- AFP
- parue le
Le Brésil, qui suit avec "préoccupation" les tensions entre le Venezuela et le Guyana, voisins à sa frontière nord, tente de se poser en médiateur du différend territorial sur la région de l'Essequibo.
"S'il y a une chose dont nous ne voulons pas, c'est une guerre en Amérique du Sud", a lancé la semaine dernière le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva.
L'un de ses plus proches conseillers participera jeudi à la réunion au sommet entre les chefs d'Etat des deux pays, le Vénézuélien Nicolas Maduro et le Guyanais Irfaan Ali, sur l'archipel caribéen de Saint-Vincent-et-les-Grenadines.
La tension n'a cessé de monter depuis le référendum organisé le 3 décembre par Caracas sur l'Essequibo, territoire riche en pétrole administré par le Guyana, mais revendiqué par le gouvernement vénézuélien.
Les convoitises vénézuéliennes ont été ravivées par de récents appels d'offres du Guyana pour l'exploitation pétrolière dans la zone, où ont été découverts d'énormes gisements de pétrole par le géant américain ExxonMobil en 2015.
- Frontière stratégique -
La frontière entre le Brésil et le territoire de l'Essequibo s'étend sur environ 800 km, le long de six communes brésiliennes où vivent 140.000 personnes, dont environ 40.000 indigènes, principalement dans l'Etat amazonien de Roraima.
Le Venezuela et le Guyana partagent environ 700 km de frontière, mais cette zone est "pratiquement entièrement recouverte par la jungle, n'offrant pas les conditions nécessaires pour le déplacement de troupes avec des véhicules, ni l'appui logistique pour une invasion", explique à l'AFP Paulo Roberto da Silva Gomes Filho, expert en sciences militaires.
L'accès au Guyana est beaucoup plus simple via le Roraima: dans l'hypothèse d'une offensive terrestre, l'armée vénézuélienne devrait passer par le territoire brésilien, dit-il.
Mais le ministre brésilien de la Défense, José Mucio, a averti lundi: "Nous ne pouvons permettre en aucun cas qu'un pays en agresse un autre en utilisant notre territoire".
La semaine dernière, Brasilia a annoncé "un renfort en troupes et en équipement" dans l'Etat de Roraima, avec l'envoi de véhicules blindés. Une brigade d'infanterie stationnée dans la région et comptant environ 2.000 soldats a par ailleurs "intensifié" sa présence.
- Enjeu Amazonie -
Le Brésil craint que la crise actuelle n'ait pour effet une présence de militaires d'autres pays en Amazonie. La plus grande forêt tropicale de la planète, dont la majeure partie se trouve en terre brésilienne, est une zone éminemment stratégique, au coeur des préoccupations mondiales sur le changement climatique.
Les Etats-Unis, alliés de Georgetown, ont affirmé leur "soutien inébranlable à la souveraineté du Guyana" et des exercices aériens ont été menés jeudi dernier.
Caracas a dénoncé une "provocation" américaine et accusé le président guyanien d'avoir donné son "feu vert" à l'installation de bases militaires américaines dans son pays.
Le gouvernement brésilien ne cache pas son inquiétude.
"Ce que je crains le plus, c'est que cette crise crée des précédents pour la présence de bases et de troupes étrangères dans la région. Nous parlons de l'Amazonie, qui fait toujours l'objet de grandes préoccupations de notre part", a confié Celso Amorim, conseiller spécial de Lula pour les affaires étrangères, dans un entretien récent.
- Lula en médiateur -
Les présidents du Venezuela et du Guyana avaient souhaité la présence de leur homologue brésilien lors de la rencontre de jeudi à Saint-Vincent-et-les-Grenadines, mais le Brésil sera représenté par Celso Amorim. Brasilia n'a pas donné d'explication à l'absence de Lula.
Le président brésilien, qui a poussé pour une déclaration de pays sud-américains appelant à une "solution pacifique", a mis en garde son homologue vénézuélien contre toutes "mesures unilatérales", lors d'un entretien téléphonique samedi.
Mauricio Santoro, expert du centre d'études politico-stratégiques de la Marine brésilienne, estime que le Brésil a un rôle important à jouer.
"Le Brésil est le plus grand pays de la région, tout ce qu'il fait a un fort impact politique et économique", juge-t-il. "Mais pour obtenir un résultat, Lula devra exercer une forte pression sur le gouvernement vénézuélien".
Depuis son retour au pouvoir en janvier, Lula a oeuvré à rompre l'isolement international de Nicolas Maduro, dont le régime est accusé de violations des droits humains.