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Grand pays minier, la Mongolie investit afin d'accroître davantage ses exportations de charbon vers la Chine, a indiqué un ministre à l'AFP, au moment où l'utilisation de ce combustible fossile très polluant est la cible de vives critiques.
Actuellement, 86% des exportations totales de la Mongolie, toutes marchandises confondues, ont la Chine pour destination. La moitié de ces achats chinois sont du charbon et Oulan-Bator veut améliorer ses infrastructures pour en vendre encore plus à son voisin.
"Nous devons profiter de cette fenêtre, de ces dix prochaines années, pour en exporter autant que possible", a déclaré à l'AFP le vice-ministre des Mines, Batnairamdal Otgonshar.
La Chine, première émettrice mondiale de gaz à effet de serre en valeur absolue, s'est engagée à atteindre la neutralité carbone d'ici à 2060 et développe son réseau d'énergie renouvelable.
Mais ses besoins énergétiques dépassent, de loin, ce que le nucléaire, l'hydraulique, l'éolien et le solaire peuvent produire actuellement.
Pour faire face à la demande, la Chine a donné au premier semestre son feu vert pour ajouter 300 millions de tonnes à la capacité de ses mines de charbon en 2022, soit l'équivalent d'un mois de production supplémentaire.
De son côté, la Mongolie a déjà exporté 19 millions de tonnes de charbon en Chine cette année, selon l'office mongol des statistiques. C'est trois millions de plus qu'en 2021.
"Forte demande" chinoise
Et le gouvernement mongol entend accélérer la cadence, affirme Batnairamdal Otgonshar, qui plaide pour de nouveaux investissements, notamment en voies ferrées vers la Chine.
La Mongolie doit se dépêcher de vendre son charbon dit "thermique" (utilisé pour produire de l'électricité), souligne le vice-ministre des Mines, car les centrales électriques au charbon sont progressivement démantelées dans le pays.
"En raison du changement climatique", le charbon "ne sera plus un produit très sexy à l'avenir", reconnaît-il.
Mais la flambée des prix n'incite guère la Mongolie à ralentir le rythme dans l'immédiat.
Sur les neuf premiers mois de 2022, la valeur de ses exportations de charbon a bondi pour atteindre 4,5 milliards de dollars. Soit près du triple par rapport à l'an passé sur la même période.
Le refus de la Chine d'importer du charbon australien depuis 2020, du fait de tensions diplomatiques, a encore renforcé la position de la Mongolie, affirment des experts.
"L'Australie hors jeu, l'appétit de la Chine pour le charbon à faible teneur en soufre génère une forte demande pour les mineurs mongols", note Simon Wu, consultant au cabinet britannique Wood Mackenzie.
Mais la Mongolie a "raté sa chance" d'exporter davantage de charbon vers son voisin chinois après l'interdiction du charbon australien, en raison du manque de liaisons ferroviaires, explique M. Wu.
Nouvelle ligne
En septembre, la Mongolie a achevé la construction d'une ligne ferroviaire de 233 kilomètres entre son grand bassin houiller de Tavan Tolgoi et la frontière chinoise. Un projet lancé il y a 14 ans.
La stabilité politique qui prévaut désormais en Mongolie devrait permettre l'accélération de chantiers longtemps reportés, soulignent des analystes.
Selon Tumentsogt Tsevegmid, président du Conseil des entreprises de Mongolie, grâce aux infrastructures déjà opérationnelles et celles à venir, le pays pourrait exporter jusqu'à 70 millions de tonnes de charbon par an d'ici à 2025.
"Si la Chine veut importer davantage de charbon, et si les infrastructures aux frontières et les lignes ferroviaires sont améliorées, alors le commerce se développera", indique-t-il à l'AFP.
Peuplée de seulement 3,3 millions d'habitants et sans véritable industrie lourde, la Mongolie consomme elle-même peu de charbon contrairement à son voisin.
Mais si la Mongolie génère seulement 0,11% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, les effets du changement climatique s'y font déjà clairement sentir, selon l'ONU.
Tempêtes hivernales, sécheresse et feux de forêt ont forcé de nombreuses familles nomades à rejoindre Oulan-Bator après avoir perdu leur bétail.
La surpopulation parfois anarchique dans la capitale entraîne une pollution des sols et de l'air, surtout en hiver, lorsque du charbon brut est brûlé dans de petits poêles pour affronter les températures glaciales.
Exporter du charbon tout en investissant dans les énergies renouvelables, cette "contradiction" mongole "va se prolonger", prévoit Tumentsogt Tsevegmid, car le pays "a besoin d'argent" et doit "réaliser des investissements coûteux dans les énergies renouvelables pour réduire son empreinte carbone" et "diminuer la pollution atmosphérique".
Et "les livraisons et exportations de charbon resteront l'une des principales sources de revenus du gouvernement", relève-t-il.