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Grand'Maison, le barrage hydroélectrique le plus puissant de France, produit de l'électricité depuis des décennies mais il est désormais appelé à absorber aussi les pics de consommation ou de surproduction liés à l'essor des énergies renouvelables intermittentes.
Une prouesse: l'eau lâchée par le barrage parcourt en pente douce 7 km de galeries souterraines, avant de rejoindre une conduite verticale haute de 1.000 mètres qui la précipite à 400 km/h dans les turbines de la centrale. De quoi alimenter 750 000 personnes en électricité.
Mais ensuite, une partie de l'eau reprend l'exact chemin inverse, poussée par des turbines réversibles qui la ramènent à 1 .700 m d'altitude dans le réservoir amont. "On reconstitue le stock de la batterie", résume Maxime Pradel, coordonnateur d'exploitation du site isérois.
Ces barrages un peu particuliers aussi appelés "STEP" (stations d'énergie par pompage turbinage), basés sur un principe utilisé de longue date, sont aujourd'hui le principal moyen de stocker l'électricité. Bien avant les batteries lithium-ion.
Or le sujet du stockage sera de plus en plus stratégique pour intégrer les énergies renouvelables, solaires, ou éoliennes, par nature intermittentes et en plein essor.
Tous les scénarios énergétiques à l'horizon de 2050 pensés par le gestionnaire du réseau de haute tension RTE s'appuient sur un développement de ces STEP (8 gigawatts) pour offrir plus de flexibilité.
Au niveau mondial aussi, les STEP se taillent la part du lion des capacités de stockage, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), avec 200 GW prévus en 2026, trois fois plus que les batteries...
Aujourd'hui la France en compte six, pour une capacité installée totale de 5 GW. Et Grand'Maison, à 1,8 GW, est la plus puissante d'Europe, revendique EDF.
56 000 piscines
Sur le site mis en service 1985-87, tout est gigantesque.
Située en altitude, dans le massif de l'Oisans, là où en hiver les agents de maintenance ne peuvent se rendre qu'en hélicoptère, la retenue amont, sur la rivière Eau d'Olle, contient 140 millions de m3 d'eau (56.000 piscines olympiques!). Grâce aux pluies printanières, elle est cette année pleine à 94% (78% l'an dernier).
Le barrage de pierres et enrochements, scruté par 300 capteurs, est ce matin scruté à la jumelle par Nicolas Muller, chargé de surveillance des ouvrages.
"On regarde la stabilité des rives, où les couches de lias friable rencontrent le socle cristallin", dit-il, avant de partir explorer 10 km de galeries de service menant notamment aux vannes. L'ouvrage "vit très bien", assure-t-il.
Une dizaine de km plus bas, dans la vallée, à l'usine de Grand'maison, 12 groupes de turbines, des équipements hauts de 15 m, pour la plupart installés sous terre eux aussi, convertissent l'énergie mécanique en électricité.
L'un vient d'être démonté entièrement, une première. Objectif: "expertiser tous ses composants", au terme de 40 ans d'exploitation, explique M. Pradel.
"La centrale est très sollicitée", dit-il, avec 8.000 cycles sur un an.
"On peut remonter 1.300 MW d'énergie, et ainsi faire du stock à grande échelle. On sait aussi ajuster en fonction des besoins, et faire quelques MW".
Télécommandé depuis Lyon, Grand'Maison répond aux pointes de consommation du matin ou du soir, en produisant plus.
Inversement, quand il y a trop de production sur le réseau, par exemple liée aux renouvelables, ou bien la nuit, "on en profite pour remonter l'eau" -- car pomper l'eau implique à son tour beaucoup d'énergie.
Avec les énergies renouvelables, "l'enjeu des STEP est de plus en plus important", et Grand'Maison a dû innover, explique Maxime Pradel, notamment en augmentant la puissance de ses turbines de 14 MW.
Aujourd'hui EDF se dit capable de faire 3 GW de STEP supplémentaires, sans communiquer de montant d'investissement global, entre inconnue juridique liée à un vieux différend avec Bruxelles et grands besoins de financement sur d'autres dossiers.
Parmi ses projets, figure une centrale de 460 MW intégrant de nouvelles turbines mais utilisant les bassins de la STEP déjà existante de Montézic (Aveyron), un investissement potentiel de plus de 500 millions d'euros.