chantier laborieux de 17 ans, émaillé de multiples problèmes et de dérapages budgétaires colossaux.
De multiples déboires
Lancée en 1992 comme le fleuron de la technologie nucléaire, avec une collaboration initiale franco-allemande, la technologie du réacteur pressurisé européen (EPR) a été conçue pour relancer l'atome en Europe, après la catastrophe de Tchernobyl de 1986, en offrant une sûreté et une puissance accrues.
Mais cette promesse s'est heurtée à de nombreux contretemps. A l'instar du premier chantier d'EPR, lancé à Olkiluoto (Finlande) en 2005, celui de Flamanville démarré en 2007 aura connu de multiples déboires : fissures dans le béton de la dalle, anomalies dans l'acier de la cuve, défauts de soudure...
Si le démarrage se confirme à l'été 2024, il interviendra avec 12 ans de retard sur le calendrier de départ, pour une facture totale désormais estimée à 13,2 milliards d'euros, selon EDF, soit quatre fois le devis initial de 3,3 milliards.
« Fin d'année »
EDF va dans les prochains mois mener un programme d'essais pour "vérifier le bon comportement du coeur du réacteur" et "le bon fonctionnement des dispositifs de sûreté du réacteur", a ajouté M. Collet.
EDF peut désormais commencer à tout moment le chargement, "un par un", des 241 assemblages d'uranium dans le réacteur, un jalon essentiel avant le lancement progressif de la production d'électricité prévu cet été.
Le raccordement au réseau électrique (le "couplage") n'interviendra en effet que dans quelques mois, une fois que le réacteur aura atteint 25% de sa puissance, après une montée progressive par paliers. Ce n'est qu'en "fin d'année" que le réacteur devrait fonctionner et livrer ses électrons à 100% de sa puissance, selon EDF.
D'ici là, EDF devra encore solliciter l'avis de l'ASN à trois reprises: "avant de démarrer la réaction nucléaire", "au palier de puissance 25% puis au palier de puissance de 80%", a détaillé M. Collet.
« Désapprentissage »
Les difficultés du chantier ont souvent été imputées à "une forme de désapprentissage" de la filière nucléaire après "une longue période d'absence de projets nucléaires" dans les années 1990-2000, souligne le chercheur spécialiste de l'histoire du nucléaire Michaël Mangeon.
Des EPR ont finalement été inaugurés, deux en Chine puis celui d'Olkiluoto, mais "Flamanville 3" restera l'unique EPR jamais construit dans l'Hexagone: les prochains réacteurs qu'EDF compte édifier en France et en Europe seront des EPR2, une version présentée comme plus simple.
A Flamanville, EDF attendait un feu vert au premier trimestre. Mais l'ASN explique avoir dû prolonger son instruction du fait d'ultimes vérifications de conformité sur des équipements sous pression, comme la chaudière, pièce maîtresse de l'édifice.
Entretemps, la consultation du public, organisée sur le site internet de l'ASN, s'est tenue du 27 mars au 17 avril, recueillant 996 contributions, dont l'ASN indique avoir tenu compte. "Il y avait notamment beaucoup d'interrogations sur la suite et donc il y a une prescription supplémentaire qui a été introduite pour qu'EDF informe, au moins mensuellement, le public et la Commission locale d'information de l'avancement du programme d'essais".
Pour autant, une fois le courant circulant sur le réseau, Flamanville 3 n'en aura pas encore terminé avec les travaux: le réacteur devra être arrêté dès 2026, à l'occasion d'une visite de maintenance, pour remplacer le couvercle défectueux de la cuve.