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Le gouvernement a présenté mardi les nouvelles normes de construction des bâtiments neufs devant aboutir à des économies d'énergie et à une réduction des émissions de gaz à effet de serre, le jour même où le Haut conseil pour le climat pointait du doigt son retard en matière de décarbonation du secteur.
Ces nouvelles règles, dites RE 2020, doivent entrer en vigueur à partir de l'été 2021 et comprennent trois volets: la "sobriété énergétique", avec une baisse de 30% de la consommation au quotidien, la prise en compte du besoin de froid, afin de faire face aux canicules, et une baisse des émissions lors de la construction de 30% à 40% d'ici à 2030, ont détaillé mardi en conférence de presse Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement.
Sur ce dernier point, l'effectivité des nouvelles normes ne se fera cependant qu'à partir de 2024 le temps que la filière s'approprie la méthode d'analyse. "Certains diront peut-être que nous ne sommes pas assez ambitieux pour 2021, mais nous le sommes pour la suite et c'est la faisabilité et la soutenabilité de la trajectoire qui comptent", a défendu Emmanuelle Wargon.
La Fédération française du bâtiment s'est inquiétée des objectifs et délais annoncés qui lui semblent "irréalistes, tant sur le plan économique que sur la capacité de la filière à s'adapter à ces changements radicaux".
Avec 18% des émissions en 2017 (28% en ajoutant la production de la chaleur et de l'électricité) en France, le bâtiment est un des quatre grands secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, avec les transports, l'agriculture et l'industrie. Et ce secteur "doit être complètement décarboné pour que la France atteigne son objectif de neutralité carbone en 2050", a souligné Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat (HCC).
Mais la trajectoire n'est pas là, selon l'organisme indépendant qui a publié un rapport mardi: "la France a déjà accumulé un retard important sur la trajectoire de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) dans ce secteur". "Le rythme de baisse des émissions doit passer d'une pente douce, entre 2 et 3% en ce moment, à une pente plus rapide de 5% par an dans ce secteur d'ici quelques années", a noté Corinne Le Quéré.
Le HCC insiste pour une "massification" de la rénovation des logements, bâtiments publics et tertiaires. L'investissement annuel public et privé, environ 13 milliards d'euros actuellement, "devra être multiplié au moins par deux en quelques années" et les dispositifs de soutien public, "actuellement de l'ordre de 4 milliards d'euros, devront être quadruplés", selon le Haut Conseil.
Au-delà des montants, le HCC s'interroge sur l'efficacité des investissements. Le rapport met en cause la prédominance de "la logique par gestes" : des actes isolés de rénovation, comme le changement d'une chaudière ou l'isolation d'un toit, ne permettent "généralement pas de gains énergétiques majeurs".
Aides « conditionnées »
Résultat, le taux de rénovations globales et performantes - avec un "bouquet" de travaux, de l'isolation complète du bâtiment au système de chauffage - "stagne, avec un rythme de 0,2% par an en moyenne".
Entre 2012 et 2016, environ 87 000 maisons individuelles (qui représentent plus de la moitié du parc résidentiel) ont fait un saut d'au moins deux classes énergétiques (dans le classement de A à G), alors que la SNBC, qui prévoit 500 000 rénovations par an pendant ce quinquennat, vise un objectif minimal de 370.000 rénovations complètes par an en 2022, 700 000 à plus long terme.
Pour encourager la logique de rénovations globales, le Haut Conseil soutient la Convention citoyenne sur le climat qui s'est prononcée pour une rénovation énergétique obligatoire d'ici à 2040.
Le Haut Conseil plaide en plus pour la suppression d'ici à trois ans des aides aux gestes individuels dans le dispositif "MaPrimeRénov", pour lequel le gouvernement a prévu 2 milliards d'euros supplémentaires sur deux ans. Il recommande au contraire de ne proposer "que des aides conditionnées à l'atteinte d'un niveau de performance".
Pour ce rapport, le HCC a passé en revue les politiques allemandes, suédoises, néerlandaises et britanniques. Et la France est "en queue de peloton" avec les logements les plus "énergivores".
La Suède, qui a réussi à quasiment décarboner le secteur, montre d'autre part la réussite d'un modèle qui a misé dès les années 1970 sur des normes d'isolation importante pour le neuf.