Les biocarburants pour décarboner l'aviation : quels enjeux ?

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L'aviation représente quelque 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Pour décarboner le secteur, des carburants d'aviation "durables" (SAF) sont développés. Le point sur ces essences nouvelle génération, confrontées à des défis majeurs...

De quoi s'agit-il ?

Les SAF ("sustainable aviation fuel") sont des carburants issus de la biomasse, c'est-à-dire produits à partir de ressources renouvelables. A l'heure actuelle, ils peuvent être fabriqués par exemple à partir d'huiles végétales ou de ressources agricoles riches en glucose.

Les SAF émettent la même quantité de CO2 que le kerosène, et les réductions d'émissions par rapport au fuel classique proviennent donc de leur processus de fabrication.

Ces carburants peuvent être utilisés directement dans les avions existants, et être mélangés à 50% avec le kérosène. A la clef: une réduction des émissions de CO2 de 80% par rapport au kérosène sur l'ensemble de leur cycle d'utilisation.

Parallèlement, il existe de nombreux projets d'électrocarburants ou e-fuels: des carburants de synthèse fabriqués en combinant de l'hydrogène -- produit à partir de sources bas carbone comme les énergies renouvelables ou le nucléaire --, et du CO2 capté dans l'air ou l'industrie.

Quels sont les objectifs ?

Le secteur table sur les SAF pour se décarboner, alors que l'avion à hydrogène est encore loin d'être au point et que les batteries électriques présentent de nombreuses limites pour l'aviation commerciale.

Les besoins sont immenses, mais les SAF ne représentent qu'une part infime des carburants utilisés par l'aviation. L'Association internationale du transport aérien (Iata) estime, dans son ambitieux projet de "zéro émission nette" de CO2 pour le transport aérien à l'horizon 2050, que 450 milliards de litres seront nécessaires chaque année. Elle s'est donné pour objectif intermédiaire 30 milliards de litres en 2030... contre 300 millions de litres produits en 2022.

De son côté, l'Union européenne s'apprête à imposer aux compagnies aériennes des obligations progressives d'incorporation de SAF dans le kérosène. En 2050, 63% du carburant d'aviation devra être durable, dont au moins 28% seront des électrocarburants.

Les Etats-Unis ont également adopté une législation, le Sustainable Aviation Fuel Grand Challenge, qui vise à avoir assez de SAF en 2050 pour répondre à la totalité de la demande de l'aviation.

Quelles sont les difficultés ?

L'un des plus gros enjeux est la disponibilité: il y a une forte compétition pour l'utilisation de la biomasse, d'autres secteurs de l'économie comme le secteur routier étant très demandeurs.

Pour produire des e-fuels, il faudra par ailleurs d'immenses sources d'électricité -- c'est même une difficulté majeure.

"Nous avons besoin d'avoir de l'électricité bas carbone disponible et sécurisée sur le long terme", défend ainsi Benoit Decourt, associé fondateur de la start-up Elyse Energy, qui développe plusieurs projets de SAF pour une mise sur le marché attendue en 2028. L'entreprise porte notamment le projet BioTJET d'une usine dans les Pyrénées-Atlantiques, annoncée par Emmanuel Macron vendredi.

Par ailleurs, l'industrialisation des nouveaux procédés demande temps et investissements. "Une fois le procédé mis au point, il faut le transposer à l'étape industrielle, donc avoir les matières premières, de l'hydrogène en grande quantité et du carbone qu'il faut capturer: tout cela prendra du temps", commente Gaëtan Monnier, directeur mobilité à l'IFP Energies nouvelles (Ifpen).

Enfin, plus globalement, ces nouvelles technologies coûtent bien plus cher que le kérozène. "Les surcoûts sont très variables en fonction du coût d'approvisionnement en électricité, nous sommes sur des multiples supérieurs à deux et inférieurs à 10 par rapport au kérosène", atteste M. Decourt.

Un surcoût qui, selon les acteurs du secteur, sera difficile à totalement éradiquer.

David Calhoun, le directeur général de Boeing, expliquait ainsi récemment dans le Financial Times que les SAF n'atteindraient "jamais" le niveau de prix des carburants classiques. Reste donc à savoir comment, et par qui -- compagnies aériennes, passagers, subventions publiques -- sera pris en charge ce surcoût.

Commentaires

Vincent
Toujours aussi surpris de voir un article sur l'aviation sans mentionner la réduction du trafic nécessaire. Dans un autre article sur le sujet, l'académie des technologies indique que 120TWhe seront nécessaires rien qu'en France pour décarboner l'aviation (sachant que l'hydrogène est une étape dans le procédé). Le rapport RTE se base lui sur 60TWhe pour les électrolyseurs, 120 en cas de révolution hydrogène. Il est juste totalement illusoire de croire que 120TWhe pourront être alloués uniquement à l'aviation, alors qu'en parallèle de ça nous aurons besoin de 1million de tonnes de H2 pour l'industrie (~60TWhe) et à peu près autant pour les besoin du réseau à cet horizon, sans compter les autres besoins pr la mobilité (camions et bateaux notamment). Si 120 TWhe sont réellement alloués à l'aviation, alors ça aura été fait au détriment de la décarbonation des autres secteurs. Il est largement temps d'arbitrer et réglementer les usages, en choisissant qu'est ce qui est le plus important entre avoir un réseau électrique stable, avoir de l'acier décarboné pour nos infrastructures ou fournir les loisirs de luxe d'une minorité (puisque les 2/3 de l'aviation sont pour les loisirs d'une minorité de la population). Décarboner l'aviation passera par de nouvelles technologies qui doivent encore être développées, oui, mais passera en grande partie par la réduction des usages non indispensables à notre société en priorisant les plus indispensables (humanitaire, politique, diplomatie, certains déplacements pro).
Maestria
Les nouvelles technologies sont la pour produire de l'H2 comme la photoelectrocatalyse(Zero electricité), la thermolyse (Zero electricité), les reacteurs a membrane qui peuvent produire jusqu'a 4000 kg/jour/machine de H2 et quelques kwh et m2 pour faire fonctionner la machine. Donc les 120 TWhe ne seront pas nécessaire et les parcs solaires et eolien (sept fois moins de place) pour photelectrocatalyse et des rendements de 77% alors que par electrolyse (2/3 energie perdues). Technologies misent au point en Espagne et qui sont actuellement phase d'industrialisation. A titre d'exemple l'Espagne consomme 500 000 tonnes de H2/an, les 32 usines par photoelectrocatalyse en produiront 150 000 tonnes/an (sans electricité) d'ici 2030, en plus cette techno permet de produire des biocarbutants synthetiques (e-methanol).
Vincent
150 000t/an en 2030. Sur 500 000, aujourd'hui, sachant que le besoin industriel va rester stable et que de nouveaux besoins vont apparaitre pour la sécurité d'approvisionnement en électricité (qui seront probablement de l'ordre de 500 à 1000 kt/an pour un pays comme l'Espagne). Les investissements restant limités, il va nécessairement falloir arbitrer l'usage de l'hydrogène car nous n'en aurons tout simplement pas assez. Concernant la thermolyse, elle a un rendement inférieur à celui de l'électrolyse et la réaction étant endothermique, elle nécessite un apport constant de chaleur : même si celle ci n'est pas d'origine électrique, elle correspond bien à une consommation d'énergie primaire et on en revient au même : les ressources d'énergie primaire étant limitées, il faudra arbitrer. Concernant la photo-électrocatalyse, idem, les rendements sont inférieurs à l'électrolyse. ça ne veut bien sûr pas dire qu'il ne faut pas développer ces technologies, elles peuvent toutes avoir un rôle à jouer. Mais elles ne sont pas des solutions miracles permettant de s'affranchir des problématiques de ressources (métalliques ou d'énergie primaire décarbonée), d'impacts au sol et de manque de financement. Et à ce titre, il me semble inquiétant de ne pas réaliser que l'aviation est en train de s'accaparer une grosse partie du gateau, au détriment de la décarbonation des autres secteurs économiques, bien plus importants, il me semble, pour nos sociétés.
Maestria
Les rendements sont >60% pour ce systeme de photoelectrocatalyse avec des materiaux tres abondants sans metaux rares sans besoin d'importation. https://www.h2-mobile.fr/actus/revolutionnaire-hydrogene-vert-low-cost-sans-electricite/ La version améliorer avec >60% de rendement est prevue pour fin 2023 et la technologie commerciale d'ici 3 ans, l'Espagne c'est 20% des projets h2 en Europe par electrolyse autant dire qu'il y'en aura pour le transport aerien. D'autres technologies espagnoles de ruptures sont en court de commercialisation comme le h2 par micro onde et les revolutionnaires centrales ioniques dont vous entendrez bientôt parler.
Vincent
Technologie au stade startup, attention aux effets d'annonce, donc... On en reparle dans 3 ans ;) "autant dire qu'il y'en aura pour le transport aerien" -> non, les ordres de grandeur ne restent pas bons. Lufthansa vient d'annoncer qu'il lui faudrait la moitié de l'électricité allemande pour couvrir son besoin en carburant synthétique... Pour une seule compagnie. Quand bien même cette technologie ne consomme pas d'électricité, ça donne un ordre de grandeur de ce que ça correspondrait, en terme d'investissement, pour combler le besoin d'une seule (grosse certes) compagnie aérienne. En france, pour remplacer la consommation intérieure de kérosène, il faudrait un équivalent de 2 millions de tonnes d'hydrogène (pour utiliser directement soit sous forme d'hydrogène ou bien pr rentrer dans le process de fabrication des carburants synthétiques). Si déjà on arrive à produire ces 2 millions de H2 vert en 2050, ce sera un petit miracle étant donne le manque total de planification long terme aujourd'hui. Sachant que les besoins industriels sont de 1million, comme je disais dans mon premier post, et à près autant pour le réseau, il reste des cacahuètes pour l'ensemble de la mobilité. Donc autant dire qu'il n'y en aura pas beaucoup pour le transport aérien... Enfin, l'hydrogène (liquide) ne pourra être utilisé que les trajets régionaux. Au delà, seuls les carburants synthétiques feront le taf et on a besoin de CO2 biogénique pour ça. Ici encore, faible potentiel et gros conflits d'usage : on en aura besoin pour les autres usages industriels, pour faire des émissions négatives par séquestration, pour le maritime et donc l'aérien. Sauf que l'aérien a lui tout seul, avec la demande actuelle, consommerait plus que le potentiel de captage de CO2 biogénique, voir cette présentation : https://www.schwenk.de/wp-content/uploads/2022/12/Assessment-of-European-biogenic-CO2-balance-for-SAF-production-v3.0.pdf Bref, ça ne tient pas : si on veut respecter les objectifs de décarbonation de nos société, alors l'aviation va devoir réduire son trafic sur au moins les 50 prochaines années. Il faudrait l'organiser dès maintenant pour limiter la casse sociale. Mais non, on préfère se prendre un mur dans 10 ans.
jean-michel
Globalement, par l'intermédiaire de catalyseurs et de semi conducteurs, la molécule H2O est séparée en Hydrogène et Oxygène. Mais: Le développement de photo-électrodes uniquement à base de matériaux semi-conducteurs se heurte à la difficulté de disposer d’un SC qui puisse à la fois absorber efficacement la lumière visible et présenter un niveau d’énergie suffisant pour catalyser les réactions. Et les problèmes actuels sont d'une part la disponibilité en matériaux (rhodium et ruthénium) plus les surfaces actives à mettre en place. Donc au final le coût. Alors, je veux bien qu'avec assez d'argent, on arrive à industrialiser les procédés, ce qui serait extraordinaire puisqu'on pourrait résoudre aussi le CO2 avec; mais qui dit coût élevé, dit utilisation par une minorité de privilégiés. Or à mon sens nous avons plutôt intérêt, si l'on veut réellement réussir ne transition écologique, à le faire en tenant compte des plus modestes qui vont se trouver encore plus refoulés si ce n'est pas le cas; entraînant dès lors des troubles importants. Par conséquent, pour moi, l'aviation doit être réduite car pas du tout indispensable la plupart du temps sauf pour la lutte contre les incendies, éventuellement la défense du territoire, la sécurité. Les autres utilisations qui sont de convenance peuvent sauter. De toute manière, c'est ce qui se passera quand le pétrole viendra à se raréfier; et moins on aura anticipé, plus la difficulté à satisfaire les salariés du secteur sera difficile.

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