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Les Jeux de Paris ont fait le pari de s'alimenter entièrement avec l'électricité du réseau, sans dépendre des groupes électrogènes, fiables mais polluants et gourmands en gasoil : une révolution culturelle et un défi pour les prochains JO en Californie, où le réseau électrique est plus fragile et mis à rude épreuve par le climat.
Des générateurs diesel uniquement en cas de secours
Traditionnellement, les manifestations sportives et culturelles (tournois, matches, concerts, festivals...) recourent systématiquement aux groupes électrogènes pour assurer indépendamment leurs gros besoins en électricité, sans crainte de coupures : transmission médias, écrans, éclairages...
Pour les JO2024, les organisateurs ont rompu avec cette habitude et tout branché sur le réseau, en ne comptant sur des générateurs diesel qu'en cas de secours. Une première à cette échelle. Cet engagement permet d'avoir de l'électricité bas carbone et s'inscrit dans l'objectif de diviser par deux les rejets de gaz à effet de serre de ces Jeux, par rapport à ceux de Londres et de Rio.
"Ce sont d'énormes défis, qui ne sont pas forcément visibles au sens où quasiment tout est enterré", relève Marianne Laigneau, présidente du directoire d'Enedis, principal distributeur d'électricité en France et artisan du raccordement des JO au réseau.
100 millions d'euros d'investissements d'Enedis
Enedis a engagé 100 millions d'euros d'investissements et 8 000 chantiers de raccordement ou de sécurisation du réseau pour écarter ces générateurs dans les 42 sites olympiques et plus de 200 sites de célébration, jusqu'à l'International Broadcast Center, site sensible qui retransmet les épreuves au monde entier.
Enedis a aussi installé des "bornes événementielles" sur les sites temporaires, des boîtes d'alimentation rétractables dans le sol qui pourront resservir pour d'autres événements de rue.
Selon Enedis, les Jeux de Londres en 2012 avaient consommé 4,3 millions de litres de gasoil.
Désormais, le Stade de France, l'Arena Bercy, le stade de Saint-Etienne et le Parc des Princes pourront fonctionner entièrement sur le réseau de manière pérenne. "Les groupes électrogènes redeviennent ce qu'ils auraient dû toujours être : une alimentation de secours", explique lors d'un entretien à l'AFP Mme Laigneau.
Le diesel par « habitude »
"Petit à petit, on convainc de l'utilité de changer cet état d'esprit", souligne la patronne d'Enedis, qui a également raccordé partiellement les festivals de musiques actuelles We Love Green et Rock en Seine et les championnats du monde de ski de Courchevel.
Les stades fonctionnent déjà sur le réseau au quotidien, mais sont encore dépendants de ces générateurs les soirs de matches ou de concerts. "Le secteur événementiel s'est organisé ainsi, par habitude, pour avoir été dans des pays où le réseau est moins fiable", avance Enedis.
L.A.-2028 s'inspirera-t-il de Paris pour reléguer les générateurs en roue de secours? Les organisateurs prévoient d'en dire davantage sur leurs plans pour l'énergie et la durabilité en début d'année.
Des échanges ont déjà eu lieu en avril avec "les opérateurs de réseau concernés par les Jeux de Los Angeles", selon Enedis. Ces derniers étaient aussi présents à Paris mardi pour voir les installations électriques.
Pour convaincre le Comité international olympique de la fiabilité du réseau, "il a fallu faire de la redondance, donc doubler les points de livraison" en amont des sites, de sorte que si la première source d'alimentation lâche, la seconde prenne le relais, explique Sébastien Pietre-Cambacedes, directeur d'Enedis Ile-de-France Ouest.
Vulnérabilité du réseau californien face à des épisodes de chaleur extrême
À ce stade, le bilan est "positif", souligne Enedis qui fait état d'une seule panne sur un site JO, lundi au Stade Vélodrome de Marseille. "Les groupes électrogènes ont pris le relais, comme prévu". À l'origine, un incident technique lié aux fortes chaleurs sur un transformateur qui a touché 22 000 riverains "pendant quelques minutes".
Le risque sera forcément scruté en Californie où le réseau a montré sa vulnérabilité lors d'épisodes de chaleur extrême, qui font tourner à fond les climatiseurs et donc la consommation d'électricité.
En août 2020, une vague de chaleur brutale a forcé l'État à couper le courant à 800 000 foyers et entreprises à certaines heures pendant deux jours, du jamais vu depuis presque 20 ans.
En septembre 2022, une autre vague de chaleur avait conduit les autorités à demander des réductions de consommation. Mais les coupures avaient pu été évitées, notamment grâce à des batteries géantes, qui réinjectent dans le réseau l'électricité produite par le solaire et l'éolien.