Le Sénat recommande de ne plus importer du GNL russe, et de prendre une action dans TotalEnergies

  • AFP
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L'Etat devrait imposer l'arrêt "dès que possible" des importations de GNL russe et prendre une "action spécifique" au capital de TotalEnergies pour y avoir un "droit de regard", estime dans un rapport publié mercredi une commission d'enquête sénatoriale, au nom notamment de la "souveraineté" du pays.

Après plusieurs mois de travaux, cette commission transpartisane sur "les moyens de l'Etat pour faire respecter par TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France", a dévoilé 33 propositions, concernant aussi bien le groupe pétrolier que les pouvoirs publics.

Initiée en décembre par le groupe écologiste, cette commission présidée par le LR Roger Karoutchi avec le sénateur écologiste Yannick Jadot en rapporteur, est parvenue à achever ses travaux par un rapport adopté à l'unanimité. Une prouesse dans une assemblée dominée par une alliance de la droite et du centre.

"Il y a six mois qui aurait pu prédire que nous sortirions de cette commission d'enquête avec un rapport consensuel ?", a souligné M. Jadot, en évoquant devant la presse un rapport "de compromis" qui "fait honneur au Sénat".

"On a trouvé au bout du bout un équilibre sain, avec des propositions réalistes, concrètes", a abondé M. Karoutchi.

Dans ce rapport, qui n'est pas un "réquisitoire" contre TotalEnergies, selon ses auteurs, "seules cinq ou six" recommandations concernent le groupe, a souligné M. Karoutchi, les autres touchant plus largement aux objectifs énergétiques de la France et à la gouvernance climatique des entreprises.

"Même si bien sûr TotalEnergies doit faire beaucoup plus d'efforts, il est plutôt en meilleure posture que la plupart de ses grands concurrents sur la transition", a dit le sénateur, un argument récurrent de TotalEnergies.

Pour autant, le rapport estime que, "sans mésestimer les investissements déjà réalisés", "il convient de l'inciter à accélérer autant que possible sa stratégie d'investissement dans les énergies renouvelables".

Et pour que l'entreprise demeure "un pilier de notre souveraineté énergétique durable", la commission met les pieds dans le plat en proposant de "prévoir la détention par l'État d'une action spécifique au capital".

Concrètement, cela permettrait à l'Etat de disposer d'un "droit de regard" sur les évolutions actionnariales du groupe et d'"une plus grande influence" sur les décisions stratégiques de son conseil d'administration.

Comme la possible cotation à New York, en plus de Paris, du groupe, dont près de la moitié est détenue par des actionnaires institutionnels nord-américains.

Cette hypothèse, évoquée au printemps, "a fait réagir le Sénat", reconnaît M. Jadot. "Une action spécifique permet à l'État, sans s'immiscer dans la gestion quotidienne de l'entreprise, d'avoir un droit de regard si un jour futur, quelqu'un voulait transformer Total en société américaine", a expliqué Roger Karoutchi.

"On est soucieux que Total soit un symbole français. Cela ne plaira peut-être pas aux investisseurs nord-américains mais tant pis", a dit Yannick Jadot.

Le rapport s'attaque également à un autre sujet sensible: la dépendance de l'Europe au GNL russe, ce gaz liquéfié acheminé par bateau, très convoité en Europe depuis la guerre en Ukraine.

Pour la commission, il faut "hisser la France en position de pionnier par rapport aux autres pays européens, en proposant l'inclusion du GNL (gaz naturel liquéfié) russe aux produits énergétiques sous sanctions européennes et en donnant l'exemple par l'arrêt dès que possible des importations de GNL russe en France".

TotalEnergies a toujours assumé le maintien de ses importations de GNL russe pour pourvoir aux besoins de l'Europe, privé de ses approvisionnements russes par pipeline.

En outre, la commission propose de "favoriser la recherche d'une solution pacifique aux différends dans le Sud Caucase en demandant l'arrêt des nouveaux projets ou nouvelles phases de projets en cours impliquant des entreprises françaises dans les hydrocarbures en Azerbaïdjan", le pays hôte de la prochaine conférence climatique de l'ONU (COP29), où TotalEnergies mène des projets gaziers.

Elle recommande aussi de clarifier le "cadre juridique" des résolutions climatiques aux assemblées générales d'entreprises, "pour éliminer tout doute sur leur recevabilité tout en favorisant le dialogue actionnarial".

Des associations environnementales ont salué mercredi un "diagnostic sévère et sans appel", tout en regrettant l'absence de "mesures contraignantes".

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