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La préservation des océans est "cruciale" pour la lutte contre le changement climatique, a déclaré l'émissaire américain pour le climat John Kerry, dans un entretien avec l'AFP en marge d'une conférence de l'ONU sur les océans organisée cette semaine à Lisbonne.
Cette conférence n'étant pas une instance de négociations, comment viendra-t-elle nourrir les débats en amont des sommets prévus en fin d'année sur la biodiversité et le changement climatique ?
On ne peut pas régler le problème de la crise climatique sans s'occuper des océans, qui jouent un rôle crucial de puits à dioxyde de carbone. Et on ne peut pas non plus régler les problèmes des océans sans s'occuper du climat, car les émissions de gaz à effet de serre réchauffent et acidifient l'eau des océans. Nous venons d'en discuter lors d'une séance de haut niveau à laquelle participaient des pays très divers. Tout le monde était entièrement d'accord sur la priorité d'intégrer les océans dans les discussions de Charm el-Cheikh (où se tiendra la COP27 en novembre, ndlr). Qu'il s'agisse des couloirs verts de transport maritime, du mémorandum que le président Biden vient de signer sur la lutte contre la pêche illégale en haute mer ou de l'objectif de protéger 30% des zones économiques exclusives de chaque pays, à chaque étape il y a des liens à faire entre l'océan et ce que nous devons faire pour le climat.
Le transport maritime représente environ 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit un peu plus d'un milliard de tonnes de CO2 par an. L'Organisation maritime internationale a fixé comme objectif une réduction de ces émissions de 50% d'ici 2050, par rapport au niveau de 2008. Est-ce suffisant?
Non. Nous voulons que ce secteur atteigne la neutralité carbone au plus tard d'ici 2050. Cela implique des objectifs pour 2030 et 2040 qui permettent d'y arriver. Les prochains mois seront décisifs.
La guerre en Ukraine a provoqué une hausse du transport maritime de gaz naturel liquide (GNL). Ne risquons-nous pas de créer une solution temporaire pour l'énergie qui deviendra un problème permanent pour le climat ?
Cela dépend des règles qui encadrent la transition. Nous ne sommes pas favorables à la construction d'infrastructures de GNL pour les 20, 30 ou 40 prochaines années qui ne soient pas compatibles avec l'hydrogène vert et l'ammoniac. Il faut garder le cap sur la neutralité carbone en 2050. Cela inclut le gaz. Donc il nous faudra être capables de capturer, de stocker ou d'utiliser le carbone. C'est l'objectif le plus important. En préparant le sommet du G7 (qui s'est tenu cette semaine en Allemagne, ndlr), j'ai vu des éléments de langage (dans l'ébauche de communiqué final, ndlr) indiquant précisément que tout remplacement du gaz qui provenait de Russie doit rester dans les clous des objectifs climat arrêtés à Glasgow et Paris. Personne ne parle de s'en écarter. L'Ukraine n'est pas une excuse pour tout d'un coup s'en éloigner et ne pas respecter les engagements pris. Si l'on ne réduit pas assez (les émissions, ndlr) entre 2020 et 2030, on ne pourra pas atteindre la neutralité carbone en 2050. C'est aussi simple que cela.
Un ministre d'un État des Caraïbes me disait qu'en période d'inflation et de récession, les priorités du climat arrivent en dernier. Faut-il s'attendre à des temps difficiles ?
Oui, nous faisons face à de puissants vents contraires en ce moment. Mais il faut rester concentré sur l'essentiel. Si la transition économique obtient le financement nécessaire - et c'est pour cela que nous travaillons -, cela créera énormément d'emplois, les chaînes d'approvisionnement vont s'améliorer et l'inflation pourra baisser. La crise climatique ne va pas disparaître. Si vous vous dites qu'il est cher de s'occuper du climat aujourd'hui, attendez de voir des dizaines de millions de personnes obligés de se déplacer à cause de la chaleur extrême, ou un pays donné dont le grenier a été totalement détruit par la sécheresse. Rien de tout ça ne sera facile. Les dégâts de la crise climatique vont maintenant augmenter pendant des siècles. C'est la situation fâcheuse dans laquelle nous nous sommes placés en fuyant la nécessité d'avoir de l'énergie propre.